Ne vous attendez à rien. L’installation « Le plan flexible » de Leonor Antunes va vous prendre par surprise. Aussitôt le regard du spectateur posé dans la nef, il doit se laisser guider par de subtiles références au lieu, conjuguées à des matériaux que l’artiste portugaise a rapportés de son pays et soigneusement disposés entre des murs chargés d’histoire.
Le passé et ses références des Entrepôts lainés ont justement été l’essence de cette installation. Leonor Antunes a plongé dans les archives historiques et culturels du lieu. Elle a imaginé une œuvre faisant écho à la fois au passé commercial du site qui remonte au XIXe siècle et à l’héritage moderne du lieu devenu culturel depuis les années 1970.
« Sans aucune limite apparente »
Relevant le défi d’un dialogue avec la nef, Leonor Antunes a imaginé un « espace d’une échelle imposante vers une autre à dimension plus humaine ». Comme avant elle, sur un ton plus tapageur, Daniel Buren et sa spectaculaire installation de miroirs « Arguments topiques » (1991), ou encore plus récemment, Markus Schinwald et sa structure tubulaire en laiton (2013), la nef s’offre à de nouvelles perspectives. Celles de Leonor Antunes sont féminines. Et María Inés Rodríguez, directrice du musée, ne manque pas de le rappeler.
1500 m2 d’un parquet en liège s’offrent aux pas du visiteur. Ce matériau importé du Portugal rend hommage aux besoins essentiels qui lient le vin de Bordeaux au pays du bouchon. Enrichi de lames de laiton dans de subtils accords géométriques, il transforme l’espace dans un raffinement qui raisonne dans d’autres éléments de l’installation, « ajoutés à notre échelle » : des tables en béton sur des structures en laiton tubulaires, ce même laiton que l’on retrouve dans les courbes gracieuses de luminaires disposés par l’artiste pour « éclairer l’œuvre à sa façon ».
Pour « bloquer le passage », trois paravents se dressent perpendiculairement l’un par rapport à l’autre. Tissés avec du rotin, ils s’opposent à un rideau en mailles de laiton dont les vagues sont tenues par des cordes qui sillonnent l’espace à une dizaine de mètres du sol.
Se mesurer à la nef
Avec plusieurs écritures qui racontent son pays natal, son raffinement, et son métissage, Leonor Antunes occupe l’espace sans jamais l’agresser. La fascination que « Le plan flexible » engendre ne manquera pas de nourrir l’attention du spectateur au gré des révélations de l’artiste. Celles-ci jouent avec les désirs de matériaux familiers qui provoquent un tête-à-tête souvent intime et singulier.
Avec des références accumulées et des interprétations nostalgiques, l’œuvre, bien que conçue « à dimension humaine, dans laquelle les visiteurs pourront s’incarner » ne surgit qu’en prenant de la hauteur, « à l’image des tracés de Nazca au Pérou » compare María Inés Rodríguez.
En effet, au première étage, des mezzanines, le visiteur appréciera davantage la vue globale. Effet souvent garanti pour les installations qui défient la nef et qui peinent parfois à prendre le dessus.
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