Il y a un an, 94 salariés travaillaient encore chez Mod’8/Aster, dans l’atelier de chaussures et le magasin d’usine de Blanquefort. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 7 à pied d’œuvre, au four et au moulin, de la conception des nouveaux modèles à la vente aux clients. Et ces derniers sont nombreux à venir voir la résurrection de la boutique, référence girondine de la chaussure pour enfant.
« C’est le pied ! Ça nous ravit que vous soyez toujours en vie ! », lâche en souriant une fidèle de Mod’8.
C’est en effet déjà un petit miracle. Car le groupe Royer, également propriétaire de Kickers, voulait liquider ce site : leader européen de la godasse écoulée en grande distribution, il avait racheté 4 ans plus tôt Mod’8, une griffe de luxe fondée à Bordeaux en 1936.
Malgré le licenciement de 80 personnes, des salariés se sont battus pour le maintien de l’activité à Blanquefort – des quadras et cinquantenaires qui auraient eu quelques difficultés à retrouver un emploi où à partir en reclassement à Cholet, un autre site de Royer. Et garder ainsi la fabrication de chaussures pour enfants en France, où seule la marque Bellamy produit encore.
Garder le savoir-faire
Sous un nouveau nom, l’Atelier du Chalet Aquitain, la fabrication et la vente de chaussures est finalement reprise par deux cadres de Mod’8 : Marli Marchyllie, ancienne directrice commerciale (et déléguée syndicale CFE CGC) et Dominique Laboureau, son ancien directeur technique.
« Tout le monde s’est mobilisé pour ne pas laisser partir ce savoir-faire », rappelle la copropriétaire du Chalet.
Elle salue notamment l’intervention des collectivités locales – mairie de Blanquefort, Conseil général –, mais aussi le Conseil régional, qui a accordé une aide de 100000 euros. Un soutien important dans une ville dont l’usine Ford vit également avec une épée de Damoclès sur la tête.
En fait de savoir-faire, les Mod’8 à Blanquefort ne fabriquaient plus que des échantillons, des prototypes et des petites séries. La production de masse avait été délocalisée au Maroc et en Inde.
L’impossible 100% français
Aujourd’hui, le Chalet sous-traite toujours la tige (dessus de la chaussure), et l’assemblage, mais plus près – Maroc, Portugal et Espagne –, pour contrôler la qualité, l’hygiène et les conditions de travail des salariés. Cela permet aussi de maintenir un prix correct – autour de 65 euros la paire pour ses nouveaux modèles d’hiver, et des prix démarrant à 20 euros pour les fins de série.
« Entre une sous-traitance en Europe et une fabrication 100% made in France, les prix vont du simple au double, et du simple au triple par rapport au Maghreb », estime Dominique Laboureau, qui préfère ne pas comparer avec l’Asie, « c’est impossible car on doit négocier là-bas tous les composants. Et puis nos volumes – une trentaine de paires par couleur –, sont ingérables en Chine ou en Inde. Mais il y a beaucoup de choses à faire avant d »économiser sur la main d’œuvre : trouver des fournisseurs qui font de meilleurs prix sur les matières premières, notamment les cuirs, très chers ; utiliser les emporte-pièces sur plusieurs modèles… »
Officiellement, l’objectif est de rapatrier toute la production. Mais ce ne sera jamais du 100% français, poursuit Dominique Laboureau :
« Il n’y a plus de tanneries en France. Le cuir, et même les semelles, sont italiennes et espagnoles ; et on importe des pays de l’Est la croute de porc pour la doublure. »
Objectif : 15 salariés
L’Atelier du Chalet Aquitain ne compte pas recréer toute une filière, mais se satisfera de maintenir les compétences de la fabrication de chaussure à Blanquefort, où la société envisage d’animer un centre de formation en apprentissage. Dans un premier temps, l’Atelier serait déjà satisfait de redonner du travail à 15 salariés, tous ex de Mod’8, son objectif affiché.
L’enthousiasme des clients pour ses chaussures, écoulées en vente directe sur place, peut lui donner quelques espoirs.
« C’est aussi bien qu’avant, et ils ont renouvelé les couleurs et modernisé les modèles, se réjouit Cécile, 32 ans, venue de l’Entre-Deux-Mers. 65 euros la paire soldée, cela reste cher, mais on est sûr d’avoir de la qualité, et c’est important que les enfants soient bien chaussés. En plus avec une chaussure française ! »
Martine, habitante de Blanquefort, est passée trois fois depuis le 18 mars dans la boutique :
« Une entreprise qui arrive à redémarrer ici, il faut la soutenir ! J’espère qu’elle pourra survivre. »
Après avoir réalisé 36 modèles en cuir cet été, l’Atelier va prochainement en recevoir une quarantaine pour l’hiver. Objectif : bien négocier un moment capital dans la chaussure pour enfants, la rentrée des classes.
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