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Livres : notre choix de pavés pour la plage

Voici une sélection de 6 livres concoctée par la rédaction, avec pour seuls critères d’être (assez) récents et piochés parmi des éditeurs et/ou auteurs girondins. Les aoûtiens qui partent ce vendredi en congé pourront s’en inspirer pour lézarder, les juillettistes la mettront à profit pour se changer les idées avant de retourner bosser.

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Livres : notre choix de pavés pour la plage

    Pour bronzer intelligent, vous avez le choix entre vous enduire de Cervolax, ou lire la sélection de Rue89 Bordeaux (Extrait de "C'était mieux demain", d'Alex Formika et Anne Debrienne/Akileos)
Pour bronzer intelligent, vous avez le choix entre vous enduire de Cervolax, ou lire la sélection de Rue89 Bordeaux (Extrait de « C’était mieux demain », d’Alex Formika et Anne Debrienne/Akileos)

C’était mieux demain

cetaitmieuxdemainAlex Formika et Anne Debrienne, éditions Akileos, 88 pages, 12 euros

Le progrès technique nous fait-il vraiment avancer ? Pas sûr. Paru en mai dernier aux éditions talençaises Akileos, par ailleurs spécialisées dans la bande dessinée, « C’était mieux demain, les 36 innovations rétrofuturistes auxquelles vous échapperez… ou pas » est le vade- mecum philosopho-comique de l’été, utile pour se détendre tout en réfléchissant à notre mode de vie. A travers 36 inventions loufoques, les auteurs, Alex Formika pour les réclames façon années cinquante et Anne Debrienne pour les textes, vantent les mérites de produits innovants mais improbables. Exemples: une cire langue de bois pour lustrer ses propos en douceur, une bombe nano clean qui libère une armada de femmes de ménages ou encore Arriviste, une eau de toilette pour les hommes aux dents longues. Consumérisme, écologie, éducation, réseaux sociaux, hygiène perso et sociale ou encore nouvelles technologies ; les auteurs passent la société à la moulinette, égratignant au passage notre conception de l’homme moderne, sur un mode humoristique et grinçant.
Malika Ouadda

Malpasset (causes et effets d’une catastrophe)

MALPASSET

Corbeyran et Horne, éditions Delcourt, 160 pages, 18,95 euros

Malpasset est la plus grande catastrophe civile du XXe siècle en France. Dans la nuit du 2 décembre 1959, la rupture de ce barrage a provoqué la submersion de Fréjus (Var), et fait 500 morts. Cette BD cosignée par le scénariste bordelais Eric Corbeyran, se fonde sur des témoignages directs, ceux d’une quinzaine de rescapés. Beaucoup ont perdu des parents, des amis, des enfants… Leur parole est si forte que les planches proposent essentiellement une sobre restitution des entretiens, comme un documentaire qui se passerait quasiment d’archives vidéo.
Le dessin se concentre sur les portraits en gros plan de ces hommes et femmes, éclairant leurs propos d’images du barrage, de lieux dévastés ou des personnages clés de l’époque (par exemple André Léotard, maire de Fréjus).
Les auteurs reprennent le déroulé des évènements, évoquant les souvenirs récurrents des témoins par des illustrations quasi pictographiques, représentant par exemple le bruit du barrage lorsqu’il a cédé, ou les appels à l’aide dans la nuit noire.Témoins des procès du drame à l’appui, les auteurs reviennent sur ses causes. La retenue d’eau de 60 mètres de haut, vouée à alimenter les agriculteurs et développer le tourisme de masse, a été construit avec peu d’argent et sans étude géologique préalable. Mais on savait le barrage fragile, si bien qu’il n’était jamais rempli qu’au tiers de sa capacité… et ne servait donc à rien. La roche a cédé lorsque les pluies diluviennes ont trop rempli le réservoir. Les opposants aux « grands projets inutiles » liront avec intérêt ce récit d’une catastrophe causée par un éléphant blanc. Les autres trouveront dans « Malpasset » autant matière à réfléchir qu’à s’émouvoir.
Simon Barthélémy

Et quelquefois j’ai comme une grande idée

Ken Kesey, Monsieur Toussaint Louverture, 800 pages, 24,50 euros

Faux_livre_IdeeLoué soit Monsieur Toussaint Louverture. Cet éditeur basé à Bègles exhume des pépites de la littérature américaine inédites en France (« Karoo », de Steve Tesich, « Le dernier stade de la soif », de Frederick Exley, ou « Mailman » de J.Robert Lennon). L’an dernier, il sortait donc ce chef d’œuvre de Ken Kesey, l’auteur de « Vol au dessus d’un nid de coucou », paru en 1964.
Son action se déroule dans l’Oregon (nord-ouest des Etats-Unis), plus précisément à Wakonda, bourgade forestière (imaginaire) de la côte Pacifique. Alors que celle-ci est paralysée par une grève des bucherons, Hank Stamper, qui doit respecter un contrat de livraison de bois, fait appel à son demi-frère Leland, parti quelques années auparavant vivre dans l’Est. Caïn et Abel se rejoue dans ce trou perdu, au pied des sapins contre lesquels les Stamper jouent une course contre la montre, et au bord d’une rivière régulièrement sujette aux crues.
L’eau paraît d’ailleurs guider l’écoulement du récit, qui passe comme aux grés des courants d’un narrateur à un autre, de la première à la troisième personne, remontant même parfois son cours chronologique, comme la Wakonda River avec les marées, étant même sujet dans un chapitre au délire cannabique d’un personnage… Ken Kesey, qui a testé des hallucinogènes dans un hôpital et sillonné l’Amérique, était, selon son éditeur français, « trop jeune pour être un beatnik, trop vieux pour être un hippie », mais il fut bien lui aussi le « chantre d’une contre-culture anticonsumériste débridée ».
S.B.

Lettres d’engueulade

lettresdengueuladeJean-Luc Coudray, éditions L’Arbre Vengeur, 192 pages, 13 euros

Ne vous y trompez pas. Ce n’est pas parce que vous êtes en vacances que tout va bien se passer ! Vous allez bien en vouloir à celui qui vous envoie du sable en remuant sa serviette, à celui qui vous éclabousse en sautant dans la piscine, à celui qui vous pique la dernière table en terrasse, à celui qui dit qu’il fera beau demain alors que la pluie est là, à celui qui vous double sur l’autoroute, à celui qui ne roule pas vite, à celui qui a ne lâche pas la grappe à la caissière, à celui qui fait la fête jusqu’au matin dans la location d’à côté, à celui qui ronfle dans la tente voisine… Vous trouverez bien une raison pour en vouloir à quelqu’un, non ?
Mais vous êtes comme tout le monde : sous le coup de la colère, les vacheries ne viennent pas facilement. C’est pour vous aider que Jean-Luc Coudray a écrit Lettres d’engueulade. Attention, ce n’est pas un dico des injures et des gros mots – le plus gros est, à tout casser, le terme « con ». Avec son allure de moine défroqué, Coudray n’a pas le profil d’un fou furieux, et on lui donnerait le Bon Dieu sans confession. Pourtant, l’auteur talençais est mauvais comme la teigne et vous apprendra à détruire un conducteur de 4×4 ou à anéantir un propriétaire de chien chieur avec 62 lettres bien senties.
Elles vous feront rire aussi jaune que le pastis du voisin de camping, et vous y découvrirez un humour aussi noir qu’une plage bondée un 15 août.
Un conseil : lisez une lettre le matin et une lettre le soir, ça vous fera le mois.
Walid Salem

MatcH Rugby et poésie

matchEric des Garets et Donatien Garnier, éditions Atelier Baie, 48 pages, 10 euros

Amateurs de rugby et/ou de poésie, ce petit recueil de poèmes en prose consacrés au ballon ovale vous est destiné ! Il a été rédigé par deux passionnés (et bloggeurs de Rue89 Bordeaux) : Eric de Garets, directeur général adjoint des services du conseil général de la Gironde et Donatien Garnier, journaliste et écrivain bordelais qui pratique ce sport depuis son enfance. Tel un match, les auteurs s’échangent de brefs moments de poésie autour de ce sport en évoquant aussi bien les joueurs « aux corps sculpturaux » et cicatrices que « l’homme au sifflet », le terrain ou le public…
Électriques, parfois un peu abscons pour les non-initiés (au sport et/ou au genre littéraire), ces haïku au champ lexical fleuri donnent néanmoins envie d’en savoir plus sur « la gonfle ». Un bel hommage au rugby – « ce sport invraisemblablement compliqué » – par la poésie, et inversement. A emporter sur la plage pour un instant d’évasion et/ou à offrir à un passionné de l’Ovalie.
Florence Heimburger

Après la guerre

apreslaguerreHervé Le Corre, Rivages/Thriller, 524 pages, 19,90 euros 

1956. Un survivant des camps de la mort revient à Bordeaux pour se venger du commissaire Darlac, flic corrompu et collabo passé entre les gouttes de l’épuration. Alors que la ville du maire Marquet et Papon n’a pas encore réglé ses comptes de la guerre, ses jeunes sont réquisitionnés pour aller « pacifier » l’Algérie. Certains tentent d’y échapper, d’autres veulent s’y confronter, comme Daniel, dont les parents ont disparu pendant le dernier conflit mondial.
Maître bordelais du polar, Hervé Le Corre entremêle avec brio les récits et les époques, dans un style brillant et nerveux. Il fait parler la foudre et l’ambivalence des hommes face à la violence, souvent déchaînée – on songe souvent à James Ellroy, qui a remis à Le Corre le prix du Polar européen, mais aussi à Manchette, pour la dimension politique de son œuvre. En plus d’une intrigue haletante, le professeur de français résidant à Pessac nous plonge dans le Bordeaux de l’époque, lorsque la ville vivait autour d’un port animé, les Chartrons sentaient la vinasse, et les bagnoles passaient cours de l’intendance.
S.B.


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