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Les architectes aquitains veulent ouvrir des portes

Né en Aquitaine, le rendez-vous des Journées portes ouvertes des agences d’architectures est désormais national. La deuxième édition a lieu le 6 et 7 juin. 128 agences du cru accueilleront le public et présenteront une profession en crise, malgré les grands chantiers dans la région.

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Les architectes aquitains veulent ouvrir des portes

50 agences d'architecture bordelaises participent aux journées portes ouvertes (WS/Rue89 Bordeaux)
128 agences d’architecture aquitaines participent aux journées portes ouvertes (WS/Rue89 Bordeaux)

Dès son arrivée, en 2007, à la présidence du Conseil régional de l’Ordre des architectes en Aquitaine (CROA), Michel Moga avait une idée en tête : faire connaître une profession qui a « tout l’air d’être connue, mais ne l’ai pas tant que ça ». La première édition des Portes ouvertes s’est déroulée en 2013 en Aquitaine pour sensibiliser le public.

« Si 80% des parents voudraient que leur fils devienne architecte, 20% à peine feraient appel à des architectes pour leurs travaux. C’est que quelque chose ne va pas ! », estime Michel Moga.

L’édition de 2014 est nationale. Elle est organisée par les Conseils régionaux de l’Ordre qui en sont les initiateurs et coordonnée par celui d’Aquitaine avec le soutien du Conseil national et le partenariat des Maisons de l’architecture.

Les architectes veulent parler de leur métier et répondre aux questions du public. Cette philosophie est aujourd’hui défendue avec la même ardeur par le nouveau président du CROA, Eric Wirth.

L’expérience de la première édition

En 2013, 52 agences (sur les 1300 en Aquitaine) ont participé à l’événement. Michel Moga tient à présenter au grand public la vraie image de l’architecte :

« Les architectes communiquent très mal. Ils ont une image surévaluée par les médias qui ne parlent que des grands projets. On a donc voulu expliquer que l’architecte ne fait pas seulement des croquis. Les cabinets sont aussi des structures économiques qui emploient de 2 à 200 personnes. »

La profession veut conquérir le marché des particuliers, mais les 2500 « curieux » qui ont poussé l’an dernier les portes des agences ne sont pas que des clients potentiels.

« On a vu défiler des personnes qui cherchent un emploi mais aussi des professionnels, des maîtres d’ouvrage, des étudiants, des parents et leurs enfants intéressés par le métier. »

Combattre les idées reçues

Une chose est sûre : cette manifestation suscite l’engouement des conseils régionaux de l’Ordre qui ont emboîté le pas au CROA. Eric Wirth veut se défaire des idées reçues sur le métier :

« Tout le monde connaît des grands architectes, mais peu de gens connaissent le métier d’architecte. Certes, les grands noms nous tirent vers le haut. Mais nous, on veut parler de l’architecte du quotidien, celui qui tisse le territoire français. L’architecte n’en fait pas qu’à sa tête. Il est au service de son client et surtout indépendant des intérêts marchands. Depuis 1977, une loi le considère comme un métier d’intérêt public. Le conseil de l’Ordre a pour mission de garantir le professionnel, qu’il soit bien formé et bien assuré. Sinon il est sanctionné ».

Face à la pénurie de logements, de nombreux nouveaux projets de construction sont menés et de nouvelles réglementations sont mises en œuvre par le gouvernement avec des préoccupations éco-responsables. Les architectes ont un rôle indispensable à jouer dans cette prise de conscience citoyenne et politique.

« On a l’idée que l’architecte est cher. Or, il est le seul à indiquer son prix. Les maisons des promoteurs sont vendues sans les prix détaillés, la conception peut y atteindre parfois 30% du coût total. Alors que les honoraires d’un architecte atteignent au maximum 15% », ajoute l’actuel président du CROA.

Les Bassins à flots à Bordeaux, un quartier en chantier (WS/Rue89 Bordeaux)
Les Bassins à flots à Bordeaux, un quartier en chantier (WS/Rue89 Bordeaux)

Les chantiers à Bordeaux, une manne pour les architectes bordelais ?

Bordeaux est un des plus grands chantiers d’Europe. Le nombre de grues à l’horizon de la ville en témoigne. De grandes réalisations sont mises à l’œuvre : le grand stade, la cité des civilisations du vin… Cette effervescence ne profite pourtant pas à la filière bordelaise.

« C’est un sujet récurrent dans les réunions du Conseil, avoue Eric Wirth. Sur l’Aquitaine, entre le 1er janvier 2013 et 1er janvier 2014, il y a eu 39% de mise en chantier de plus qu’en 2012. Ce qui place l’Aquitaine très haut, la seconde région est à 7%. Il faut ajouter qu’à Bordeaux, il y a une vrai dynamique : la ville est devenue très belle, bientôt à 2 heures de Paris, ce qui constitue une véritable attractivité. Mais les 5 millions de m2 en construction ou en réhabilitation ne profitent pas à la filière locale ! »

Michel Moga partage cet avis. Il considère que Bordeaux est à la recherche d’une image et veut associer à ses réalisations architecturales de grands noms.

« Il y a des partenariats avec les architectes étrangers lauréats des grands marchés, sauf qu’ils ont la création et distribuent aux Bordelais les phases subalternes. Quand on dit qu’ils partagent le gâteau, c’est faux ! »

Lors d’une réunion avec des architectes bordelais au 308 en 2012, Michel Duchène, vice-président de la Communauté urbaine de Bordeaux en charge des grands projets d’aménagement urbains, fut interpellé sur cette situation. Dans un post sur sa page Facebook, il affirme que « aux Bassins à flots, par exemple, où plusieurs milliers de logements, commerces, activités, vont sortir de terre, 60% des architectes qui ont été retenus sont des Bordelais ».

"C'est 60% des marchés peut-être, mais pas des mètres carré !, corrige Michel Moga. Les donneurs d’ordre veulent des grandes signatures et se rassurent en choisissant des agences connues."
Si certaines grandes agences nationales et internationales se mettent en partenariat avec des agences locales, beaucoup d'entre elles créent des antennes.
"Il y a des agences locales qui ferment alors qu’il y a des chantiers qui s’ouvrent et des grues partout. A Bordeaux, on devrait se vanter de la filière architecture comme on se vante du vin ou du numérique. C’est un tissu local qui a fait ses preuve au niveau national. Bon nombre des agences travaillent à Paris !" précise Eric Wirth.

Une image positive et dynamique

Cependant, Eric Wirth replace la manifestation dans son contexte. Les portes ouvertes ne sont pas organisées pour venir se plaindre de telle ou telle situation. Il n'y a aucun rapport entre cet événement et la crise.
"Il ne faut pas présenter une attitude contre les décisions politiques. Ce qui se passe à Bordeaux en terme de qualité de vie et de qualité de ville, on le doit à nos élus et en particulier à Alain Juppé qui est un excellent maire. Les portes ouvertes sont là pour redonner le moral et redynamiser la profession."
Marie Berger est une "jeune" architecte. Elle est installée depuis 2 ans dans le quartier des Chartrons. Elle a participé à la première édition :
"J'ai la même motivation que l'année dernière. Le but pour moi est de désacraliser notre métier de façon à ce que le public arrive à être plus proche de nous. Et il ne faut pas travailler tout seul, il faut s'entourer. Ma situation ne me permet pas d'avoir accès aux appels d'offre publics de part mon chiffre d'affaire et du fait que je travaille seule."
Michel Moga confirme :
"Les jeunes architectes n'ont pas beaucoup d’opportunités. Pour faire ses preuves et gagner sa vie, il faut travailler sans compter. En moyenne, un architecte gagne 36 000 à 40 000 euros par an. Comparé au nombre d'heures, c'est une petite rémunération."

Un métier qui se féminise

S'il y a "autant de façons de travailler qu'il y a d'architectes", il n'y a pas autant d'architectes femmes que d'architectes hommes. Bien qu'en 2012, sur les 800 nouveaux inscrits à l’Ordre des architectes, 500 étaient des femmes, elles représentent un quart des professionnels de l'architecture : 24,7 % en 2012, contre 7,5% en 1983. Toutefois, le taux de féminisation des études d‘architecture est en constante progression et la parité est d’ores et déjà atteinte (51 % d’étudiantes).
"C'est quand même un métier où on est sur les chantiers, donc dans un contexte majoritairement masculin, et c'est peut-être ce qui décourage les femmes, ajoute Marie Berger. Mais qu'on soit un homme ou une femme, ce qui compte c'est la sensibilité de l'architecte."
Marie Berger rouvre ses portes pour la deuxième fois. Dans son agence rue Tourat, elle accueille l'exposition d'une paysagiste : Marina Thon-Hon. Signe que l'ouverture à d'autres (métiers, publics...) est la pierre angulaire de la profession.


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