Une fois ces portes franchies, on rentre vraiment dans l’univers des douanes car des agents de l’accueil à la sécurité des lieux, le personnel est constitué de… douaniers !
« Tous les jours on nous demande si nous sommes déguisés, mais non, ce sont nos uniformes en tant qu’agents des douanes. »
Renata Pstrag, la conservatrice, était elle-même inspectrice des douanes à la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières) avant de prendre ce poste en 2006 :
« C’est un petit musée d’environ 800 objets, provenant directement des douanes même si quelques achats et dons peuvent être réalisés. Un parcours permanent brasse l’histoire de l’Antiquité à nos jours à travers le prisme des douanes. Mais il touche bien d’autres domaines comme le commerce, la politique, la diplomatie, les conflits de guerre… La douane reflète chaque époque, que les visiteurs peuvent ainsi découvrir. »
Si le musée est un musée d’histoire il peut aussi s’apparenter à un muséum, un musée d’œuvres d’art ou encore militaire tant ses collections sont variées.
Un emplacement tout trouvé
Il y a 31 ans, c’est tout naturellement que l’administration se tourne vers ce bâtiment de la place de la Bourse bien placé, suffisamment grand et chargé d’histoire pour y implanter son musée. En effet, la rénovation des quais du XVIIIe siècle prévoyait la construction de ce bâtiment pour accueillir la Ferme Générale (ancêtre des douanes), l’ancien du cours du Chapeau-Rouge devenu trop exigu, et d’une place royale :
« On s’amuse à dire que le Bordeaux XVIIIe a été construit grâce aux douanes. A partir de ce bâtiment on peut raconter une partie de l’histoire de Bordeaux et du développement de son urbanisme. »
Depuis le bâtiment a été classé monument historique pour ses façades, ses toitures, les pavés de la cour et la boiserie de l’un des bureaux.
L’histoire d’une administration et de ses missions
Le musée retrace les grandes étapes de l’instauration des douanes, son évolution ainsi que ses principales missions, à travers des documents, tableaux, objets et maquettes.
En France, dès le XIIe siècle, on trouve trace de perceptions opérées sur les marchandises en mouvement
Des explications bien fournies dévoilent parfois des anecdotes amusantes tel que celle de ce tabouret du XVIIIe siècle dans lequel les paysans conservaient le sel. Sa forme permettait à la maitresse de maison de s’asseoir dessus en le recouvrant de sa jupe afin de le dissimuler aux contrôleurs. Ce sel, particulièrement taxé, est symbolique d’une lutte contre la Ferme générale, un impôt qui ne sera définitivement abrogé qu’en 1946.
Ainsi, de vitrine en vitrine, on apprend comment sont apparues les taxes sur le tabac et l’alcool avec une pierre de licence de 1786. Plus loin est présenté Mandrin, figure populaire de la contrebande de l’époque. La tradition protectionniste est aussi illustrée par des dessins et des bulletins de lois.
Arrive 1789, deux somptueux tableaux présentent la balance commerciale de la France ainsi que ses finances montrent l’importance de la Ferme Générale comme source de revenu pour le royaume. La Révolution donne naissance à l’administration des douanes moderne. Le 16 septembre 1801, la direction générale des douanes est créée, l’arrêté des consuls en témoigne.
Nous faisons aussi la connaissance d’un douanier qualifié d’ « original » : Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes est mis à la retraite en 1853 suite à la publication d’un ouvrage sur les politiques douanières et les mœurs de la vie administrative. Passionné de préhistoire, il finit par jouer un grand rôle dans la connaissance de l’homme préhistorique et l’émergence de cette science.
A cette époque, Napoléon III met fin au protectionnisme et fait basculer la France dans le libre-échange en négociant secrètement d’un traité de commerce avec l’Angleterre, acte qualifié de « coup d’état douanier ».
Les évolutions du métier
Les vitrines suivantes nous amènent à l’époque contemporaine. La révolution industrielle bouleverse le métier de douanier grâce notamment à l’automobile qui leur permet de saisir sur tout le territoire.
Ensuite une partie étonnante de l’exposition retrace l’évolution des tenues et des chapeaux : les plus modernes sont les modèles féminins, car les femmes n’ont pu accéder à toutes les fonctions des douanes qu’à partir de 1980.
De l’autre côté, triste rappel de l’actualité, les douaniers sont les premiers à avoir eu pour mission de sauver les naufragés.
Monet, Dali, surprises du chef
Une des pièces fait la fierté du musée : un tableau de Claude Monet représentant une cabane de douanier, acheté par l’Etat français et offert au musée.
Juste derrière, une carte de penthière, ces cartes du territoire que chaque douanier se devait d’être capable de dessiner, contenant un dessin de Salvador Dali, un des « inattendus du musée ».
La visite se termine avec de drôles d’objets, des arithmomètres, les premiers modèles de calculatrice de bureau de la seconde moitié du XIXe siècle, rappelant la fonction statistique de la douane. Juste derrière se trouve un terminal Sofi, une sorte de vieil ordinateur connecté aux autres au sein de la douane :
« C’est sûr maintenant ça paraît désuet mais c’était très novateur à l’époque. »
Un musée qui bouge avec son temps
La collection permanente sur les douanes n’est pas seule dans ce musée, où des expositions temporaires prennent régulièrement place dans l’allée centrale. En ce moment « Les Revenants » de l’artiste Audry Liseron-Monfils suite à laquelle se tiendra une exposition sur l’ivoire :
« Pour les expositions temporaires, on démarche et parfois on est sollicités, on va au gré des projets tout en gardant une cohérence. »
Une fois terminée, ces expositions peuvent être redécouvertes sur leur site internet sous forme d’exposition virtuelle. Outre les guides papiers à disposition en langues étrangères et en braille, des audio-guides peuvent être loués, ainsi que des visites sur ipod, téléchargeables gratuitement sur l’apple store.
Entre concerts, ateliers et conférences
L’une des salles d’expositions d’une capacité de 80 à 90 personnes est aussi proposée pour organiser des concerts, des pièces de théâtres, des colloques ou autres conférences :
« Nous proposons des concerts pour la fête de la musique en partenariat avec le rocher de Palmer depuis 2008 pour inciter le public à rentrer, nous voulons aussi que les gens découvrent ce lieu. »
Pour la fête du patrimoine dont le thème sera cette année le XXe siècle, le musée laissera un accès à la cour normalement réservée à l’usage administratif, et un concert de musique cajun s’y déroulera.
Enfin, pour l’Euro 2016, la mairie de Bordeaux souhaite organiser un parcours des musées, auquel le musée national des douanes sera certainement associé.
Enfin, n’oublions pas la bibliothèque. Ouverte sur demande, elle détient un petit fond d’archives qui intéresse surtout universitaires et étudiants :
« L’on y trouve l’histoire du commerce, des statistiques, le journal interne d’un douanier, des registres de navigation… Ce qu’il y a d’unique c’est le fait que tout cela soit rassemblé en un seul endroit. »
L’établissement reçoit 20 000 visiteurs par an. Il propose des ateliers à partir de 3 ans habituellement réservés aux scolaires et centres de loisir, mais également proposés au grand public pour les vacances.
Infos pratiques
- Musée national de la douane : 1, place de la Bourse à Bordeaux – 05 56 48 82 85 – Site internet
- Le musée est ouvert de 10h à 18h tous les jours sauf les lundis.
- Entrée plein tarif : 3 € – Entrée tarif réduit : 1,50 € (étudiants, groupes,…) – Entrée gratuite : pour les -18 ans et sous sous conditions (RMI, carte professionnelle…)
Chargement des commentaires…