L’association OSB IV, a qui le CROUS a confié l’organisation du concert d’ouverture des Campulsations, voulait pour cette soirée du jeudi 25 septembre, une grande fête populaire et, avec 15000 spectateurs environ, on peut dire que le pari est réussi. La programmation, très « politique », s’est achevée en fanfare avec le Wombo Orchestra. Plus tôt, c’est Rita Macedo et le Parti Collectif qui ont su séduire, en entraînant le public dans une grande sarabande au son du forro, suivis d’une procession de fanfares et d’intermittents, conclue par une tribune de ces derniers.
Mais la majorité du public était venue pour le groupe Zebda de Toulouse, dont c’était la première date en Aquitaine. Ce groupe culte, symbole de diversité et, selon leur mot, de militance, a su enflammer et émouvoir, l’invitant notamment à se souvenir d’Hervé (Bourdel), à brandir le poing « contre le fascisme et l’intégrisme » – « Ils sont nombreux, mais nous sommes plus nombreux qu’eux » – et à entonner « Motivés », leur reprise du « Chant des partisans ».
Plus de 30 ans après leurs début, les membres du groupe ont montré qu’ils avaient toujours la forme, et l’envie de la scène. Ce groupe à la parole rare a accepté de nous accorder un entretien. Rencontre avec Magyd Cherfi et Hakim Amokrane
Rue89 Bordeaux : On peut décrire Zebda comme un groupe engagé, militant ?
Hakim Amokrane : La génèse de Zebda c’est la militance des jeunes qui ont formé le groupe, des associations avant le groupe. Zebda est né d’une association. En général c’est un peu l’inverse qui se passe, c’est des groupe de musique qui créent des assos et qui militent. Mais Zebda s’est l’inverse. C’est une association militante dans le quartier, dans le socio culturel au départ. Après, on a vite basculé dans le culturel social.
Magyd Cherfi : Ça nous est familier, parce que tout ce qui est du combat d’idée, c’est presque ce qui a créé le groupe, plus que l’idée de faire de la musique. Le militantisme, c’est pas quelque chose que l’on a découvert de façon intellectuelle, par un échafaudage d’idées. C’était surtout par notre situation de fils d’immigrés, et de vivre une injustice assez globale de front. L’injustice, la discrimination au faciès, la discrimination sociale, discrimination intellectuelle.
On a regardé nos parents, on a regardé notre environnement. Et c’est cette idée qui a fondé le groupe : l’idée de prendre à bras le corps la question pourquoi des gens vivent avec moins de droits que d’autres ? Et après, on a élargi, en solidarité avec les mouvements homosexuels, les mouvements syndicaux, universitaires politiques, et tout ce qui est de l’ordre du progrès.
On est dans une gauche qui peut aller d’une gauche radicale par moment, jusqu’à une gauche moins radicale (rires). Même si on souffre de la gauche au pouvoir par exemple aujourd’hui. Parce que là, c’est vraiment plus la gauche. Et là, c’est dur. On est dans un accompagnement, comme des compagnons de route de l’idée progressiste.
Vous trouvez que les jeunes d’aujourd’hui sont militants ?
HA : Aujourd’hui c’est plus difficile. Notre public qui nous suit, est majoritairement de notre génération. Même si l’on sent dans des festivals comme ça, qui drainent une foule plus éclectique au niveau de l’âge, qu’il y a vachement de jeunes qui viennent.
Après la militance… Y’a des jeunes qui sont militants encore aujourd’hui, au sein de l’université, de l’école, du travail. Mais le monde a changé, le monde du travail a changé, le monde de l’école a changé. Les moyens sont plus les mêmes, c’est plus difficile.
« Si tu te bagarres pas, tu finis par courber l’échine »
Vous avez l’impression d’être un exemple, un groupe qui marque pour les jeunes ?
HA : Ouais, je suis chanteur engagé, j’ai toujours eu cette impression. C’est ce que disait Magyd. On est pas devenu militants. Du fait de notre situation sociale globale, t’es obligé de l’être. Si tu te bagarres pas, tu finis par courber l’échine.
Ça vous plait de monter sur la scène d’un festival comme Campulsations ?
HA : Un festival militant ! Oui on aime bien, ça nous ressemble assez.
MC : La scène, c’est surtout le défouloir pour nous, et c’est le contact avec le public. Donc c’est le meilleur moment de la vie d’artiste.
Ces dernières années la stigmatisation revient à la mode, c’est quelque chose que vous combattez ?
HA : On le vit depuis qu’on a l’âge de voter, depuis que l’on est adolescents. La stigmatisation plus que la discrimination. J’ai l’impression d’avoir toujours été stigmatisé, ou des gens de mon quartier, ou des gens qui m’entourent. La stigmatisation a toujours été présente.
Aujourd’hui, la parole raciste qui s’est « libérée » dans les années Sarko va encore plus loin. En 1995, on a fait une chanson qui s’appelle « Le bruit et l’odeur » (inspirée du discours de Jacques Chirac sur les désagrément supposés causés par les immigrés, NDLR). Et si on devait faire une chanson sur des phrases racistes aujourd’hui, on aurait quelques albums à écrire.
Quelques mots sur votre dernier album (« Comme des cherokees », Universal) ?
HA : On est content de l’avoir fait. Ça a été l’album le plus rapide à faire de l’histoire de Zebda. On a mis 14 mois, alors qu’en général on mettait plus de temps. Et voilà, c’est du Zebda !
Pendant longtemps on nous demandait, qu’est ce que vous faites comme musique ? On disait rock, ska, funk, reggae, on mélangeait tous les styles. Mais aujourd’hui, en France, on peut dire, on fait du Zebda.
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