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Artisans du surf, les shapers déferlent en Gironde

Le « do it yourself » est en vogue dans le surf : ses pratiquants se remettent à fabriquer de A à Z leurs planches, jusqu’à en faire leur métier, pour certains. Rencontre avec quelques shapers passionnés, pro ou amateurs.

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Artisans du surf, les shapers déferlent en Gironde

Rafael Loff, shaper amateur, a recréé une planche asymétrique, modèle imaginé dans les années 60  (Photo SB/Rue89 Bordeaux)
Rafael Loff, shaper amateur, a recréé une planche asymétrique, modèle imaginé dans les années 60 (Photo SB/Rue89 Bordeaux)

Le surf, les shapers girondins sont tombés dedans quand ils étaient petits. Enfants, Rafael Loff et Clément Pâris ont tous les deux passé leurs vacances à la plage, et dans les vagues. David Charbonnel, 42 ans, surfe lui depuis 30 ans. De leur passion ils ont fait leur métier, pour David, ou un art très prenant qui arrondit leurs fins de mois, à l’instar de Clément et Rafael. Pas comme sportifs, mais en tant que fabricants de planches de surf.

Après des études scientifiques, David Charbonnel décide en 1992 de se consacrer au shape. Il rejoint une vague d’artisans girondins installés, tels que les Al’s Brothers à Cassy ou Gérard Depeyris à Lacanau. A l’époque, Internet n’existe pas et il voyage dans le monde entier pour s’initier aux techniques hawaïennes, australiennes ou polynésiennes.

« Je fabriquais des planches pour mes amis quand j’étais étudiant, et que j’avais pas mal de temps, raconte-t-il. J’ai toujours bricolé, par amour du travail à la main. Et en 1992, quand je me suis lancé, on ne pouvait se procurer que des planches fines et étroites, qui ne correspondaient pas au lieu où je surfais. Les vagues de Gironde ne sont pas celles d’Hawaï ! Ces planches étaient plutôt faites pour des compétiteurs, et cela explique qu’à cette époque 90% des gens qui se sont lancés dans le surf ont eu du mal à progresser. »

« Envie de surfer des planches différentes »

Bricoler ses propres planches, Rafael Loff, un Brésilien de 38 ans a toujours aimé ça :

« Près de la maison de mes parents, au sud du Brésil, il y avait un atelier de shape (fabrication, NDLR) et de réparation de surfs, raconte Rafael. J’ai très longtemps baigné dans cette ambiance. »

Informaticien puis cuisinier, installé à Bordeaux depuis 2006, Rafael n’a toutefois réalisé sa première planche qu’il y a deux ans.

« J’avais envie de surfer des planches différentes, je cherchais des fish ou des single-fin. Mais c’était moins coûteux de les fabriquer soi même. »

Aujourd’hui, il en fabrique pour ses copains et de plus en plus pour des surfeurs désireux d’avoir un modèle personnalisé. Rafael aime recréer des modèles inspirés d’un grand shaper américain des années 60, Carl Ekstrom : il nous montre une belle planche asymétrique, qui permet en fonction du pied d’appui d’avoir plus de répondant dos à la vague.

Rafael les fait de A à Z, en trois étapes : d’abord, créer la forme de la planche dans un pain de mousse polyuréthane, puis glacer et décorer en recouvrant d’une toile de fibre de verre, et de résine, enfin poncer et polir.

Style rétro

Clément Pâris, 30 ans, « shape » dans la même ligne, plus à la recherche d’un style rétro que de performance :

« Quand j’avais 17 ans, je n’avais pas de thune pour me payer des planches non conventionnelles. J’ai cassé quelques vieilles planches de mon père pour récupérer de la matière. Les premières avaient des formes bizarre et n’ont pas marché, mais j’ai fini par apprendre. »

Aujourd’hui, Clément a créé son atelier à Lacanau et sa marque, The Sailor, avec deux autres shapers :

« C’est une passion, et il est difficile de gagner sa vie avec. Il faut un mois pour fabriquer une planche, vendue entre 550 et 1200 euros. On verra plus tard, si j’en ai encore envie. »

En attendant, Clément suit une formation de menuiserie, après avoir été graphiste, notamment chez Oxbow.

« J’aimais dessiner, d’où mon intérêt à décorer les planches. Mais j’ai pété un plomb de ne plus rien faire de mes mains. »

David Charbonnel vit de sa passion depuis 30 ans (Photo Christophe Brachet/DR)

S’il a déjà vendu une vingtaine de planches, Rafael ne vit pas non plus de sa marque « Underground Surfboards ». Mais ses talents de shaper lui ont permis de décrocher son job actuel, dans une société bordelaise d’emballages sur mesures :

« Ma connaissance de la fabrication en fibre de verre intéressait mon patron, et il m’a proposé d’installer mon atelier dans son entreprise si j’acceptais un poste, raconte-t-il. Heureusement car ma compagne n’en pouvait plus des odeurs de résine qui émanaient de la cave ! »

Garder la main

Aimerait-il « shaper » à temps plein ?

« J’apprécie de ne pas en dépendre, car cela créerait une certaine pression pour être rentable. Faire deux planches par mois, ça ne suffirait pas, il faudrait déléguer certaines tâches, et je préfère tout réaliser moi-même ».

Clément acquiesce :

« Plus qu’un sport, le surf est un état d’esprit, et l’idée de faire tout soi-même en fait partie. D’ailleurs, de plus en plus de surfeurs viennent nous voir dans notre atelier pour fabriquer leur matériel, et on aimerait proposer des stages. »

David Charbonnel, lui, vit plutôt bien de son art et de sa marque, Swop. Mais il a aussi choisi de travailler seul, dans son atelier de Canéjan :

« Ce n’est pas évident de répondre à la demande, il y a deux mois d’attente pour un surf. Je déléguais un peu plus à une époque, mais je préfère maîtriser ma production et être en contact avec les clients. »

Il vend ses planches entre 600 et 3000 euros, à des clients essentiellement aquitains, mais aussi californiens, voire d’Arabie Saoudite ! Sa réputation, portée par quelques teamriders, a franchi les océans. David se permet donc de mettre en garde contre « ceux qui se proclament shapers parce qu’ils ont fabriqué deux planches », et tentent ainsi de profiter de l’explosion de la pratique du surf.


#shaper

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