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Le logement social aquitain craint une perte croquignolesque de 110 millions d’euros

La baisse des loyers qu’Emmanuel Macron veut imposer aux bailleurs sociaux se traduirait par un manque à gagner d’un milliard d’euros pour la filière du bâtiment en Nouvelle-Aquitaine, menaçant 20000 emplois, estime l’Union régionale Hlm.

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Le logement social aquitain craint une perte croquignolesque de 110 millions d’euros

« Nous avons été un peu meurtris d’entendre le président de la République qualifier la situation du logement social de croquignolesque. Ce que je trouve croquignolesque, c’est de faire porter sur le logement social les mesures d’économie budgétaires et que ce soient les plus fragiles qui en fassent les frais. Je ne trouve pas ça drôle du tout ».

C’est peu dire que Muriel Boulmier, nouvelle présidente de l’Union régionale Hlm en Nouvelle-Aquitaine, n’a pas aimé la dernière sortie d’Emmanuel Macron sur le logement social, dimanche soir. Certes, la directrice générale de Ciliopée, bailleur agenais, ne s’étonne guère de la vision du sujet de la part de l’hôte de l’Elysée, dont le programme ne comportait aucune mesure en faveur du logement social, et le premier gouvernement pas de ministre du logement de plein exercice.

Mais ce mardi à Bordeaux, à la veille d’une réunion de crise réunissant à l’Arosha (association régionale des organismes sociaux pour l’habitat en Aquitaine) des représentants des 66 organismes Hlm de la région Nouvelle-Aquitaine, Mureil Boulmier a tenu à alerter la presse des conséquences potentielles du projet du gouvernement : si le projet de loi de finance, actuellement débattu à l’Assemblée nationale, est adopté en l’état, les bailleurs sociaux devront en effet compenser la baisse de 5 euros par mois des APL, via une baisse des loyers réglementés qui pourrait dépasser 60 euros par mois et par foyer. Soit une réduction de 10 à 15% des rentrées d’argent pour les bailleurs, supérieure à leurs capacités d’investissements.

Cela représenterait une perte de 110 millions d’euros par an pour le logement social en Nouvelle-Aquitaine, estime l’Arosha. Selon l’association, une telle diminution des moyens  bloquerait chaque année l’équivalent de un milliard d’euros investis dans la construction de nouveaux logements sociaux.

« Le diagnostic d’un effet inflationniste des APL sur les prix du logement nous semble erroné, car nos loyers sont réglementés, et l’effet domino est clairement sous-évalué par l’Etat », estime Muriel Boulmier.

Elle pointe le risque de briser une dynamique forte en Nouvelle-Aquitaine : 10000 logements sociaux ont été programmés en 2016 dans la région, qui permettront d’accueillir 20 à 30000 personnes. La Gironde est quant à elle passée en 10 ans de 3000 à 5000 logements construits par an.

Et surtout la Santé

Si cette réforme arrive à son terme elle aura selon la présidente de l’Arosha des « incidences importantes ». D’abord, « elle handicapera les locataires les plus fragiles », soit parce que les organismes HLM  ne pourront plus construire, soit parce qu’ils ne pourront plus entretenir ou réhabiliter leur parc, où vivent dans la région 10% de la population, soit près de 600000 personnes, dont les deux tiers sont en dessous du seuil de pauvreté.

« Or le premier objet de la réhabilitation, c’est l’efficacité énergétique, qui permet de baisser le prix global de la quittance. Dans mon territoire (le Lot-et-Garonne, NDLR), une rénovation thermique a permis de diviser par trois le coût de l’énergie, ce qui équivaut pour les locataures à un mois de loyer économisé. Est-ce ce choix que nous allons devoir faire ? »

Muriel Boulmier et Emmanuel Hémous, présidente et directeur de l’Arosha (SB/Rue89 Bordeaux)

Le deuxième effet portera selon Muriel Boulmier sur toute la filière du bâtiment, où 20000 emplois seraient menacés :

« Bordeaux Métropole est un champignon dans lequel les organismes Hlm acquièrent en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) un logement sur trois construits par les promoteurs immobiliers, au titre de la mixité sociale. C’est un effet déclencheur qui permet à un programme de se développer, il est donc assez vain d’opposer le logement social et les promoteurs privés. »

Par exemple, l’ilot Santé Navale, qui sera inauguré ce vendredi Edouard Philippe, comportera 25% de logements sociaux, à même de maintenir de la mixité sociale dans le quartier de la gare. Muriel Boulmier espère que ce sera l’occasion pour Alain Juppé, « premier élu à s’être déclaré contre cette baisse des loyers », de transmettre au Premier ministre les doléances du secteur.

Mais si elle a également prévu de s’entretenir avec le préfet, elle ne se berce guère d’illusions :

« Le président de la République a dit qu’il entendait, mais qu’il ne changerait rien. Nous sommes dans un environnement où ce n’est pas le dialogue qui prévaut. Je crois plus à la mobilisation des élus locaux. Quant aux parlementaires, je ne dis pas qu’ils n’ont pas d’idée sur le sujet, mais j’aimerais bien qu’on retrouve un Parlement… »

Ou tout autre contre-pouvoir aux projets jupitériens décidés dans un bureau.


#APL

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