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Nomination contestée de la directrice de l’École des beaux-arts

La récente nomination d’une nouvelle directrice à l’École d’Enseignement Supérieur d’Art de Bordeaux a soulevé un tollé chez le personnel enseignant et non-enseignant. Les étudiants leur ont aussitôt emboîté le pas. Les raisons : « La directrice a été choisie de manière autoritaire ». Elle doit prendre ses fonctions le 1er avril dans un climat plus que tendu.

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Nomination contestée de la directrice de l’École des beaux-arts

L’École des beaux-arts de Bordeaux (EBABX) tourne une page importante de son histoire. L’ancienne directrice vient d’achever 23 ans de règne. Guadalupe Echevarria retourne au Pays Basque pour prendre la direction de « San Sebastian, capitale européenne 2016 ».

En place depuis 1991, elle a mené à bien plusieurs réformes jusqu’à la transformation de l’école en Établissement Public de Coopération Culturelle (EPCC – EBABX). L’EPCC a été créé par la Ville de Bordeaux, la Région Aquitaine et l’État. Il a pour mission, entre autres, l’organisation de l’enseignement des arts plastiques, la préparation et la délivrance des diplômes nationaux.

Instaurés dans toute la France depuis 3 ans, les EPCC ont retiré aux municipalités la gestion de leur École des beaux-arts. Ainsi, l’École n’est plus municipale.

L’appel à candidature : premier sujet de discorde

L’appel à candidature pour la nouvelle direction amorce la fronde du personnel enseignant et non-enseignant de l’EBABX. Leurs représentants au conseil d’administration (CA) de l’EPCC n’ont en effet pas été sollicités pour définir le profil du candidat à la direction de l’École.

Lors de notre rencontre avec des enseignants et des élèves au Café Pompier à Bordeaux, Jeanne Quéheillard, enseignante à l’EBABX élue au CA de l’EPCC, explique :

« Le 18 juin 2013, nous recevons par courriel les documents préparatoires du CA du 26 juin. À l’ordre du jour est inscrite une “Information sur l’appel à projets pour le renouvellement de la direction de l’EBABX”.
Parmi les documents figure l’appel à candidature. Nous rédigeons alors une requête où nous demandons que les trois représentants enseignants au CA soient associés à l’ensemble du processus de recrutement et, surtout, de la définition du profil jusqu’au jury de recrutement compris. Nous avons reçu du Président un refus catégorique. »

La réponse du président de l’EPCC EBABX, Dominique Ducassou – adjoint au maire à la culture à Bordeaux, est sans équivoque :

« Je réponds de suite non, au nom des différentes tutelles d’ailleurs, car il y a des règles qui doivent être respectées s’agissant des désignations.
Mais bien évidemment, par rapport au profil que vous avez vu, il est suffisamment large pour permettre d’avoir la meilleure analyse possible pour avoir une adéquation entre l’enseignant ou la personne qui sera retenue à la direction et l’école.
Vous aurez à un moment ou à un autre des informations sur l’évolution du déroulement, il n’y a aucun problème, mais vous ne pourrez pas participer aux instances. Mais il peut y avoir des étapes d’information sur les candidatures par exemple, le moment venu, bien sûr. »

Un appel pour un profil jugé trop restrictif

L’appel à candidature est publié. En plus de la frustration de ne pas être écoutés, les représentants soulignent leurs divergences sur la définition du profil. Elles se retrouvent essentiellement sur deux points :

  1. Le rapprochement voulu avec l’enseignement supérieur artistique universitaire. Selon Jeanne Quéheillard, il aurait fallu privilégier les collaborations avec d’autres domaines de recherche prenant pour exemple l’École d’architecture.
  2. La préférence donnée à l’expérience dans la direction d’un établissement d’enseignement artistique. En effet, d’autres contractuels présents lors de notre entretien ont regretté par cette condition la mise à l’écart de candidats issus d’autres secteurs artistiques que ce soit l’équipe pédagogique actuelle ou des personnalités du monde l’art : artistes, conservateurs ou critiques d’art.

Un courrier – « resté sans réponse » selon Jeanne Quéheillard – envoyé au président de l’EPCC en juillet 2013 précise :

« C’est en tout cas une conception à l’opposé de l’esprit des accords de Bologne [NDLR : Accords européens qui exigent l’autonomie juridique des établissements délivrant les enseignements et diplômes nationaux] qui ont prévalu pour le changement de statut de l’École des beaux-arts et qui tendent à susciter au sein des établissements d’enseignement et de recherche une valorisation à partir des potentialités des équipes pédagogiques, une dynamique partant de la base […]. Il n’est pas sûr que, dans un esprit de demi-mesure par rapport aux accords de Bologne, le changement de statut de l’École des beaux-arts se révèle positif au final pour les uns et les autres. »

Voilà qui annonce une remise en cause des statuts de l’EPCC apparaissant inadaptés.

Deux appels à projet successifs

L’appel à projet pour le renouvellement de la direction de l’EBABX est diffusé avec une échéance fixée au 31 octobre 2013. Devant le faible nombre de candidatures déclarées, un autre appel est relancé par mail et voie de presse. La nouvelle date limite de dépôt des candidatures est fixée au 15 novembre 2013.

Dans les documents préparatoires d’un Conseil d’administration prévu le 17 décembre 2013, le recrutement est évoqué. Rien n’y précise comment va se dérouler le processus de désignation de la nouvelle direction. Les représentants des personnels s’en remettent à l’article 11.1 des statuts de l’EPCC (voir encadré ci-contre) pour que leurs soient communiquées les candidatures retenues. Cette demande est adressée par courrier à l’attention de Dominique Ducassou envoyé le 4 décembre 2013.

Parmi toutes les candidatures reçues, une première sélection est faite. Cinq projets parviennent aux représentants des personnels. Le 17 décembre, le vote a lieu en présence des représentants municipaux de la majorité et de l’opposition, d’un représentant de la Région, de personnalités qualifiées et des représentants de l’EBABX.

Le dépouillement des bulletins de vote du CA donne les résultats suivants pour les cinq candidats : 14 voix – 12 voix – 12 voix – 9 voix et 5 voix. Dans la logique des statuts, la majorité des deux tiers est de 13 votes. L’article 11.1 des statuts de l’EPCC est honoré.

Le vote définitif

Le 13 janvier, comme le stipule la loi, un jury composé uniquement de représentants des puissances publiques est réuni : quatre représentants de la mairie de Bordeaux – dont le président de l’EPPC, Dominique Ducassou –, un représentant de la Région Aquitaine, et trois représentants de l’État – dont la cheffe du Département des écoles supérieures d’art et de la recherche au Ministère de la Culture et le directeur de la DRAC-Aquitaine ainsi que son conseiller aux arts plastiques.

A été élue, une candidate qui n’avait recueilli que 9 voix le 17 décembre. Les représentants des personnels élus au Conseil d’administration de l’EPCC apprennent la nomination par voie de presse.

Interrogé, lors d’un entretien, sur l’absence de dialogue avec les représentants, Dominique Ducassou déclare :

« La nomination du directeur de l’école est du fait du président de l’EPCC. Le reste est à titre consultatif et ne peut en aucun cas être considéré comme base de travail pour cette nomination. Dans le jury, il y a des professionnels de l’art qui ont pu faire connaître leurs exigences et nous en avons tenu compte. Tout s’est passé d’une manière transparente et légale.

Quand on accuse la mairie de décider, je rappelle que c’est l’EPCC le décideur. Bien évidemment la mairie est le premier financeur de l’EPCC [NDLR : environ 90% du budget] et donc possède une majorité dans la gouvernance. Quand on accuse monsieur le Maire, comme ont pu le faire les étudiants sur leur tract, il y a là une grave erreur qui engage leur responsabilité sur tout recours éventuel. »

La nouvelle directrice

À l’École supérieure d’art de Bordeaux, la nouvelle directrice souhaite restructurer le projet pédagogique et scientifique en s’appuyant sur deux filières : art et design. Avec les quatre cents élèves et les cent cinquante auditeurs libres, elle désire également nouer des liens avec l’Université de Bordeaux.

Ce projet est considéré « managérial » par les représentants des personnels de l’EBABX. « Cet aspect participe certes à la fonction de direction mais ne peut être le seul objectif. »

Mécontents de la décision, ils déplorent « une gouvernance autoritaire et sans ambition qui ne sait pas tenir compte de l’expertise des personnes qu’elle gouverne et par voie de conséquence intervient dans les choix pédagogiques ».

Afin de faire évaluer leurs droits, notamment à travers l’article 11.1 des statuts de l’EPCC, les représentants ont décidé de consulter un avocat, maître Ferdinand De Soto du Cabinet parisien Christophe Pichon. Cette procédure ne suspend pas pour autant la nouvelle nomination. Elle prendra ses fonctions le 1er avril 2014.


#école des beaux-arts de Bordeaux

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