Signé du bordelais Alfred, le roman graphique « Come prima » (Delcourt) est sacré meilleur album de l’édition 2014 d’Angoulême. Splendide et émouvant, il raconte les retrouvailles de deux frères, fâchés depuis des années, qui après le décès de leur père, partent ensemble déposer les cendres de ce dernier dans leur Italie natale.
Si l’action de ce road-movie chaotique se situe dans les années 60, sur fond de déchirures politiques post-fascisme, la fiction est en grande partie autobiographique, comme nous le confiait son jeune auteur (38 ans) lors de la sortie du livre. Elle évoque les affres familiales, les malentendus entre deux frères qui ne se sont pas parlé pendant des années, et les origines d’Alfred, fils d’italien émigré en France :
« Je partage ma vie entre Bordeaux et l’Italie, je viens par exemple de passer 3 ans et demi à Venise, où ma fille est née, ainsi que le projet de « Come prima ». L’histoire a émergé alors que je traversais une dépression, je n’arrivais plus à dessiner. Mon ami Cyril Pedrosa, à qui la même chose est arrivée, m’a encouragé à écrire sur ce blocage, et m’a accompagné un an dans cette drôle de tempête. »
Comme l’auteur de « Portugal », Alfred a réussi une bande dessinée magnifique sur la redécouverte de ses racines familiales. Lui-même est né à Grenoble, d’un père italien (le comédien Serge Papagalli, qui joue dans Kaamelott), avant de découvrir Bordeaux à 18 ans, et de s’y installer à 24. « La ville est belle, on peut s’y perdre et découvrir sans cesse des choses. J’avais des amis qui vivaient ici, je venais souvent les voir, et c’est là que j’ai eu mon premier éditeur, Le Cycliste, disparu depuis. »
Carnet de route du dernier Daho
Mais ce n’était pas pour sa première BD : ce fan de Philémon (la série de Fred) et de Moebius, dessine depuis toujours, et jusqu’à 15 heures par jour.
« Il n’y a rien de plus sérieux que l’humour, me dit toujours mon père comédien », glisse Alfred.
Voila un point commun avec les prolifiques Lewis Trondheim et Joann Sfar, ces stars de la BD qui lui ont confié le dessin de l’ultime album de la série Donjon, « Haut septentrion » (à paraître en mars).
« Quand j’avais 18 ans, Lewis est le premier à avoir acheté mon premier livre auto-édité, raconte le Bordelais. Puis c’est lui qui, en 2007 à Angoulême, m’a remis le prix du public pour « Pourquoi j’ai tué Pierre », et m’a invité à rejoindre l’atelier Mastodontes, qui paraît dans « Le journal de Spirou ».
Dans ces strips humoristique, Alfred montre son regard amusé sur le quotidien d’un dessinateur. Il s’illustre ainsi dans tous les genres. Dans un style plus reportage, il planche sur le « making off » dessiné du dernier album d’Etienne Daho, dont il a suivi l’enregistrement à Londres, et qu’il s’apprête à accompagner en tournée. La BD devrait sortir fin 2014.
Autre projet : la carte blanche donnée à Alfred pour le prochain festival Regard 9, du 19 mai au 1er juin prochain. Objectif : imaginer une exposition d’œuvres originales et inédites en lien avec son univers.
« L’organisateur du festival, Eric Audebert, comme Olivier Ka, l’auteur de « Pourquoi j’ai tué mon père », sont deux bordelais qui ont beaucoup compté dans ma vie professionnelle. Eric me fait un cadeau en or, car je suis à la recherche d’autres formats que la BD pour raconter des histoires en dessins, et j’avais besoin d’un terrain d’expérimentation. La thème sera sans doute les villes italiennes, et l’énergie qu’elles m’ont donné – le chaos de Naples, la fluidité de Venise, la beauté de Rome… »
Un chouette dessein animé.
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