Pasolini, le prochain film d’Abel Ferrara raconte l’ultime journée du poète, écrivain et cinéaste italien avant son assassinat dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975. Cette réalisation a été coproduite par Dublin Films, société de production de longs métrages de fiction, et l’agence Ecla (Agence Régionale pour l’Ecrit, le Cinéma, le Livre et l’Audiovisuel) grâce au soutien financier de la région Aquitaine.
Le mercredi 30 avril, Abel Ferarra venait présenter son film au cinéma Jean Eustache de Pessac. Malgré un trac palpable, le cinéaste n’en perd pas sa verve habituelle, apostrophant le public. « Qui fait des films ici ? », « Ne posez pas pas des questions si vous avez déjà la réponse », « Vous l’aimez, vous, Pasolini ? », intimidant les plus téméraires.
Une bien courte leçon de cinéma : « La clé pour faire un film est l’inspiration et puis au cinéma il y a un langage qui va au-delà des mots ». Ferrara s’enflamme : « Il va falloir me tuer sur la plage pour que je change une image de mon film », ou quand il parle de son idole : « J’ai l’impression d’être un prêcheur méthodiste du sud des Etats-Unis. »
Cette Masterclass était le dernier des engagements pris par le réalisateur sur un vaste partenariat. Le deal était clair. Dublin film acceptait de coproduire son film en échange d’une participation au montage et d’une série d’événements liés à l’action culturelle à Bordeaux. Soit la présence du cinéaste lors de la 2e édition du FIFIB (Festival International du Film Indépendant de Bordeaux) au mois d’octobre dernier lors d’un dialogue entre lui et Pasolini à travers leurs films respectifs et une carte blanche au cinéma l’Utopia début avril autour de projections et d’un débat avec le public.
Un film qui a failli ne jamais voir le jour
Si aujourd’hui le film entame sa note finale (la post-production), il a bien failli ne jamais voir le jour. Abel Ferrara le sait, lui qui remercie aujourd’hui chaleureusement ses soutiens financiers. C’est alors qu’il cherche à boucler le budget du film (2,7 millions d’euros) en janvier 2013, que le producteur Thierry Lounas, directeur de Capricci, fait appel à Dublin films, société de production basée à Bègles depuis 2011.
A l’époque, le film bénéficie déjà du soutien d’Arte. Dublin film accepte de participer au projet et fait appel au fonds de soutien à la production cinématographique. Ce dispositif, déterritorialisé, permet de faire des demandes de subventions pour des films qui ne sont pas tournés dans la région. En avril 2013, après être sélectionné par un comité de lecture puis un comité d’experts, le projet est retenu. La région participe à hauteur de 200 000 euros.
David Hurst, coordinateur du projet pour Dublin films, rencontre alors Abel Ferrara en juin 2013. En janvier et février, il se rend à Rome pour suivre le tournage et l’accueille fin mars pour le montage image. Les bureaux à Bègles s’avèrent trop petits, un immeuble est loué aux Capucins pour installer deux stations de montage. L’équipe est bilingue, Abel Ferrara est venu avec son chef monteur ainsi que quelques assistants, Dublin films a également mobilisé du personnel local.
David Hurst parle d’une période intense :
« Abel est un personnage fascinant, haut en couleur. Il est engagé dans son projet, passionné et veut que tout se passe comme il l’entend. En tant que producteur nous avions une mission de conseil, notre avis était souvent écouté mais il a gardé toute sa liberté. C’est lui qui avait le final cut. »
Ne pas chercher une vérité absolue
Ce film, Abel Ferrara y pense depuis longtemps. « Le jour ou j’ai appris la mort de Pasolini, j’ai su que je voulais faire ce film. L’idée est en gestation depuis 20 ans ». Il le dit sans détour, Pasolini est son maître. Il admire son exigence intellectuelle, sa liberté dans ce qu’il entreprenait.
« Pourquoi Pasolini ? Question la plus bête du monde. Si vous regardez une minute d’un de ces films vous comprendrez pourquoi. Il ne reculait jamais devant son travail et sa poésie. Il ne se compromettait pas. »
Il lui reconnait aussi une grande humanité, un calme à toute épreuve. « Une passion aussi grande que sa compassion. Il n’élevait jamais la voix sur un plateau. » Un cinéaste qu’il place au rang de mythe :
« Le film traite de la mort d’un poète. C’était son destin, sa tragédie. La passion jusqu’à l’autodestruction. Pasolini était au sommet de ses possibilités. Sa mort a changé le monde. »
Malgré un long travail de recherche (une cinquantaine d’entretiens), Abel Ferrara, qui se défend d’être journaliste ou détective, a dit ne pas avoir cherché la vérité absolue sur les causes de son décès.
« On essaie d’imaginer comment la vie d’un homme peut être résumée en une seule journée. Mais une journée c’est une vie, on commence avec la lumière et on finit avec l’obscurité. »
Après une première projection privée le soir de la Masterclass en présence du Directeur Général d’Arte France Cinéma, Olivier Père, le film espère concourir au prochain festival de Venise en septembre !
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