Des voitures sans conducteur tournent autour du lac, et Bordeaux devient la première ville où ces bolides sont autorisés à se mêler à la circulation (à condition d’avoir un conducteur capable de reprendre la main au moindre souci). Avec 9 engins de ce type en démonstration, les véhicules autonomes sont la coqueluche de ce 22e congrès ITS (systèmes de transports intelligents) qui a démarré ce lundi à Bordeaux.
On peut notamment y tester la Link&Go d’Akka, une société basée à Lyon et Bordeaux, les minibus sans chauffeur Easy Mile (développé par une société de Biarritz, Robosoft, et Ligier) et Navya, qui font la navette entre le Parc des expositions et le Palais des Congrès. Ou encore la Citroën C4, qui a fait Paris-Bordeaux sur l’A10 toute seule comme une grande.
Mais on peut aussi y découvrir des véhicules lambda, comme ceux équipés par l’opérateur de téléphonie Orange, qui montrent comment trouver une place de parking ou regarder des infos en streaming sur des tablettes (depuis les sièges arrières, bien sûr), grâce à une connexion permanente à Internet (par radio ou 5G).
4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires
Jusqu’au 9 octobre, 10500 visiteurs (dont 1700 venus d’Asie et du Pacifique) et 450 exposants seront attendus pour ce qui est considéré comme le plus important événement jamais consacré aux transports intelligents. En France, ce secteur représente 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 45000 emplois directs. Et fait saliver les start-up comme les géants de l’automobile et du web.
ITS fait escale à Bordeaux car c’est selon le dossier de presse « une des villes les plus avancées en matière de mobilité innovante », à l’image du système de régulation de la circulation Gertrude, créé en 1973 et toujours en opération, ou du premier tramway au monde en alimentation électrique par le sol.
« Notre ambition est de limiter l’utilisation de la voiture en ville, en favorisant des technologies permettant une mobilité plus fluide, et en accompagnant le foisonnement du numérique, et les changements de comportement », a martelé Alain Juppé, maire de Bordeaux, à la tribune du Palais des Congrès, lors de la plénière inaugurale lundi.
Le président de Bordeaux Métropole, celui de la région Aquitaine, Alain Rousset, et des représentants de 32 pays ont en outre participé ce lundi à une « table ronde des ministres », coprésidée par Violeta Bulc, commissaire européenne aux transports et à la mobilité, et Alain Vidalies, secrétaire d’Etat chargé des transports.
Objectif : « en amont de la COP21 (la conférence internationale sur le changement climatique à Paris fin 2015) adresser un message clair sur les apports des systèmes de transports intelligents dans la lutte contre le réchauffement climatique, et pour la transition énergétique ».
Convergence
En Europe, le transport est responsable de 20% des émissions de gaz à effet de serre, dont 70% issus des transports routiers. Selon la Commission européenne, qui compte investir 7,5 milliards d’euros dans les infrastructures de transport intelligent, les systèmes de transports intelligents pourraient réduire de 10 à 20% les émissions du secteur et de 5 à 10% la congestion des villes.
Comment ? Grâce à la convergence de « trois tendances majeures : les services de mobilité (type autopartage et covoiturage), l’électrification et l’automatisation des véhicules », estime Cees de Wijs, président d’Ertico (le réseau organisateur d’ITS, qui comprend des autorités publiques et des entreprises).
« On réduit souvent les transports intelligents aux voitures autonomes, mais ce sont aussi des navettes comme Easy Mile ou Navya, idéales pour faire des économies sur l’empreinte carbone dans les centres urbains, estime Florence Ghiron, dirigeante du cluster Topos présidente du comité bordelais d’organisation du Congrès ITS. C’est de l’autopartage sans chauffeur, il est possible de les appeler depuis son smartphone. De tels services de mobilité doivent faciliter l’utilisation des transports en commun. Le big data de la ville doit aider une personne à se déplacer d’un point A à un point B. »
Parle à ma caisse, ma tête est malade
Le maire de Bordeaux a indiqué à ce sujet que la société Gertrude « est en train de mettre en place un tableau de bord multimodal ouvert aux différentes autorités de transport (TER, Transgironde, TBC), et rassemblant toutes les informations sur la circulation, le stationnement, les offres de transport en commun ou de vélo en libre service… »
Bref, un assistant de mobilité avec services en temps réels sur les horaires et les meilleurs itinéraires, à l’image des diverses applications développées dans la métropole bordelaise.
Le congrès ITS entend ainsi présenter les expériences de communication des infrastructures vers les usagers, mais aussi, et c’est l’une des principales nouveautés, entre véhicules. C’est le cas du système Compass4D, actuellement testé à Bordeaux et dans six autre villes européennes, ou de Scoop@F (système de transport intelligent et coopératif).
Ce projet porté par le ministère de l’écologie (et des transports) et les constructeurs français (PSA et Renault) est un système d’aide à la conduite qui équipera prochainement 2000 modèles de série des marques françaises. Par exemple, si une voiture connectée pile devant un piéton distrait, elle transmet l’information aux autos équipées les plus proches, et ceux-ci freineront automatiquement. Le système doit aussi permettre de fluidifier le trafic aux feux rouges en fonction de l’état de la circulation.
Du hacking et des hics
Ces voitures connectées, ou totalement autonomes, peuvent-elles vraiment contribuer à améliorer la sécurité ? Oui, estiment de nombreux acteurs du congrès ITS, à condition de prévenir les risques de piratage des systèmes informatiques, comme l’a mis en lumière l’affaire de la Jeep hackée.
Le hic, c’est que ces dispositifs ne peuvent rouler sans un large partage des données entre utilisateurs… Consciente de ces difficultés, la commissaire européenne Violeta Bulc a rappelée que l’Union planchait sur un encadrement réglementaire des voitures intelligentes.
Du côté des sceptiques, l’ONG européenne Transport & environnement estime qu’en plein scandale Volkswagen, ce chantier n’est peut-être pas le plus urgent pour obtenir efficacement une réduction de la pollution des véhicules.
L’association anti-nucléaire Tchernoblaye dénonce quant à elle les faveurs accordées à la voiture électrique, donc « nucléaire », selon elle. Elle critique par exemple l’appel à projet lancé dans la région Aquitaine pour installer 700 bornes de recharge dans les communes rurales.
« Une étude des émissions de CO2 sur toute la durée de vie d’une voiture, réalisée par l’Ademe a montré qu’une voiture électrique n’émet moins ce CO2 qu’une voiture thermique qu’à partir de 50000 kilomètres, rappelle Stéphane Lhomme, de Tchernoblaye. De plus, le lithium nécessaire aux batteries entraîne des pollutions dramatiques des zones où il est extrait en Amérique Latine, tout comme les graphites, exploités en Chine dans des conditions moyen âgeuses,. Enfin, une étude révélait que les émissions de particules fines proviennent presque autant de l’usure des plaquettes de frein, des pneus et du bitume que des moteurs diesel. Bref, on ne protège pas l’environnement avec une voiture, qu’elle soit thermique ou électrique. »
Et voila pour la voiture individuelle, autonome ou pas. Et le vélo ? Certains modèles sont présentés à ITS. Dont Alpha, un deux-roues de la société basque Pragma Industries, qui tourne… à l’hydrogène. C’est encore un autre débat.
Chargement des commentaires…