Rue89 Bordeaux : Quel est le sens de votre candidature à Bordeaux ?
Fanny Quandalle : Les élections, pour nous, c’est du pipeau. On pense que l’amélioration de la situation des travailleuses et des travailleurs se joue dans les luttes sociales : les manifestations, les grèves. Pour que ça change, il faut un nouveau mai 68, un nouveau juin 36, c’est la seule façon de s’en sortir. Les élections, c’est « cause toujours ».
Nous sommes dans une démocratie bourgeoise, limitée dans la mesure où l’on vote pour des gens qui n’ont pas le pouvoir réel. Ceux qui dirigent la société aujourd’hui, ce sont les grands capitalistes et les banquiers. Quand les grands patrons ferment une entreprise et jettent les ouvriers à la rue, il n’y a aucun élu qui soit capable de s’y opposer.
Mais alors, pourquoi se présenter ?
C’est une occasion pour les électeurs de dire qu’ils ne sont pas d’accord. Ceux qui peuvent voter, bien sûr, car regardez les immigrés auxquels Hollande avait promis le droit de vote, une promesse vite balayée. Mais nous, Lutte Ouvrière, nous sommes présents qu’il y ait des élections ou pas, toute l’année, pour parler avec les gens, pour diffuser nos idées. Nous sommes communistes, nous pensons que la classe ouvrière est la seule capable de renverser le capitalisme. Et cette émancipation ne passera pas par des élections.
Votre message n’aurait-il pas plus de poids dans une alliance avec Philippe Poutou (NPA) qui se revendique, lui aussi, anticapitaliste ?
On ne veut pas faire liste commune avec le NPA, c’est un choix délibéré, on n’a pas la même politique. Dans la crise de Ford Blanquefort, qu’a fait Poutou ? Il a demandé des subventions publiques, 40 millions dépensés en deux ans pour finalement supprimer des centaines d’emplois. 40 millions pris dans la poche des travailleurs pour les donner aux patrons.
Pour nous, les objectifs prioritaires c’est l’emploi et le niveau de vie, lutter contre le chômage, protéger les salaires et les retraites. Le NPA fait parfois passer ça au second plan, derrière d’autres mots d’ordre qui sont, certes, légitimes, mais pas prioritaires en temps de crise.
Et que pensez-vous de Vincent Maurin, le candidat Front de gauche-PCF ?
Qu’est-ce qu’il va faire s’il y a un deuxième tour ? Appeler à voter Vincent Feltesse ! Nous, nous refusons de faire croire aux travailleurs que c’est en grignotant une place à la Mairie, que c’est en s’acoquinant avec Feltesse ou un autre qu’on va améliorer la situation des travailleurs : on ne veut pas leur raconter d’histoires. Mais nous ne sommes pas pour le parti unique… Que chacun s’exprime !
« C’est se tirer une balle dans le pied que de voter Front National quand on est ouvrier. »
Que vous inspire le vote FN d’une partie de la classe populaire ?
Que dit Marine Le Pen, que dit Colombier quand il y a une grève, quand il y a des travailleurs en lutte pour défendre leur emploi ? Rien ! C’est silence radio. On ne les entend jamais, ils n’expriment jamais leur solidarité avec les travailleurs en lutte. Ils sont du côté des grands patrons.
Certains électeurs sont aveuglés par la colère mais on leur explique que Le Pen ne sert que la bourgeoisie, et qu’elle la servira encore plus si elle accède à des responsabilités. C’est se tirer une balle dans le pied que de voter Front National quand on est ouvrier.
Le terme de « classe ouvrière » est-il toujours pertinent dans la société actuelle ? Le monde vous semble-t-il réellement divisés en deux camps distincts, celui des exploiteurs et celui des exploités ?
Vous pensez probablement aux petits patrons qui n’exploitent pas forcément leurs salariés. Mais ceux-là se sentent « socialement » appartenir à la classe ouvrière. Nous faisons une lecture marxiste du mot « exploitation » : ce n’est pas un jugement moral. Et les petits patrons sont eux-mêmes victimes du système. Le capitalisme a fait la preuve de son échec, de sa cruauté. Il est en train de crever mais il nous entraîne avec lui.
Est-ce que les élus n’ont pas, tout de même, une légère marge de manœuvre au niveau local ? La gratuité des transports publics, la culture accessible au plus grand nombre ?
On ne va pas défiler avant les municipales pour demander les transports gratuits, même si on pense que ce serait non seulement possible, mais nécessaire et rentable.
Quant à la culture, un journaliste me demandait récemment si cette question devait être gérée au niveau de la commune ou de l’agglomération, mais quand on voit que Hollande annonce 50 milliards d’euros de coupes dans les budgets publics, dont 10 milliards en moins pour les municipalités, où est-elle, l’échelle de gestion de la politique culturelle ?
Les attaques contre les intermittents du spectacle par le Medef, c’est là que ça se joue, là que c’est massif ! Alors qu’à la marge on essaie de faire ceci pour le cinéma, cela pour le théâtre, d’accord, mais bien souvent cela ne s’appuie que sur les bonnes volontés locales, les associations, les bénévoles. En résumé, le culturel, les transports, le logement, ce n’est pas à l’échelle de la commune que ça va se décider.
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