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Municipales : le FN ne vendangera pas dans le Médoc

Le Médoc peine à trouver des amateurs pour le « Rassemblement Bleu Marine »… Sur 19 listes frontistes présentées aux municipales en Gironde, une seule a vu le jour dans le Médoc, à Saint-Laurent. Car le vote défouloir pour Marine Le Pen à la présidentielle ne se transforme pas en adhésion militante.

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Municipales : le FN ne vendangera pas dans le Médoc

Avec 19 listes en Gironde, le Front National affiche sa satisfaction. « Multiplier à ce point le nombre de candidatures, ça, c’est un sondage grandeur nature », se félicite Jacques Colombier, secrétaire départemental du FN et candidat à Bordeaux. Certes, c’est bien mieux qu’en 2008, où deux listes portaient les couleurs du parti de Marine Le Pen, à Bordeaux et à Libourne.

Mais cette progression est le cep qui cache la vigne. D’abord, 19 listes, ce ne sont que 3,5 % des 542 communes du département. Ensuite, le pari de s’implanter dans les zones rurales et périurbaines n’est pour l’heure pas tenu (lire encadré). Il est ainsi frappant de constater que dans le Médoc, seule une liste a pu être constituée à Saint-Laurent-Médoc, alors que Marine Le Pen avait au premier tour de la présidentielle, en 2012, obtenu plus de 25% des suffrages dans plusieurs villes, comme Pauillac ou Lesparre-Médoc, arrivant en deuxième position, juste derrière François Hollande.

Pourtant le Médoc est une terre chère au FN, notamment depuis l’absorption du parti Chasse Pêche Nature et Tradition (CNPT) par l’UMP, qui a laissé de nombreux électeurs médocains sur le carreau.

« Dans le Médoc, il existe un courant protestataire important, une forme de grogne rurale anticonstitutionnelle, que le parti CNPT avait réussi à fixer », rappelle Hubert Bonin, professeur d’histoire économique contemporaine à l’Institut d’études politiques de Bordeaux et auteur du livre « Les Tabous de l’extrême droite à Bordeaux » (éditions Le Festin, 2012).

Aux cantonales de 2001, sur les 4 élus CNPT dans toute la France, on trouve ainsi Francis Magenties pour le canton de Lesparre-Médoc. Il sera réélu en 2008. Le taux de chômage dans la zone de Pauillac, qui frôle les12% (11,8 % de la population active, fin 2011, selon l’INSEE), soit le taux le plus élevé de la région Aquitaine, sert également de terreau à la progression du FN.

Déboires dans le Médoc

C’est donc avec détermination que le parti de Marine Le Pen s’est lancé dans la bataille des listes. En octobre 2012, le responsable local du Front national, Jean-Claude Le Guern, s’emparait des affrontements qui opposaient Français d’origine marocaine et ouvriers viticoles espagnols, Sahraouis d’origine, à Pauillac, s’insurgeant contre la « libanisation » de la région.

La venue de saisonniers étrangers recrutés par les viticulteurs pour les vendanges est d’ailleurs un sujet souvent agité par le FN. Selon le directeur du Pôle Emploi de Pauillac, Nicolas Hervé, environ 2000 emplois saisonniers sont crées dans le Médoc à chaque vendange :

« Mais ces emplois intéressent en fait peu les gens du coin, qui préfèrent faire la taille l’hiver, c’est pour ça que les grands châteaux font appel à des ouvriers étrangers. »

En juin 2013, le FN annonçait avoir trouvé une tête de liste pour Pauillac et travaillé à la constitution d’une liste sur cette commune. Jean-Claude Le Guern était, lui, pressenti comme candidat à Lesparre.

A l’automne 2013, des militants FN sont même venus distribuer dans les boîtes aux lettres des Pauillacais des tracts intitulés « Grand sondage municipales 2014, les habitants de Pauillac ont la parole ». Mais la mayonnaise n’a pas pris. Aujourd’hui, aucune candidature n’a été déposée dans ces deux communes. Si le patron du FN Gironde, Jacques Colombier, préfère rester optimiste – « Nous avons jusqu’au 6 mars pour boucler ces listes » –, en off, de nombreux militants l’avouent :  « Ce sera objectivement très difficile d’être représenté ».

Dé-dédiabolisation

Jacques Colombier, pressenti un temps comme tête de liste à Pauillac avant de se voir réintégré à Bordeaux, reconnaît qu’il n’est pas toujours évident de monter une liste FN. Notamment dans le Médoc :

« C’est une région radicale-socialiste où les gens extériorisent peu et n’osent pas afficher, hors du secret de l’isoloir, leurs affinités avec le Front National. »

D’autant que, selon lui, se présenter comme candidat FN « peut gêner une carrière professionnelle » :

« Nous sommes encore considérés comme les affreux fascistes et même si aujourd’hui de plus en plus de tabous tombent, les gens ont encore honte à s’afficher FN. »

Même son de cloche du côté de Jean-Claude Le Guern, responsable frontiste pour la cinquième circonscription de Gironde  :

« Nous subissons encore de l’ostracisme, des discriminations, qui expliquent que les gens connaissent des hésitations et n’osent pas sortir du bois par peur du qu’en dira-t-on… »

On sortirait presque nos mouchoirs, jusqu’à ce que les masques tombent. Pour le militant FN André Heideger (pas le philosophe, l’habitant de Grayan-et-l’Hôpital, à quelques kilomètres de Soulac) :

« Si personne n’ose se présenter à Pauillac, c’est en raison de la présence de nombreux immigrés dans la commune… Les gens ont peur des représailles… Vous avez bien vu en 2005 de quoi ils sont capables [allusion aux émeutes en banlieue, NDLR], si vous vous affichez FN à Pauillac, ils vont casser votre voiture… »

La dédiabolisation si chère à Marine Le Pen ne semble donc pas encore avoir complètement porté ses fruits, si tant est qu’elle le puisse…

Pas de « gens qui tiennent la route »

A une dizaine de kilomètres de Pauillac, Saint-Laurent-Médoc est la seule ville du Médoc où une liste frontiste a, tant bien que mal, réussi à voir le jour. C’est Benito Giannelli, 50 ans, qui prendra la tête de ce Rassemblement Bleu Marine. Mais « attention », précise-t-il :

« L’appellation Rassemblement Bleu Marine est primordiale : on travaille notre image, on s’affiche davantage Marine que Jean-Marie. »

Car là encore, se présenter ouvertement Front National n’est pas porteur : cela sonne « un peu agressif dans le Médoc, le FN restant catalogué comme étant le parti des méchants racistes », explique la tête de liste. Même si le candidat lâche qu’une des difficultés a été en fait surtout de « trouver des gens qui tiennent la route ».

C’est là que le bât blesse pour les frontistes : si la peur du « coming out » et de ses conséquences est la raison invoquée pour justifier l’absence des leurs aux municipales dans certaines communes de la Gironde, c’est en fait bien davantage l’absence de relais locaux et de militants qui coince.

« Dans le Médoc, où il n’existe pas de tradition réactionnaire, l’extrême-droite ne peut compter sur le soutien d’aucune élite, rappelle le politologue Hubert Bonin. Les électeurs FN appartiennent à des groupes sociologiques déclassés ou se sentant déclassés, qui ne se sentent pas la volonté ou la compétence de passer au stade supérieur. D’autant que le militantisme est une construction de vie. »

Un constat que partage le maire actuel de Pauillac (PS), Sébastien Hournau, qui briguera en mars 2014 un troisième mandat :

« Depuis 20 ans, le FN fait des scores importants aux élections “nationales”, mais il ne parvient pas à s’implanter. Le vote FN reste un vote défouloir. »

Et ce n’est pas son adversaire, Florent Fatin, le candidat UDI-UMP qui lui donne tort :

« J’ai rencontré beaucoup de gens qui votaient FN : c’est un vote de rejet de l’appareil politique, bien plus qu’une véritable adhésion aux idées du FN. »

Avec le risque de voir ce vote « défouloir » prendre de plus en plus d’ampleur. Ainsi, à Saint-Laurent-Médoc, Benito Giannelli et ses colistiers escomptent bien recueillir les voix des mécontents :

« J’espère être au second tour. Et si nous réussissons à percer à Saint-Laurent-Médoc, nous allons libérer le vote FN dans tout le Médoc. »

Jusqu’ici, les digues tiennent encore.


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