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A Bordeaux, les « fixies » ont pignon sur rue

Autrefois assez discrets, les vélos à pignon fixe se multiplient comme des petits pains dans les rues de Bordeaux. A la fois effet de mode et véritable pratique sportive, leur style et leurs caractéristiques techniques expliquent en grande partie leur succès.

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A Bordeaux, les « fixies » ont pignon sur rue

Ride devant le grand théâtre (Amis du pignon fixe)
« Ride the city #1 » devant le Grand Théâtre (Amis du pignon fixe)

Avec des lignes effilées, des roues à bâtons ou à rayons colorées et une allure souvent élégante et sportive, les fixies – contraction de l’anglais fixed gear – ne passent pas inaperçus. Vélos urbains par excellence, ils commencent à toucher un public de plus en plus large à tel point que même les pré-ado s’y mettent alors qu’auparavant ils étaient utilisés seulement par les cyclistes et quelques puristes.

Pourtant, ils n’ont parfois pas de freins et leur prise en main peut s’avérer laborieuse. Le pignon qui est fixé sur la roue oblige en effet à pédaler sans cesse pour avancer. Alors qu’avec des vélos classiques, l’inertie permet de continuer à rouler plus ou moins longtemps sans pédaler.

Sportif du dimanche ?

Pas vraiment. Si le succès récent de ce type de vélo est en grande partie dû à son esthétique, l’aspect sportif est essentiel pour une partie de ses adeptes. En premier lieu pour les Amis du pignon fixe, une association créée à Bordeaux en 2012 par Damien Brunaud et Gérald Donnot et qui affiche au compteur une soixantaine de membres.

Un brin hipster – malgré leur refus d’être assimilés à un phénomène de mode – mais surtout très sportifs, ils se donnent rendez-vous tous les mercredis devant le Grand Théâtre pour un ride de longue haleine. Une virée physique à travers Bordeaux et ses environs, qui peux s’étaler sur 30 km, 40 , voire 50 km. Conviviale aussi puisque parfois, un ride est l’occasion, Bordelais oblige, de faire une halte dans des châteaux pour une dégustation de vin.

Pas sectaire, l’association accepte aussi les autres cycles. Son objectif est en effet de promouvoir la pratique du vélo. Aussi, régulièrement, les amis du pignon fixe participent à des événements; à Darwin, à la fête du fleuve ou aux Vibrations urbaines par exemple ou en organisent. Le dernier en date « Ride the city#1 » s’est d’ailleurs déroulé en mai dernier avec des participants venus de toute la France.

ALLEY CAT BORDEAUX from THEWILLISWILLIS on Vimeo.

Je n’ai qu’une philosophie

Pour faire partie des « initiés », il faut maîtriser la bête. Le pignon étant solidaire de la roue, il présente plusieurs différences par rapport à la roue libre, celle de pédaler sans cesse donc, mais aussi  celle de pouvoir rétro-pédaler, c’est-à-dire rouler en arrière. Et pour ralentir, le cycliste doit diminuer progressivement sa vitesse de pédalage.

Question freinage, les cyclistes utilisent une technique particulière ; le skid. Elle consiste à basculer le poids du corps sur l’avant du vélo pour bloquer les roues avec plus de force et le faire déraper.

En plus de fournir un effort constant, il faut être également plus vigilant par rapport à un vélo classique pour anticiper les obstacles, surtout en milieu urbain, où piétons, cyclistes et véhicules motorisés se partagent l’espace public. D’autant plus qu’on peut rapidement atteindre une vitesse élevée. Dans un virage ou en cas de freinage d’urgence, l’adrénaline peut monter vite.

L’utilisateur doit donc toujours être maître de son vélo ce qui oblige en quelque-sorte à faire corps avec lui. Damien Brunaud :

« Quand on roule en fixie, on a l’impression de ne faire qu’un avec le vélo. C’est dû au pédalier qui entraine les jambes dans le mouvement. »

Le fixie donne aussi une sensation de liberté :

« Avec ce vélo, tu décides si tu roules vite ou pas. Quand on part en ballade avec des potes, même à la cool le dimanche, on a une sensation de liberté et l’impression que la ville est à nous », raconte Alexis Pichard également membre de l’association.

Esprit vintage pour le Matisse des vélos

Le plaisir des amateurs de fixie, c’est aussi de personnaliser leur vélo. Un plaisir né d’une nécessité, puisqu’avant l’apparition de magasins spécialisés dans les années 2000, les adeptes du fixie montaient la plupart du temps eux-mêmes leurs vélos.

Aujourd’hui les marges de manœuvre sont plus larges entre grandes enseignes et magasins spécialisés. Beaucoup d’échanges et de ventes se font aussi sur le marché de l’occasion pour choisir les bons éléments ; cadre, roues, potence, pédalier etc. Une manière de se constituer pour certains un fond de roulement comme A. Pichard, par ailleurs adepte des sports de glisse. A son actif : trois vélos montés et un autre sur le feu.

« Le premier vélo que j’ai retapé, c’était un vieux Peugeot de course appartenant à mon père et que j’ai désossé et repeint avec une peinture époxy. Au début, j’étais plutôt branché par le côté esthétique et les couleurs flashy mais aujourd’hui ce sont plus les caractéristiques techniques qui l’emportent. Je viens par exemple d’acheter un cadre en carbone qui grâce à sa légèreté permet d’aller plus vite. »

Adhérents des Amis du pignon fixe (DR)
Adhérents des Amis du pignon fixe (DR)

Une passion qui peut aussi coûter cher

Depuis deux ans et demi qu’il s’est pris de passion pour le pignon fixe, il estime en effet qu’il y a consacré 3000 à 4000 euros. Quand certains optent comme lui pour les vélos tendance « Do it yourself (DIY) » – autrement dit « fait le toi-même » – d’autres préfèrent « le clé en main ».

Dans les deux cas, les prix sont variables et dépendent du budget qu’on peut ou qu’on veut y consacrer.Alors qu’on peut monter un fixie soi-même pour 100 à 150 euros, en magasin, comptez minimum 400 euros pour un vélo, avec des prix qui peuvent monter jusqu’à 2 à 3000  euros, parfois plus.

Antoine Barbot, responsable d’Esprit cycle, un magasin de vente et de réparation de vélo à Bordeaux dont 30% de l’activité provient du pignon fixe, cite l’exemple d’un passionné qui a investi 7000 euros dans son vélo. Les prix dépendent en fait des éléments présents sur le vélo, sachant que rien qu’un cadre en titane ou une paire de roues en carbone peuvent coûter plus de 2000 euros.

Et on peut même ouvrir son portefeuille à l’insu de son plein gré. Bonne pâte, Alain Guerimaud, président de Vélo-cité, une association bordelaise de promotion et de défense du vélo, trouve en effet que le fixie, « c’est sympathique, jeune, moderne… mais… pas du tout dans la réglementation ».

Il explique pourquoi :

« Sur ces vélos, il y a des éléments qui manquent comme les freins, la lumière, les catadioptres et pour chacun d’entre eux, c’est 11 euros l’amende. »

Alors fixie or not fixie ?

Il arrive aussi qu’un cycle ait l’odeur d’un fixie, le goût d’un fixie mais qu’il n’en soit pas un. Visuellement, le vélo en copie l’épure mais n’a pas les mêmes caractéristiques. Le fixie est en effet sorti du cercle des branchés du bitume pour toucher un public plus large qui va souvent privilégier l’esthétique au détriment de la technique.

« Aujourd’hui mêmes les jeunes de 12-13 ans veulent un fixie alors que pour l’instant les modèles existants ne sont pas adaptés à leur gabarie », commente  Clément Culot, vendeur à Pierre qui roule.

Cette enseigne bien connue du monde de la glisse urbaine est présente à Toulouse et à Bordeaux. En 2010, flairant le filon et face à une hausse croissante de la demande, elle a ouvert un deuxième magasin dans le quartier Gambetta où 50% du chiffre d’affaires provient du fixie.

Selon une estimation de la Cub de 2013 (Mesure des cyclistes en circulation, réalisée en heure de pointe et avec des capteurs au sol), il y aurait quelques 17400 cyclistes dans l’agglomération bordelaise mais difficile de déterminer la part des fixies dans ce chiffre, faute de mesure existante pour ces derniers.

Effet de mode ou pas, le pignon fixe a en tous cas le mérite de faire aimer le vélo à des personnes qui sans ça n’en auraient pas forcément fait, la question étant de savoir s’ils continueront à en faire longtemps…


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