Quel est l’ADN du festival ?
Cinémarges se place sans hésiter dans le créneau du cinéma indépendant avec une sélection de films rares et expérimentaux. Nous sommes donc très fiers du partenariat avec le cinéma Utopia depuis nos débuts qui représente un cinéma exigeant. Pour la programmation, le but étant de créer une alchimie entre la nouveauté et la rareté en sélectionnant des films déjà sortis en salle de façon confidentielle et des avant-premières.
L’idée était aussi de rester fidèle à certains cinéastes comme Bruce Labruce, dont nous avons obtenu l’exclusivité de la sortie de son dernier film « Gerontophilia » à Bordeaux ou Yann Gonzales à travers un focus.
Avec le souci constant d’explorer les marges formelles, d’interroger la norme et la question du genre, le festival donne à penser. Le travail se fait donc tant sur la forme que sur le fond avec un angle pluridisciplinaire développé autour de conférences, de performances, d’œuvres de théâtre.
Le festival est présent dans de nombreux lieux culturels. Pourquoi ce choix ?
La colonne vertébrale du festival est le cinéma mais on a eu envie de s’ouvrir sur la ville et d’amener d’autres publics en en faisant aussi un moment convivial. Les partenariats se sont établis en collaboration avec les lieux.
Pour le cinéma l’Utopia, nous avons carte blanche. À l’inverse, la Manufacture Atlantique est venue elle-même avec un projet pour la soirée d’ouverture et le spectacle de « Au bord du gouffre ».
Grâce à ces lieux, ces rencontres nous développons de nouvelles formes d’expression. Nous travaillons en concertation tout en respectant leur identité. On ne va pas proposer la même chose dans un théâtre que dans une fac ou un cinéma.
La thématique de l’adolescence est un clin d’œil à vos 15 ans d’existence ?
Oui (rires). On voulait marquer le coup. Et surtout, l’adolescence est une période de trouble identitaire qui inspire beaucoup les cinéastes. Il était intéressant de l’inscrire dans une problématique plus large de la représentation de la jeunesse au cinéma avec un débat.
Nous croyons beaucoup en la puissance politique du cinéma en ce qu’il véhicule des représentations. Il doit permettre aux jeunes de pouvoir s’identifier à des personnages et non à des stéréotypes. La deuxième thématique, Dissidences, présente une sélection de manifestes activistes des années 90 marquée par les années sida aux luttes plus contemporaines des Pussy Riots.
Malgré les années, le festival semble toujours fragile financièrement. Est-il aujourd’hui menacé ?
Dès les débuts, le financement du festival a été difficile. On a dû s’habituer à travailler avec un budget minimum. Nous sommes une petite équipe, moins d’une dizaine de personnes, et nous sommes tous bénévoles.
Aujourd’hui, la situation est de plus en plus précaire à cause de la baisse des subventions. Nous devons nous orienter vers l’argent privé avec des échanges en nature dans des restaurants, des hôtels… Il nous manque des mécènes. C’est pour ça que nous nous sommes lancés dans le crowfunding avec kiss kiss bank bank.
De toute façon, en France actuellement, il y a les petits et les gros festivals, il n’existe pas d’entre-deux. Cinémarges est concentré sur Bordeaux et la CUB, on nous reproche de n’être pas assez régional, trop sélectif. Mais on ne se plaint pas, on travaille en bonne intelligence avec les institutions et on veut à tout prix conserver notre indépendance.
Surtout, malgré le manque d’argent et même si nous ne déroulons pas le tapis rouge, nous essayons de proposer une programmation riche, éclectique et de développer de nouvelles pistes de réflexion.
Le festival a 15 ans. Qu’est ce qui a changé par rapport à ses débuts ?
Les films sont aujourd’hui accessibles avec internet, la numérisation. Tout est disponible très facilement. Et pourtant plus que jamais, nous avons un rôle à jouer de prescription et de sélection. Il faut faire le tri dans la surabondance. Au-delà du choix, on accompagne les films à travers des débats avec des chercheurs, des cinéastes.
Le partenariat avec la fac de sociologie et notamment Eric Macé nous permet de réfléchir à un éclairage sur une thématique. Malheureusement, les questions de société que nous posons ne sont pas nouvelles. La polémique sur la diffusion sur Arte il y a quelques semaines du film « Tomboy » nous a amené à réfléchir à l’importance de la construction identitaire.
Pour remettre en question les préjugés, les rapports sociaux de sexe, la domination masculine, les seules armes dont nous disposons sont l’art et la culture en proposant un festival vivant, ouvert à la discussion.
INFOS
Cinémarges – du 5 au 13 avril – Tarifs : de 4 à 10 euros
Plusieurs lieux : Cinéma L’Utopia, La Manufacture Atlantique, Université Bordeaux Durckeim, Cinéma Eustache, Espace 29, Bibliothèque de Bordeaux Mériadeck, Université Bordeaux Montaigne, et la librairie Mollat
La soirée du 12 avril initialement prévue au Bootleg aura lieu au H36
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