On a beau habiter un écoquartier, l’adhésion aux modes de vie écolo n’est pas assurée : il ne suffit pas d’une nouvelle station de tramway – elle sera inaugurée le 1er février à Ginko -, pour ne plus rouler en voiture, pas plus qu’avoir un logement BBC (bâtiment basse consommation) n’empêche de laisser ses écrans ou ses lumières sans cesse allumés. C’est pourquoi Bouygues Immobilier, le promoteur des Berges du Lac, finance l’association Unis-Cité, composée de volontaires du service civique, pour initier ses habitants aux éco-gestes.
Mardi 21 janvier, à 17h30, un rendez-vous est donné à la Conciergerie Solidaire, place Jean Cayrol, avant de visiter un appartement témoin. Seulement une demi-douzaine d’habitants sont présents, dont Lee. « Tout est bon pour rencontrer les gens », estime ce professeur de danse de 56 ans. Venu pour le prix des locations à Ginko – « 800 euros un trois pièces, alors que c’est plutôt 900 à Bacalan ou Caudéran » – il ne regrette pas son choix.
« On a l’impression d’être tout le temps en vacances : nos deux balcons ont vue sur le lac, et du soleil toute la journée. Le seul inconvénient, c’est les moustiques, il faut supporter de se gratter un peu. »
Également présente à la Conciergerie, Céline Papin, cofondatrice des Ginko-bilobiens, l’association des habitants du quartiers, rebondit sur ce sujet piquant :
« C’est incroyable que dans cette ancienne zone marécageuse les architectes n’aient pas anticipé ce problème en donnant la possibilité d’intégrer des moustiquaires aux fenêtres, c’est parfois techniquement impossible de le faire ».
L’ambition écolo du quartier
La jeune femme est une des pionnières de Ginko – « Nous étions parmi les 15 premiers habitants, contre 1 000 aujourd’hui, c’était un no man’s land » -, elle ne se fait pas une montagne des petites bêtes, moustiques ou ragondins, à l’aune des avantages du quartier, en particulier le nouveau tramway :
« Les habitants attendent impatiemment cette desserte par la ligne C, car même si on est à 10 minutes à pied de la station des Aubiers, c’est pour certains une grosse galère. Le tramway participait aussi à notre choix d’acheter ici, pour être à la fois proche de la ville et de la nature. C’est important quand on a des enfants en bas âge. Nous n’avons pas de jardin, mais il y a le lac, l’été on était tous les jours à la plage, on va au bois de Bordeaux ou au Parc floral à vélo… Et on appréciait l’ambition écolo du quartier ».
La centrale biomasse, une usine à gaz
Ainsi, une chaudière bois doit notamment fournir le chauffage et l’eau chaude à Ginko. Céline Papin sourit :
« Ce n’est pas 100% renouvelable : la centrale biomasse, dimensionnée pour un quartier de 6 000 habitants, est pour l’heure obligée de fonctionner en partie au gaz… »
Confirmation par le porte-parole de Cofely Services, la filiale de GDF-Suez qui gère la chaufferie et le réseau :
« Notre engagement est de fournir une énergie 100% renouvelable au terme du programme immobilier. D’ici là nous pouvons avoir recours à 23% de gaz sur l’année, car quand les besoins de chauffage sont moindres, c’est plus économique pour tout le monde de faire tourner notre petite centrale au gaz que la grosse chaudière au bois. »
Et les économies d’énergie procurées par les bâtiments basse consommation ? Soupir de la « Ginko-bilobienne » Céline Papin :
« Dans notre immeuble, les compteurs n’ont pas fonctionné normalement ; on n’a encore aucune idée de ce que ça nous coûte, car la répartition des charges n’a pas été faite. Et il y a quelques couacs liés au réseau de chaleur, alimenté par la nouvelle centrale biomasse… »
« Certains se brûlent en marchant sur le sol »
Plusieurs riverains interceptés entre l’école et leur logis abondent dans ce sens, notamment Emmanuel, un enseignant de 39 ans, propriétaire dans un immeuble de l’îlot Saint Exupéry :
« On a pas chauffé de tout l’hiver, c’est génial, mais il fait 37° dans certains appartements de notre immeuble, et certains se brûlent en marchant sur le sol ! Par ailleurs, alors que Bouygues nous annonçait 150 euros de charges par mois, on a du payer 400 euros ! Nous avons obtenu une première baisse, mais cela reste élevé ».
Ces dysfonctionnements liés aux charges n’ont rien d’alarmant, considère Laurent Benedetti Directeur de Citya Immobilier Bordeaux, qui gère les syndicats de copropriété et les locations dans deux îlots du quartier :
« Ce système collectif, qui va alimenter 3 ou 4 000 logements, est d’un type assez novateur. On n’a jamais fait de système équivalent depuis les années 1960, on manque donc du recul nécessaire pour estimer correctement le montant des charges la première année, qui varie en fonction du taux d’occupation des appartements ».
Du côté de Cofely, on indique :
« Les bureaux d’étude qui ont estimé les puissances nécessaires pour alimenter les immeubles ont un peu surestimé les besoins. Mais nous avons régularisé la situation avec les occupants, ce n’est plus un sujet ».
D’après Yannick Ollivier, directeur de l’agence Aquitaine de Bouygues Immobilier,
« Un bâtiment présente aujourd’hui encore des températures un peu trop élevées et une procédure d’expertise est en cours car les mesures prises pour abaisser ces températures n’ont pas permis de résultats assez satisfaisants ».
Déboires et des terriers
D’ailleurs, au SAV de Bouygues Immobilier, ce n’est pas comme chez Omar et Fred : ça ne rigole pas. Une permanence est toujours assurée sur le quartier pour recueillir les nombreuses doléances des habitants. Sur une dizaine de riverains interrogés par nos soins, tous ont rencontré plusieurs problèmes une fois installés dans leur logement neuf.
Tout en promenant ses chiens au bord du lac, Marius, 24 ans et primo-accédant, est intarissable sur ses déboires : montants de fenêtres qui s’affaissent, fibre optique en rade, infiltrations d’eau… Il se dit sur le point de porter plainte. Cécile Papin, de l’association des habitants, a aussi eu sont lot de pépins :
« On est un peu étonné de la qualité des bâtiments. Nous avons eu des infiltrations énormes pendant un an, avant qu’ils ne trouvent la source du problème. Et l’isolation phonique est mal conçue, ce qui provoque quelques problèmes entre voisins. Du coup certains propriétaires revendent déjà, au moins un appartement par immeuble. »
Mais Yannick Ollivier, de Bouygues Immobilier écarte toute hypothèse de défauts propres à Ginko. Laurent Benedetti est sur la même ligne :
« Quand on arrive dans une résidence neuve, on essuie les plâtres, il n’y a rien d’extraordinaire ici par rapport à d’autres opérations et promoteurs sur la place ».
Maire-adjointe du quartier Bordeaux maritime, Nathalie Delattre rappelle qu’une réunion est prévue le 11 février avec les habitants de Ginko, « l’occasion de parler de tous les points qui posent problème ». Et même du ragondin, que presque tous les habitants humains des Berges du lac soutiennent. « Ses jours ne sont pas comptés », rassure Nathalie Delattre.
« Le seul souci c’est qu’il creuse des tunnels, et que Bouygues a mis des bâches en plastique pour assurer l’étanchéité des canaux. S’ils avaient été conçus différemment, il n’y aurait pas de sujet ».
Il n’y en aurait pas non plus dans ces colonnes si, aux Berges du lac comme ailleurs, l’écologie était un long fleuve tranquille.
Aller plus loin
Lire la suite de ce reportage : « Berges du lac » cherche habitants motivés pour vie de quartier
Le site de Bouygues Immobilier sur les Berges du lac
L’associations de volontaires Unis-Cité
La page des Ginko-bilobiens
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