L’air est plutôt doux ce jeudi soir. Du côté des allées de Chartres, l’heure est à la répétition des consignes.
« Les primo maraudeurs, vous venez que je vous explique », lance Corinne Dalbera.
La présidente des Robins de la rue n’en est pas à sa première. Voilà neuf ans qu’elle et son équipe d’une quarantaine de bénévoles arpentent les rues de Bordeaux, un mercredi soir sur deux, pour distribuer des repas chauds ou froids, des couvertures et un peu de réconfort.
Ce soir, un invité vient se greffer à la maraude : Tim Deguette est venue avec 80 cartes Solly sous le bras. « On t’écoute Tim », lui souffle la présidente de l’association. Originaire de Lille, le jeune entrepreneur de 22 ans débarque ce jour-là à Bordeaux pour venir présenter « la première carte de paiement pour les gens qui font la manche » :
« On s’est rendu compte qu’aujourd’hui les gens n’ont plus de monnaies sur eux, cette carte permet alors de dématérialiser les dons à partir de notre smartphone et ne sert uniquement qu’à des achats de première nécessité », explique-t-il aux bénévoles.
« Remettre du lien »
Solly, c’est un moyen de paiement intelligent, une carte qui fonctionne comme un ticket restaurant, avec un code pin comme une carte bancaire lambda. Pensé pour éviter toute dérive, le système segmente les achats et ne peux être utilisé ni dans les bureaux de tabac, ni pour acheter de l’alcool ou retirer de l’argent au distributeur. Les détenteurs de la carte peuvent en user seulement dans les supermarchés, les pharmacies et les hôtels, mais pas pour des achats en ligne.
« Solly, comme solidarité et solitude, glisse Tim Deguette, parce que l’objectif c’est de remettre du lien entre le donateur et le bénéficiaire. »
Après quelques minutes de marche, le convoi atteint enfin le Grand Théâtre. Une file s’est déjà formée : une trentaine de personnes attendent que les Robins arrivent. Sous la baguette de Corinne, l’organisation est millimétrée : les vêtements d’un côté, la nourriture de l’autre. Chacun est à son poste et la distribution peut démarrer.
Tim Deguette se saisit de ses cartes et c’est Priol et Angie qui ouvrent le bal. Ces habitués de la maraude sont arrivés à Bordeaux en janvier et sont depuis à la rue. Aussi, quand le jeune Lillois leur propose d’être les premier bordelais détenteurs d’une carte Solly, ils sont curieux. « C’est le truc dont Corinne nous a parlé », réalise Priol.
Plus de liquide
Après un petit temps d’explication et le recueil des données nécessaires à l’activation de la carte (nom, prénom, date de naissance et numéro de téléphone) via une application, le compte est ouvert. « C’est vraiment cool ce truc », lance Priol. À côté de lui, Wesley attend son tour.
« Moi je trouve ça bien parce que c’est difficile de faire la manche toute la journée, les gens n’ont plus de liquide sur eux », concède ce dernier.
Tim Deguette donne au total huit cartes Solly ce soir-là. Les 72 autres seront distribuées et activées par les bénévoles eux-mêmes.
« On confiera ça aux jeunes », s’esclaffe Corinne Dalbera.
Jacques Bascou, son vice-président, et elle ont pourtant suivi une petite formation express en fin de maraude mais au vu de leur moue perplexe, par sûr que la prise en main soit des plus évidentes. Pour autant, tous les deux saluent l’initiative.
Dons défiscalisables
Lancé progressivement au cours des deux dernières semaines, la carte Solly démarre une phase d’expérimentation de six mois à Lille, Amiens, Strasbourg, Cergy, Argenteuil, Toulouse, Clermont-Ferrand, Lyon, Chambéry, Nice et bien évidemment à Bordeaux. Le dispositif compte déjà 70 bénéficiaires et 3500€ de dons sont comptabilisés à ce jour, le don moyen se situant aux alentours des 6€.
Les dons sont défiscalisables contre un reçu fourni par l’association Solly. Pour en faire un, il suffit de scanner le QR code sur la carte. On est ensuite redirigé sur une page qui propose de faire un don entre 2 et 100€. On valide son montant et le tour est joué.
Financée pour le moment grâce aux dons (de mécènes, d’entreprises et de citoyens), l’association, composée entièrement de bénévoles, a pour objectif à terme de s’autofinancer. Une commission fixe de 9% est donc prélevée sur chaque don et en partie reversée à deux associations de logement partenaires, Toit à Moi et Lazare, afin de ne réaliser aucun bénéfice.


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