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Élections à l’Université : Où est le piège ? Qui sont les cons ?

Ces temps-ci à l’Université Bordeaux Montaigne, on se la joue politique : un débat entre syndicats mardi dernier, pour des élections aujourd’hui et demain. Une tribune, des micros, des points de vue, des oppositions… Ça donne envie non ?

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Élections à l’Université : Où est le piège ? Qui sont les cons ?

L'Université Bordeaux Montaigne (DR)
L’Université Bordeaux Montaigne (DR)

On est en pleine « campagne » donc : on tracte, on colle des affiches, et on débat ! Enfin, complétons le tableau… Mardi dernier, 12h30, Amphi 700 : un animateur qui cherche laborieusement à faire parler, tour à tour, des intervenants (un pour chaque liste : Uni-Met, Unef, Solidaires, Arb3) ; des interventions juxtaposées, sans relance ni vrai « débat », découpées en 5 thèmes (« stratégie » de l’université, formation, recherche, vie étudiante et vie institutionnelle) ; des « opposants » syndicaux, rivés sur leur smartphone, qui envoient des textos pendant que les autres parlent ; dans l’amphi de 700 places, une trentaine d’étudiants seulement, pour la plupart des militants syndicaux ; et pour finir, pas de séance de questions du public mais de longs remerciements, qui partent en l’air, du représentant de l’université.

Mais alors, que se passe-t-il vraiment ? Des élections ont lieu les 19 et 20 mars pour élire les représentants étudiants au Conseil d’administration et au Conseil académique (composé de la commission formation et vie universitaire et de la commission recherche). Puis, dans quelques semaines, des élections aux conseils des UFR (unités de formation et de recherche, qui regroupent les formations par groupes de disciplines). Et pour la première fois, il avait été décidé d’organiser un débat entre les listes de candidats.

Où est le piège ?

Saluons d’abord l’initiative. Rassembler les étudiants, donner une image forte du rôle des syndicats, faire débattre, faire réfléchir sur la vie institutionnelle de la fac, ses enjeux : ce sont là de très bonnes et démocratiques intentions.

Mais regardons ensuite les choses en face. Tout le monde se moque de ces élections. On ne voit pas les enjeux, on voit difficilement les différences de programme entre les listes, on est inondé par les tracts de l’Unef, et – si jamais on passe par la salle des bureaux de vote mercredi ou jeudi – on votera Arb3 parce qu’ils ont l’air d’être sympas et de ne pas trop se prendre la tête.

En 2012, à Bordeaux 3, il y a eu 14% de participation pour les élections au Conseil d’administration, et 2.3% pour les élections aux conseils d’UFR. Du côté de la toute nouvelle Université de Bordeaux qui rassemble les autres facs, 15% de participation pour les élections au Conseil d’administration en décembre dernier. Ça craint.

Ça craint d’abord parce qu’avec si peu de mobilisation, les élus étudiants n’ont pas de légitimité : face aux autres élus (personnels et enseignants), ils ne pourront pas dire qu’ils représentent la masse des étudiants qui utilisent, vivent, font l’université au quotidien. Parce qu’ils ne représentent que quelques clampins. Ça craint ensuite parce que cette situation n’est plus nouvelle, mais qu’on ne fait rien contre.

Qu’est-ce qui cloche ?

Alors plusieurs possibilités : soit ces élections ne servent à rien, et les étudiants l’ont compris ; soit elles sont utiles mais il y a un problème de communication des syndicats et de l’administration à destination des étudiants ; soit enfin ces élections n’intéressent plus, les étudiants sont occupés par autre chose et ne voient plus l’université comme un endroit à investir, à transformer – à part les quelques militants pour qui c’est une école de l’engagement et de la politique, et les étudiants qui ont des revendications très précises et concrètes susceptibles d’aboutir (par exemple : les thésards qui ont obtenu de pouvoir faire imprimer gratuitement leur thèse à l’université). Probablement un peu les trois.

Pourtant il y aurait plein de choses à débattre et qui concernent les étudiants. Par exemple les dotations de l’État aux universités, les questions de logement, de transport et d’organisation du campus, etc. Mais aussi l’organisation des enseignements, le calendrier universitaire, la relation aux enseignants-chercheurs.

Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

Sortons un instant des campus : les étudiants iront-ils voter aux municipales les 23 et 30 mars ? Rien n’est moins sûr. Car l’étudiant ne sait pas où il habite : il est de passage dans une ville pour étudier, sortir, rencontrer des gens, gagner sa croute dans un petit boulot. Souvent, il a des attaches (familiales, autres) dans une autre ville où il retourne fréquemment et où il est parfois inscrit sur les listes électorales. Il sait qu’il déménagera bientôt, pour étudier ailleurs, travailler, ou voyager. L’étudiant est une nouvelle espèce de nomade. Alors il se demande quelle est sa légitimité pour voter aux municipales, et dans quelle ville. Et puis, est-il intéressé par la politique, au fond ? Certains signes disent que non.

D’autres montrent au contraire qu’ils sont toujours prêts à se battre pour certaines choses. Des étudiants de l’École des beaux-arts de Bordeaux, en dehors des processus institutionnels de nomination et d’élections, qui décident d’organiser eux-mêmes, pour eux-mêmes, une « école de nuit ». Ils ne sont pas d’accord avec ce qu’on leur propose, alors ils deviennent acteurs en créant leur propre enseignement, en invitant des professeurs, artistes, philosophes, en cherchant de nouvelles pédagogies et manières de fonctionner ensemble. Ils remettent de la complexité et de la profondeur dans ces débats, pour leur redonner du sens.

Et si c’était ça la solution, pour redynamiser la démocratie universitaire ? Casser le cadre, et créer.


#Université Bordeaux Montaigne

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