C’est par un communiqué laconique envoyé ce mardi matin, et préalablement éventé par Sud-Ouest, que les élus socialistes et apparentés de la Mairie de Bordeaux ont annoncé « le retrait de Vincent Feltesse de la présidence du groupe » au conseil municipal.
Motifs : « Son absence de position sur la 3e circonscription de Gironde et son emploi du temps ne lui permettent plus d’assumer cette fonction ».
Explications de Matthieu Rouveyre, conseiller municipal PS :
« On avait posé la question à Vincent Feltesse : allait-il revenir sur Bordeaux ou jouer la circonscription (se présenter comme candidat aux législatives, NDLR) ? Il ne nous a pas répondu, et force est de constater qu’il n’est pas très présent, ni au conseil municipal, ni au conseil régional. »
Sa collègue Michèle Delaunay en modère l’incidence :
« Nous suspendons son activité de président, et nous devons nous revoir pour la suite. Il n’a pas été au rendez-vous pour nous rassurer sur sa candidature dans la 3e circonscription, c’est un signal d’alerte pour lui dire que ce serait une erreur ».
Joint par Rue89 Bordeaux, Vincent Feltesse n’a pas souhaité s’exprimer dans l’immédiat. Ce dernier confiait récemment n’avoir pas voulu quitter François Hollande, dont il est un très proche conseiller, cet été après l’attentat de Nice, remettant à plus tard un investissement à plein temps à Bordeaux.
« Ras-le-bol collectif »
Mais la décision du groupe concrétise surtout selon Matthieu Rouveyre le « ras-le-bol collectif de l’unanimité des élus socialistes et secrétaires de section de Bordeaux » après les déclarations du candidat malheureux aux municipales de 2014.
Rappel des faits : le 6 octobre dernier, Vincent Feltesse confirme sa volonté de briguer la 3e circonscription de Gironde, celle de Noël Mamère, qui ne se représentera pas en 2017. Seulement voilà : ce siège imperdable – c’est l’un des rares conservés par la gauche lors de la débâcle de 1993 – est promis à la suppléante du maire de Bègles, la socialiste Naïma Charaï.
Parce qu’elle est jusqu’ici réservée à l’allié écologiste, la 3e est l’une des trois circos « gelées » en Gironde, c’est à dire non soumise au vote du candidat par les militants. Le proche du président de la République justifie le choix de cette nouvelle terre d’élection – il est actuellement suppléant de Michèle Delaunay, dans la 2e circonscription – par la fin de l’accord électoral PS-EELV, mais aussi par la proximité de Naïma Charaï avec Benoît Hamon, « en position d’opposition frontale au gouvernement ».
« Nous sommes étonnés de ce nouveau changement de territoire électif, qui fait fi du désir d’un vote démocratique exprimé par des élus et militants », ont alors réagi dans un communiqué assassin les secrétaires de sections bordelaises du PS. « Après avoir évincé Emmanuelle Ajon (alors suppléante de Michèle Delaunay, NDLR) aux élections législatives de 2012 sans passer par le vote des militants, il nous semble intolérable qu’un tel scénario puisse se reproduire en 2017 sur la 3e circonscription. Vincent Feltesse , comme tous nos camarades, peut être « candidat à la candidature » et se présenter dans une circonscription devant les militants. »
Naturellement vôtre
Dans l’esprit de Vincent Feltesse, la députation est une marche vers le Palais Rohan, auquel l’ancien maire de Blanquefort prétend toujours, ainsi qu’il l’a expliqué à la presse il y a 3 semaines :
« Je continue à penser que je suis le mieux placé, par rapport à mon action comme président de la communauté urbaine de Bordeaux, aux réseaux dont je dispose, à mon identification auprès des Bordelais. Si on se demande qui a permis l’embellissement de la ville, entre Virginie Calmels (dauphine désignée d’Alain Juppé, NDLR) et moi, il n’y aura pas photo. »
Mais dans le communiqué cité plus haut, ses « amis » ne l’entendent pas de cette oreille :
« Sa légitimation de mettre sa candidature en perspective des élections municipales de 2020 à Bordeaux est loin d’être justifiée. Vincent Feltesse pourra bien évidemment y prétendre au même titre que d’autres candidats potentiels, mais, en se pliant une fois encore, à la règle des élections internes. L’antériorité, à laquelle il n’est d’ailleurs pas le seul à prétendre, ne fait pas partie des critères lui donnant un avantage « naturel ». »
Le problème, c’est que la gauche a peu de candidats « naturels » sous le coude pour la mairie en 2020. Matthieu Rouveyre ? Le héraut de la gauche du PS girondin ne serait officiellement pas intéressé par le job. Michèle Delaunay ?
« J’ai lu dans la presse avec une certaine surprise que je n’étais plus candidate à la mairie, répond elle à Rue89 Bordeaux. J’ai pleinement conscience de mon âge – 18 mois de moins qu’Alain Juppé, qui m’a donné un bel exemple d’énergie -, mais aussi que de mauvaises surprises peuvent arriver. C’est une décision importante pour moi dans les jours à venir, afin de savoir comment je dois m’organiser et m’orienter. Je pense que si on veut être candidat il faut s’y consacrer pleinement, et l’expérience que venons de connaître avec Vincent confirme cette impression. »
Alors que la succession d’Alain Juppé promet d’être plus ouverte que ces 20 dernières années, l’horizon semble paradoxalement de moins en moins accessible pour le PS bordelais, profondément divisé au sommet, et exsangue à sa base (600 militants girondins de moins en 2015). D’une vraie hauteur de vue lorsqu’il présidait la communauté urbaine de Bordeaux, Vincent Feltesse a pour l’instant beaucoup perdu en s’engageant à l’Elysée. Une nouvelle preuve que tout ce que touche François Hollande se transforme en plomb ?
Chargement des commentaires…