De l’eau a coulé sous les ponts depuis la conception du projet bordelais Seeneoh (site expérimental estuarien national pour l’essai et l’optimisation d’hydroliennes). Aujourd’hui, après quelques mois de travaux, et un investissement de 3 millions d’euros (financé notamment par la réion Nouvelle Aquitaine, l’Etat ou la métropole bordelaise), le site du port de la Lune va pouvoir commencer son activité.
Piloté par 4 actionnaires locaux – Energie de la Lune, Cerenis, la SEM (société d’économie mixte) Route des Lasers et Valorem -, il doit permettre aux entreprises de tester sur la Garonne des hydroliennes, capables de produire de l’électricité grâce aux courants du fleuve et de la marée. Ce démonstrateur offrira un appui technique et facilitera les démarches administratives des entreprises : en venant se brancher à Bordeaux, elles gagneront 5 ans de procédures, notamment sur les volets environnementaux.
Test grandeur nature
HydroQuest sera d’ici la fin de l’année le premier utilisateur industriel à plonger ses machines dans le grand bain. Cette société est un fleuron français des énergies renouvelables : première à raccorder au réseau électrique français une hydrolienne fluviale (sur la Loire), elle a plusieurs projets en phase commerciale, notamment l’installation pour la Compagnie nationale du Rhône d’une ferme de 39 hydroliennes fluviales. Et elle va expérimenter avec EDF une hydrolienne marine sur le site de Paimpol-Bréhat.
« Le troisième volet de notre activité, c’est l’hydrolien estuarien, à la fois marin et fluvial, explique Jean-François Simon, président d’HydroQuest. Ses turbines sont bidirectionnelles, et peuvent tourner à la fois avec le courant du fleuve et la houle des marées. On attend depuis 2009 ce site d’expérimentation, qui sera une première mondiale. »
La société grenobloise installera une hydrolienne de 80 kilowatt sur une plateforme, baptisée Bilbao, qui permettra de tester la machine sur toute la largeur de la Garonne, au niveau du pont de pierre, là où les courants sont accélérés par le rétrécissement du fleuve avant qu’il ne passer sous les piliers.
Plusieurs aspects critiques seront vérifiés, notamment la résistance des hélices aux impacts de troncs d’arbres flottants et les effets sur l’environnement – la faune aquatique ou l’érosion du lit du fleuve.
L’hydrolien pas assez soutenu
L’électricité produite sera injectée dans le réseau via le poste Alsace-Lorraine, quai Richelieu. Elle représentera l’équivalent de la consommation électrique de 150 personnes par an à Bordeaux. Modeste, mais pour HydroQuest, l’enjeu est, après ce test d’un an, qui représente un investissement de 700000 euros, de passer du démonstrateur à la phase commerciale, et à la production en série d’hydroliennes plus puissantes. 90% du marché d’HydroQuest de fait à l’export, notamment en Afrique et en Asie.
« En France, l’hydrolien est la seule énergie renouvelable qui n’est pas vraiment soutenue, déplore Jean-François Simon. C’est pourtant la seule qui n’est pas intermittente – contrairement au solaire et à l’éolien, elle produit en continu -, et la moins impactante pour l’environnement – elle n’abîme pas le lit d’une rivière, son impact visuel est à peu près nul, contrairement aux éoliennes, et une hydrolienne est facile à recycler. »
La filière compte donc sur le nouveau ministre de l’écologie, Nicolas Hulot, pour « clarifier » la question des tarifs de rachat, le système qui subventionne la production d’énergies renouvelables.
« Ce tarif de 173 euros le Mégawattheure a été instauré pour la ferme pilote d’hydroliennes marines du Cotentin, mais il n’est pas applicable ailleurs, explique Marc Lafosse. Pourtant le potentiel est important, une étude de l’ex région Aquitaine le chiffrait à 106 MW dans l’estuaire de la Gironde, pour 3000 hydroliennes ».
A titre de comparaison, chaque réacteur nucléaire du Blayais produit 900 MW. Mais les hydroliennes permettent de fournir une électricité décentralisée, capable de fournir des zones de pays émergents dépourvues de réseaux électriques. Et elles pourraient rapidement être très compétitive : aujourd’hui, leur coût de production s’élève entre 50 et 200 euros le MWh, contre 62,50 euros pour le solaire, et 120 euros estimés pour le futur réacteur EPR de Flamanville.
Après HydroQuest, Seeneoh espère contractualiser d’autres prospects. Le cluster bordelais a recensé plus de 160 technologies d’hydroliennes brevetées dans le monde, qui n’attendent qu’à être expérimentées grandeur nature.
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Une centrale photovoltaïque géante en 2020 à Bordeaux
En avril 2015, l’entreprise JP énergie-environnement (JPee), producteur indépendant d’énergie renouvelables, sollicite la mairie de Bordeaux et Bordeaux métropole pour soumettre le projet suivant : réaliser une centrale photovoltaïque sur le site de la décharge de Bordeaux-Labarde, située au Nord-Est de la ville, près du stade Matmut.
L’entreprise, qui souhaite conduire cette construction sur la totalité de la surface du site, soit 60 hectares, réaliserait l’une des 10 plus grandes centrales photovoltaïques de France. Avec une puissance de 57 megawatt (MW), elle produirait une quantité d’électricité équivalente à la consommation de 50 000 personnes ou encore, à l’éclairage publique de toute la métropole. À titre de comparaison, la plus grande centrale photovoltaïque d’Europe, située à Cestas, possède une puissance de 305MW.
Cette initiative a été présentée par Anne Walryck, conseillère municipale déléguée en charge du développement durable, lors du conseil municipal de Bordeaux de ce lundi 12 juin 2017.
« La réalisation de cette centrale photovoltaïque permettrait, conformément à nos objectifs en matière de transition énergétique, de nous doter d’une puissance supplémentaire de près de cinq fois supérieure à ce que nous avions déjà réalisé avec les ombrières photovoltaïques du parc des expositions », a-t-elle précisé.
Ces actuelles ombrières photovoltaïques occupent 7 hectares et sont capables de produire une puissance totale de 12MW.
Un règlement complexe
Réhabilitée et dépolluée en 2010, la décharge de Bordeaux-Labarde est une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Les déchets, recouverts par une membrane étanche, sont protégés de la pluie pour éviter la pollution des milieux environnants. À l’heure actuelle, il est donc impossible de réaliser des fondations classiques sur ce sol.
Pour aboutir à la construction de la centrale photovoltaïque, l’entreprise JPee doit donc obtenir un modification d’arrêté préfectoral. En avril dernier, cette dernière avait décrit une solution de fondation superficielle qui a reçu l’accord des services de l’État. En outre, des études géotechniques devront être menées pour prouver l’innocuité de cette construction sur la membrane. En raison de ce règlement complexe, l’entreprise a découpé le projet en quatre parties, lesquelles seront présentées au cours de différentes cessions d’ici à juin 2019.
Un investissement de 40 millions d’euros
Au total, le financement de la centrale photovoltaïque s’élève à 40 millions d’euros. Les études, le financement, les travaux, l’entretien et l’exploitation seront intégralement pris en charge par le producteur d’énergie renouvelables, JPee.
Au démarrage de l’exploitation, une redevance annuelle d’environ 155 000 euros serait versée à Bordeaux Métropole pour une Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT) de 35 ans. Un délai qui inquiète le conseiller municipal socialiste Nicolas Guenro :
« Nous sommes évidemment très favorables à ce projet, nous le voterons, déclare-t-il ce lundi en conseil municipal. Nous regrettons cependant que cet AOT sur 35 ans n’intègre pas une redevance variable et révisable régulièrement, par exemple tous les cinq ans. Cela aurait pour mérite de protéger l’exploitant de variations à la baisse, par exemple, du prix de l’électricité. Mais aussi de garantir les intérêts de la mairie dans le cas contraire. D’autre part il me semble assez hasardeux, d’après l’expérience juridique douloureuse du contrat de concession des grands hommes, de nous engager dans un cadre trop figé sur une période si longue. »
Comte tenu de la nature du terrain mais aussi du type d’activité accueilli, Anne Walryck déclare qu’il était, en l’état, impossible d’obtenir des parts de redevance variables.
Dans le cas d’une issue favorable aux études géotechniques, le permis de construire sera délivré mi-2018 pour une mise en service prévue en 2020.
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