Média local avec zéro milliardaire dedans

L’opposition municipale accuse Juppé de cacher un déficit et saisit la justice

Considérant que le Maire de Bordeaux dissimule un grave déficit des comptes de la Ville, les élus des groupes socialiste et EELV ont décidé de saisir le Tribunal administratif de Bordeaux. Ils demandent l’annulation d’une délibération de juin 2016 portant sur le compte administratif 2015 de la ville.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

L’opposition municipale accuse Juppé de cacher un déficit et saisit la justice

Les élus d'opposition PS et EELV du Conseil municipal de Bordeaux (WS/Rue89 Bordeaux)
Les élus d’opposition PS et EELV du Conseil municipal de Bordeaux (WS/Rue89 Bordeaux)

« Tout est fait pour empêcher la lecture des comptes de la ville, alors que la situation financière est explosive. »

Matthieu Rouveyre n’y va pas avec le dos de la cuillère. Le conseiller municipal PS et d’autres élus des groupes socialiste et écologiste – Nicolas Guenro, Pierre Hurmic et Delphine Jamet –, accusent le Maire de Bordeaux de dissimuler par un jeu d’écritures comptables illégales un grave déficit des comptes de la Ville. Ils ont décidé de saisir le Tribunal administratif de Bordeaux.

« C’est la première fois qu’on saisit le tribunal tous ensemble, précise Pierre Hurmic. Nous n’avons pas d’autres issues. On ne fait pas du juridisme, c’est une question de principes. »

Le président du groupe des élus Verts considère que « le droit à l’information aux élus n’a pas été respecté » et que, pour le vote du compte administratif lors du conseil municipal du 6 juin dernier, « Alain Juppé a choisi de passer en force malgré notre demande de reporter la décision et la suspension de séance ».

Maquiller des comptes

L’opposition estime que le maire de Bordeaux a tenté de cacher l’endettement de la municipalité et de maquiller les comptes de 2015 en inscrivant des recettes sous forme d’emprunts à venir, présentées comme des « restes à réaliser ». En juin dernier, Matthieu Rouveyre avait accusé l’Édile de « cavalerie budgétaire ».

Dans la foulée, l’élu PS, avec d’autres conseillers municipaux, avait interpelé le préfet de région, lui demandant de saisir la chambre régionale des comptes de Nouvelle Aquitaine pour contraindre le maire de Bordeaux « à rétablir la sincérité des comptes ». Il  soupçonne la municipalité de cacher ce déficit de 44 millions d’euros, équivalant à 8 % des recettes de fonctionnement, alors que l’article L 1612-14 du Code général des collectivités territoriales limite à 5 % le déficit autorisé pour les communes de plus de 20 000 habitants.

Il y a quelques jours, le Préfet a fait savoir qu’il ne compte pas saisir la chambre régionale des comptes (ce qui aurait eu pour effet la mise sous tutelle de la ville). Dans sa réponse aux conseillers – auxquels s’ajoute Emmanuelle Ajon, Michèle Delaunay et Vincent Feltesse –, il valide la sincérité et l’équilibre du compte administratif 2015 approuvant les lettres des prêteurs, Arkéa et La Banque Postale, « qui ont répondu favorablement à hauteur de 70 millions d’euros ».

Le maire de Bordeaux accusé de masquer un déficit (WS/Rue89 Bordeaux)
Le maire de Bordeaux accusé de masquer un déficit (WS/Rue89 Bordeaux)

L’endettement par habitant « crève les plafonds »

Le préfet a considéré par ailleurs que les ratios d’endettement – deuxième argument de l’opposition – pouvaient être « corrigés » au compte administratif. Les conseillers de gauche contestaient le montant de 892€ de dette/habitant initialement présenté par la mairie de Bordeaux, faisant valoir que, depuis l’arrêté du 16 décembre 2010 relatif à l’instruction budgétaire et comptable, la part investissement restant à payer de l’ensemble des contrats de PPP conclus par les collectivités territoriales sont à comptabiliser comme dette à prendre en compte dans le calcul des ratios.

Le ratio est ainsi ramené à 1501 €/habitant :

« Ce qui crève les plafonds de la ville de Bordeaux, comparée aux autres villes de taille similaire » insiste Matthieu Rouveyre.

S’appuyant sur ces ratios, l’opposition s’alarme de « l’épargne nette négative ». Celle-ci, à l’échelle d’un foyer, est « la capacité de dépense une fois les revenus du foyer ont payé leurs dettes ».

« La forte diminution des dotations va venir impacter les grands équilibres budgétaires. […] L’ensemble des ratios financiers de la Ville devrait connaître, comme pour toutes les autres communes, une dégradation jusqu’en 2017 liée aux chutes spectaculaires des dotations de l’État. »

Le Débat d’orientation budgétaire reporté

Dernier point soulevé par l’opposition, le report du conseil municipal du mois de novembre demandé par Alain Juppé.

« C’est habituellement le mois au cours duquel nous discutons du Débat d’orientation budgétaire, souligne Matthieu Rouveyre. Nous avons cru que Alain Juppé a voulu le reporter en raison des préparatifs pour les primaires de la droite. Mais en réalité, il veut soigneusement éviter que le problème soit soulevé avant ces primaires. Sachant qu’il va falloir trouver une solution pour compenser ces 44 millions d’euros de dépense. Et on voudrait savoir laquelle. […] Le maire veut probablement éviter l’annonce d’une augmentation des impôts alors qu’on est en période présidentielle. »

En attendant, le recours auprès du tribunal administratif risque de prendre des mois. L’opposition compte sur une jurisprudence qui « n’a jamais été contestée, ni remise en question » rappelle Pierre Hurmic. Il s’agit d’un jugement du tribunal administratif de Nice datant de 2006 qui avait annulé la délibération du compte administratif de la commune de Vidauban où un emprunt de plus de 6 millions d’euros, justifié par deux offres de prêt, avait été jugé incertain.

Face à ce recours mené par l’opposition, la mairie de Bordeaux n’a toujours pas réagi.


#Alain Juppé

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options