Il n’y a rien de tel que les clichés pour se voiler la face. On édicte des certitudes qui sont autant de masques face à la réalité. On ment en somme, par calcul, pour faire croire à une bien hypothétique concorde.
Le rugby est une grande famille ont l’habitude de dire ceux qui le dirigent. Cette école de la vie, frappée aux valeurs de la solidarité, de l’engagement serait ainsi étanche aux discordes, aux mensonges, aux magouilles. Il n’en est rien ; le rugby n’est pas, n’a jamais été ce Robinson probe et vertueux, résistant comme un seul homme aux vicissitudes de ce bas-monde. L’argent, ce fléau des familles, révèle avec tant d’évidence ce qu’il en est de leurs bas-fonds, de leurs affres.
La récente affaire des billets qui secoue la FFR en témoigne. Ainsi, des dirigeants bien sous tous rapports, exigeant de tout un chacun qu’il soit conforme aux règles établies, chipotant sur une note de frais présentée par un technicien, n’ont pas su résister aux sirènes de l’argent. Et se sont laissés aller à un tripatouillage douteux avec des sociétés de voyage avec force billets. Billets pour pénétrer dans la sacro-sainte arène, et billets de banques.
La malhonnêteté de telles pratiques est double. Outre qu’elle permet de s’enrichir de manière plus que douteuse, elle cocufie les amoureux du rugby, les clubs qui devraient être les premiers bénéficiaires de ces places.
La fédération ne s’intéresse aux clubs que lorsqu’il y a des élections. Surtout aux petits. Après, elle n’en a que faire. Je ne doute pas un instant que le président d’un club d’un village des Landes, de la Gironde n’ait pour seul objectif que de voir sa fédération agir en priorité pour construire un grand stade ! Lui, qui a tant de mal à joindre les deux bouts, qui voit le coût des licences et des formations augmenter sans cesse, est, j’en suis convaincu, ravi de constater qu’il sue sang et eau pour satisfaire le marketing de grandes entreprises qui verront leur capacité d’accueil décupler grâce aux ambitions dévotes de la fédération. Si en plus, les billets font l’objet de marchés douteux !
Oui, quelle grande famille que celle dont les responsables sont aussi respectueux et proches de leurs ouailles ! Et qui incarnent dans leurs pratiques et leurs choix les grandes valeurs dans lesquelles ils se drapent avec ostentation.
La famille du rugby est un leurre. Ses instances sont verrouillées et n’ont que de très lointains rapports avec la plus élémentaire démocratie. C’est un monde de notables replié sur ses privilèges. Le temps d’une profonde mise à plat est venu.
La seule famille qui tienne, c’est celle des clubs. Nul ne peut remettre en question cette évidence. Dès que l’on dépasse cette enceinte, tout s’effrite. Victime du marché, soumis à une gouvernance de notables et de nantis, le rugby doit faire sa révolution. Pour ceux qui l’aiment et ne souffrent plus de ces pratiques d’un autre âge soumises aux diktats de l’argent.
Il ne s’agit pas de revenir à un âge d’or, qui n’a jamais existé, où l’amateurisme était roi. Il s’agit simplement de respecter des règles, et d’être irréprochable lorsque l’on a en mains la conduite des siens. Tout dirigeant est redevable à l’endroit de celui qui l’a élu. Pas plus qu’en politique, le rugby ne saurait échapper à ce devoir élémentaire, dont, force est de le reconnaître, notre société est bien chiche.
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