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Justice : la CGT veut éviter le coup de Bélier

La Fonderie du Bélier, implantée dans le Libournais, poursuit pour diffamation l’union départementale CGT Gironde. En débat ce jeudi au tribunal de Bordeaux, l’accusation vise des propos de la secrétaire départementale du syndicat, Corinne Versigny, affirmant que les dirigeants délaissent l’entreprise pour investir à l’étranger. La CGT plaide le droit à la liberté d’expression.

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Justice : la CGT veut éviter le coup de Bélier

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La secrétaire de l’UD CGT de Gironde est sûre de ses propos à l’encontre de la Fonderie du Bélier (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)

« Motivés, soyons motivés » crachent les enceintes devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux. Sous une légère pluie, les drapeaux de la CGT Gironde flottent aux vents. Ses membres se sont réunis pour une manifestation inhabituelle. Renforcés par des membres de la FSU, de Force Ouvrière, de Solidaires et de l’Unef, ils viennent soutenir Corinne Versigny, secrétaire départementale de leur syndicat. Avant de rentrer au tribunal, elle se saisit du micro :

« On est attaqué par tous les fronts. Désormais le patronat aidé par le gouvernement essaient de nous mettre à genoux. Ce que j’ai dénoncé aux Fonderies du Bélier est argumenté. Jamais nous ne baisserons les bras ! Jamais nous nous tairons ! »

« Une femme à la barre »

Lors de la nomination en 2010 de Corinne Versigny à la tête de la CGT de Gironde, le journal Sud Ouest titrait « Une femme à la barre« . Le quotidien ne croyait pas si bien dire. Cinq ans plus tard, elle se retrouve devant la cour du tribunal correctionnel de Bordeaux.

« Corinne Versigny a l’habitude de la lutte mais pas comme ça, pas au tribunal, déplore son avocate maître Magalie Bisiau, j’avoue me demander ce que je fais ici, ce que fait la CGT ici. »

Accusée de diffamation par les Fonderies et Ateliers du Bélier, l’ancienne infirmière doit répondre de deux courriers adressés à des autorités économiques et sociales ainsi qu’un article paru dans le quotidien Sud Ouest. Tous ces écrits datent de fin 2014 et mettent en cause la stratégie des Fonderies et Ateliers du Bélier.

« Il y a un droit d’expression syndicale mais on n’a pas le droit de mentir », justifie maître Bertrand, avocate des Fonderies.

Le 5 novembre 2014, la secrétaire départementale écrit au préfet et lui énumère ses critiques : « un projet de PSE [Plan de sauvegarde de l’emploi, NDLR] plane au-dessus de la tête des salariés », « des conditions de grande dangerosité pour leur santé », « conditions de travail moyenâgeuses imposées aux salariés ». Cette expression suscite l’ire de la direction.

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Corinne Versigny affirme vouloir faire respecter la liberté d’expression syndicale (XR/Rue89 Bordeaux)

« Des termes imprudents »

Un mois après, Corinne Versigny enfonce le clou et s’adresse le 11 décembre au Préfet ainsi qu’aux présidents de la Cub, du Conseil général, du Conseil régional, de la Banque publique d’investissement et au maire de Vérac, commune où se trouve l’entreprise. Dans sa lettre, elle affirme :

« Il n’y a plus d’investissement, des pièces sortent avec des défauts (…) c’est une stratégie managériale bien connue que de mettre financièrement une entreprise en difficulté afin de mieux la fermer » car ses dirigeants investissent « en Chine et en Hongrie », ajoute-t-elle

Des « termes imprudents » explique Maître Bertrand. Alignant les chiffres, elle tient à démontrer que la direction investit des millions dans cette entreprise qui perd 3 millions d’euros pas an. Le projet de la direction serait d’ailleurs de former les salariés à construite des pièces pour l’aéronautique.

Elle fustige surtout la secrétaire départementale de la CGT qui « ne fait pas partie de l’entreprise » et a eu accès à des documents confidentiels. Cette utilisation d’informations jugées confidentielles est « une bombe à retardement », selon l’avocate des Fonderies qui conclut :

« Ce procès d’intention salit les Fonderies et Ateliers du Bélier. »

Corinne Versigny, robe rouge et talons hauts, écoute attentivement. Maître Bisiau parle de confusion dans les accusations :

« S’il y a violation de confidentialité, pourquoi ne pas avoir poursuivi sur ce point ? Cette plaidoirie est à l’image de l’entreprise. On parle d’abord d’économie, de rentabilité au détriment de la santé, des alarmes, des risques psycho-sociaux, des risques chimiques. »

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Les membres de la FSU, de FO, de Solidaires et de l’Unef ont rejoint le rassemblement de la CGT. (XR/Rue89 Bordeaux)

« Rappel de règles » à la « raisonnable » syndicaliste

Ces éléments sont étayés par le rapport du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). D’ailleurs, elle s’étonne que seules trois des 72 pages de cette expertise aient été transmises à la cour, mais aussi que les lettres soient amputées des compliments adressés (« Cette entreprise est une richesse pour notre département voire notre région », « il y a un savoir faire incontestable et reconnu »). Maître Bisiau affirme que la syndicaliste a été « très raisonnable » puis s’adresse à la cour :

« On veut vous instrumentaliser. Dans l’entreprise, c’est désormais difficile car certains [salariés] ont peur de s’exprimer. La direction ne veut pas une tête qui dépasse du groupe. »

Maître Bertrand assure elle qu’il n’y a pas de volonté de nuire aux syndicats à la direction des Fonderies :

« C’est juste un rappel des règles ! »

Elle souhaite toutefois que ce rappel soit complété par 5000 euros de dommages et intérêts.

L’avocate de la CGT réclame la relaxe de sa cliente et 2500 euros de dommages et intérêts à l’encontre de l’entreprise :

« Il faut donner un signal d’alarme aux employeurs qui voudraient museler les salariés et les syndicats. »

Le ministère public s’en remet « à la sagesse du tribunal ». Corinne Versigny sort sous les embrassades de ses camarades. La décision de la cour a été mise en délibéré au 7 mai prochain.


#CGT Gironde

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