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Au Hellfest, une note de métal indus signée Buisson

Le Hellfest, festival de hard rock à Clisson, près de Nantes, démarre ce jeudi. Les 140000 personnes attendues ne pourront pas manquer l’installation à l’entrée du site, une guitare de 10 mètre de haut, conçue par Jean-François Buisson. Le sculpteur bordelais, qui offre aux Vivres de l’art un terrain d’expression à l’art contemporain, participe depuis 6 ans au Hellfest. Rencontre.

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Au Hellfest, une note de métal indus signée Buisson

La guitare géante du Hellfest a été conçue aux Vivres de l'art (DR)
La guitare géante du Hellfest a été conçue aux Vivres de l’art (DR)

Rue89 Bordeaux : Comment s’est faite la rencontre avec les gens du Hellfest ?

Jean-François Buisson : Il y a quelques années j’étais batteur dans un groupe. Lors d’une tournée, nous avons rencontré Didier Molitor, un manager connu dans le milieu des arts de la rue. Lorsqu’il a commencé à travailler avec Ben Barbaud sur le Furyfest, qui montant en puissance est devenu le Hellfest, il m’a appelé en me disant qu’ils montaient un truc énorme, et qu’il fallait que je vienne participer à ça. La rencontre s’est concrétisée il y a 6 ans. J’ai commencé la bas en aménageant le coin des artistes.

Le début d’une collaboration durable…

Lors de notre rencontre, j’avais amené un petit arbre, un truc de 4,50m quoi ! L’arbre du Chaos, que j’ai vendu à l’importateur des guitares Marshall pour l’Europe. Comme Ben Barbaud m’a commandé une pièce emblématique pour le festival, j’ai proposé l’arbre du Hellfest, de 8 mètres de haut, livré en 2012. L’histoire s’est construite comme ça.

Cette année, vous avez prévu une œuvre qui devrait marquer les esprits. Laquelle ?

Cette année, ils voulaient un truc spécial, parce que c’est une année avec un plateau haut de gamme, avec Iron Maiden et Aerosmith. Du coup, ils voulaient offrir un cadeau à la ville de Clisson, qui les accueille depuis de nombreuses années. C’était à la fois une façon de les remercier, mais aussi une façon d’inscrire durablement l’histoire du rock’n’roll et du Hellfest sur ces terres. Et quel meilleur symbole qu’une guitare électrique, à fortiori une Gibson Les Paul pour symboliser ça ?

Elle fait un peu plus de 10 mètres. Une pièce vraiment imposante, dont je suis très très fier et qui a eu un super bon accueil là-bas. J’ai eu droit à des pouces levés à des coups de klaxon sur la route. Les gens s’arrêtaient pour faire des photos… C’était un pur bonheur d’installation. En un jour et demi, Buisson arrive avec son staff. Bam bam, on a posé deux sculptures de 10 mètres ! Et on est reparti, un peu déglingués ! Après ça, je peux embrayer sur n’importe quel projet derrière !

Sepultura et Iron Maiden, la soirée à ne pas rater

Aimez vous la musique métal ?

Moi je faisais du métal indus. Donc forcément, j’apprécie le côté revival. J’aime bien au Hellfest justement tout ce qui est musique extrême. J’étais plus proche des Sepultura mais des mecs comme Lofofora, qui sont plus hardcore et qui se retrouvent sur la Main Stage cette année, c’est génial.

Quelles sont vos préférences pour cette édition ?

Tous les groupes ! Sepultura qui revient, Maiden qui passe le même jour, vendredi, la soirée à pas rater. Les premiers disques que j’ai acheté, c’était ceux d’Iron Maiden. C’est un grand voyage dans le temps et dans le cœur, un pur bonheur.

Cela vous fait plaisir de présenter vos œuvres dans ces conditions ? 

D’autant plus plaisir que le Hellfest c’est une vraie histoire de famille. Moi, je fais pas des coups, du one shoot, parce que ça va me rapporter du pognon. Je fais ça parce que ça a du sens, de la profondeur, parce que c’est lié à une histoire.

Didier Molitor a apporté une dimension humaine au projet global du Hellfest en amenant des plasticiens, des performances, dans un univers où les gens viennent d’abord écouter du hard rock. Et Ben Barbaud ne fait pas comme certains festivals, il aligne pas des groupes pour faire des entrées et vendre de la bière. Il a un vrai amour de la musique et du public.

Le métal est-il une sorte de grande famille ?

Mais complètement. Tu vois bien que le projet est transgénérationel. T’as des parents, des grands parents même des fois. Tu comptes pas le nombre d’enfants sur les épaules avec des casques antibruit sur les oreilles. Moi je suis très fier d’appartenir à ça.

Du fer à souder au heavy métal (DR)
Du fer à souder au heavy métal (DR)

Un rapport détendu avec les monuments historiques

Comment définissez vous votre style artistique ?

Moi ce qui m’intéresse, c’est de réconcilier les extrêmes, les positions antinomiques. C’est un peu comme le métal. Un truc qui se travaille à chaud mais qui est très froid. Mon travail, il est à la fois très délicat et très violent, très incisif et puis en même temps attachant. C’est tout moi.

J’ai toujours eu l’impression d’être né en retard, d’avoir raté le truc. Je suis de 1968, je suis arrivé juste après le punk, j’étais un peu trop petit en 1977. Mais je suis quand même un garçon un peu punk.

Ma démarche artistique, c’est de créer un univers très personnel assez décalé, que les gens puissent s’approprier, qui les fasse rêver et leur fasse un peu peur en même temps. Un univers inspiré du Moyen Age et qui correspond à un espèce de futur proche. J’aime brouiller les pistes.

Si je suis devenu un artiste, c’était par frustration en fait, par volonté de créer des choses qui me ressemblent et qui me font plaisir. Si j’arrive à répondre à mes interrogations, je pense que ça peut libérer la tête à pas mal de monde aussi.

Détail amusant dans votre parcours, vous avez réalisé un lustre pour l’église Saint-Paul des Dominicains à Bordeaux…

C’est la preuve que toutes choses peuvent être réconciliées. C’est vachement intéressant que tu cites Saint-Paul, parce que je passe mon temps à faire ce grand écart là. Et ça m’a permis de changer un peu la perception du monde et celle que le public pouvait avoir de moi.

J’avais fait une installation dans la Flèche Saint-Michel qui est aussi un endroit classé. Ça c’était pas bien passé, parce que j’avais pas trop suivi le protocole. C’était à mes tous débuts, et donc, ça avait un peu clashé.

Puis après j’avais eu ce projet de l’église Saint-Paul et ça a détendu mon rapport avec les monuments historiques. J’avais pas mal d’étudiants des Beaux-Arts qui venaient bosser avec moi qui se disaient « Buisson c’est un artiste qu’on voit trop à la télé qui est dans le spectaculaire, un mec bizarre quand même ». Quand j’ai fait Saint-Paul, ça a tué tout le monde !

Un Buisson ardent

Comment vous ont-ils  passé commande d’un lustre ?

A Saint-Paul, ils ont toujours été un peu frustrés parce que le dôme de leur église n’avait jamais été fini, faute de financements au XVe siècle. Il devait y avoir de la lumière tombée du ciel qu’ils l’ont pas eu. L’église trouvait intéressant l’idée qu’il puisse y avoir une suspension à moi, sans passer commande.

Entre temps, j’avais eu une invitation à participer à une scénographie pour les parfums d’une grande marque. On m’avait demandé de réaliser une suspension, une espèce de calice qui devait venir au centre de cette scénographie. Je me suis lancé, j’ai fait un truc monstrueux en pensant à Saint-Paul. J’avais réalisé cette pièce de 6 mètres sur 4 sur 3, un truc costaud quand même.

Après, je suis retourné voir les dominicains en leur disant que j’avais préparé une pièce, qu’ils devraient venir voir. Magie, le lustre faisait la même dimension que l’ouverture du dôme sur le toit. Tu te dis que c’est parfait, comme un signe.

L’œuvre a reçu un bon accueil ?

Quand on a inauguré l’astre de Saint-Paul, Bernard avait invité une artiste, une jeune danseuse islandaise, à faire une petite performance. Ce n’était pas totalement improvisé, mais personne ne savait ce qu’elle allait faire. Et elle a commencé par des cris et une gestuelle un peu inspirée de l’Exorciste. C’était quand même particulier car t’avais l’archevêque de Bordeaux, t’avais Juppé, c’était un truc un peu solennel.

C’était étrange et les dominicains ont capté tout ça, avec leur ouverture d’esprit de réconcilier, de s’ouvrir au monde, de regarder ce qui se passe, de le prendre, de l’entendre et de s’en nourrir. Il y avait une petite forme de provocation et ils se la sont appropriés comme ça. Il s’en sont sortis grandis !

Quand les gens vont à Saint-Paul, ils ont l’impression que le lustre a toujours été là. L’arbre du Hellfest, c’est pareil, t’as l’impression qu’il pourrait pas être ailleurs. La guitare elle sera pareille, elle est comme sortie de terre.

Quels sont vos projets en préparation ?

Tout un tas d’événement aux Vivres de l’art autour de Transfert (collectif d’artistes bordelais). L’idée, avec eux, c’était d’aller au delà du simple graffiti, de sortir du support pour révéler des ambiances et créer une véritable expérience. Les Vivres de l’Art c’est un endroit qui se veut transdisciplinaire : sculpture mais aussi musique ou arts plastiques, toutes sortes d’évènements qui créent de l’échange et du plaisir.

De mon côté, j’ai quelques projets à l’international à Hong Kong, je dois bosser avec le Carlton HK. C’est en cours de négociation mais sur lequel derrière je vais essayer de faire des trucs. Je rentre par la petite porte mais c’est la petite porte du 118e étage et elle ouvre sur le ciel (rires).

A voir/Pour aller plus loin

Œuvres de Jean-François Buisson au Hellfest (Clisson) du 19 au 21 juin

Exposition TR4NSFERT aux Vivres de l’Art (Bordeaux) du 13 juin au 13 juillet

Le site de l’artiste

Les Vivres de l’art

Le Hellfest


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