Gauche-droite : 3-3 à l’aller, quel score au retour ?
Comment flatter le Grand électeur dans le sens du poil ?
Quels bilans pour les sortants ?
Comment ont ils dépensé la réserve parlementaire ?
Le Sénat, ça sert à quoi ?
Souvenez vous en 2011, un fol espoir avait agité la gauche : le Sénat dans la poche pour la première fois depuis l’après-guerre, elle allait, en cas de victoire en 2012, enfin pouvoir faire adopter ses vieilles promesses de réforme institutionnelle, comme le droit de vote des étrangers aux élections locales, ou l’avènement de la VIème République.
Et pourquoi pas, soyons fou, transformer radicalement cette « anomalie démocratique », selon les termes de Lionel Jospin, qu’est le Sénat – assemblée élue au suffrage universel indirect, par des « grands électeurs », essentiellement des conseillers municipaux et ruraux, et réputée pour son conservatisme.
Mais voilà, la nouvelle majorité s’est avérée un peu bancale, dépendant de la position des alliés communistes ou radicaux, rejetant ou amendant des textes importants (budget, réforme territoriale…), et se divisant sur des sujets hautement symboliques (le cumul des mandats, que bien des sénateurs socialistes ne voulaient pas s’appliquer).
Avec une majorité de seulement 6 voix d’avance, François Hollande n’a même pas osé y présenter une réforme phare promise pendant la campagne : le droit de vote des étrangers. Dimanche, la Haute chambre devrait repasser à droite, forte de son succès aux élections municipales. En Gironde, la perte de plusieurs villes importantes (Pessac, Saint-Médard…) fragilise ainsi les sortants socialistes.
Avec quelles conséquences ? Pour la députée socialiste Michèle Delaunay, « ce n’était pas une majorité sur laquelle on pouvait compter en toutes circonstances, les textes étaient malmenés. Cela risque juste d’aggraver un peu la situation, mais ne bouleversa pas grand chose ». Il est vrai que dans tous les cas, l’Assemblée nationale a le dernier mot, ou passe en force si nécessaire.
Gauche-droite : 3-3 à l’aller, quel score au retour ?
La Gironde envoie 6 sénateurs à Paris, élus par scrutin de liste départementale. Les sortants élus en 2008 sont ou ont tous été des notables locaux bien enracinés, et tous se représentent en position éligible : à droite, Xavier Pintat, maire de Soulac, Marie-Hélène des Esgaulx, maire de Gujan-Mestras, et Gérard César, maire de Rauzan.
A gauche, il s’agit de Philippe Madrelle, l’insubmersible président du Conseil général de Gironde, de Françoise Cartron, maire d’Artigues-près-Bordeaux de 1995 à 2012, et d’Alain Anziani, maire de Mérignac depuis mars et premier vice-président de la Cub.
Troisième de la liste PS dans le département, ce dernier serait, selon des projections réalisées par le PS, menacé par le virage à droite des municipalités, malgré un travail reconnu à Paris (lire ci-dessous). Un quatrième siège échoirait alors à la liste « Unis pour la Gironde », et donc à Nathalie Delattre, maire-adjointe de Bordeaux et secrétaire générale du Parti Radical. En 2008, l’attribution du sixième siège s’était jouée à 40 voix près, sur 3299 grands électeurs.
Aucune des 5 autres « petites » listes ne semble en effet en mesure de rassembler les 400 à 500 votes nécessaires pour un fauteuil. Mais les états majors des partis scruteront notamment l’évolution du vote Front national chez les votants, dont une grande majorité, élus de villages ou de petites villes, est sans étiquette.
Comment flatter le Grand électeur dans le sens du poil ?
Pour les câliner jusqu’aux urnes, les candidats invitaient tous les Grands électeurs de leurs camps, et surtout ceux sans étiquette, à des réceptions à Bordeaux, qui se déroulaient pendant le scrutin, le dimanche entre 9h et 15h, près de la préfecture… Mais cette année, les listes y ont renoncé, officiellement pour restrictions budgétaires, liées à l’entrée en vigueur pour les élections sénatoriales de nouvelles règles sur les comptes de campagne, beaucoup plus strictes.
Même « Unis pour la Gironde », qui avait déjà envoyé ses invitations, a finalement annulé quelques jours avant le vote, comme le montre le courrier ci-dessous. Du côté de la liste UMP-UDI, on justifie ce rétropédalage pour des raisons d’économie. Cela pourrait également être pour prévenir toute contestation post électorale devant le Conseil constitutionnel, en cas de résultat serré. Car si aucune loi n’interdit ces arrêts buffets, ils pourraient s’apparenter à un meeting un dimanche d’élection, qui sont eux prohibés…
Pour convaincre, il y a aussi les arguments de fond. Et en ces temps difficiles, les socialistes avouent ramer un peu face aux élus ruraux. Ceux-ci sont particulièrement troublés par la réforme territoriale, et les déséquilibres que pourrait entraîner la métropolisation, et donc la concentration accélérée des pouvoirs politiques et économiques, au détriment des campagnes. Voilà qui a en tous cas poussé Philippe Madrelle à reprendre son bâton de pèlerin pour sauver les départements.
Quels bilans pour les sortants ?
Côté PS, la tête de liste ne s’est pas illustrée par sa présence de tous les instants au Palais du Luxembourg, à en croire le site Nossenateurs.fr. Cet observatoire citoyen de l’activité parlementaire classe en effet Philippe Madrelle parmi les moins assidus des 12 derniers mois, avec 17 semaines d’activité, aucune intervention en commission (véritable baromètre de l’activité d’un parlementaire), et aucun rapport ou proposition de loi écrite. Il se distingue en revanche pour ses questions écrites (23) ou orales (3) à l’endroit du gouvernement, souvent sur des sujets « terroir » (financements de l’État pour la maison départementale des personnes handicapées de la Gironde, utilisation de pesticides interdits dans le vignoble bordelais…).
Vice-présidente de la commission culture et éducation, sans mandat local depuis 2012, Françoise Cartron est au contraire très impliquée au Sénat. Cette enseignante de métier s’est notamment beaucoup investie dans le débat parlementaire sur la réforme des rythmes scolaires. Elle figure parmi les élus les plus actifs au Sénat dans quasiment tous les domaines, selon Nossenateurs.fr.
Un peu moins présent sur Paris depuis son élection à la mairie de Mérignac (18 semaines d’activité durant l’année écoulée), Alain Anziani n’a toutefois pas chômé : avec 89 interventions en commission des lois et 7 rapports rédigés (dont un sur le vote électronique), le questeur du Sénat est même l’un de ses membres les plus actifs. Il pourrait toutefois passer à la trappe.
Côté UMP-UDI, Xavier Pintat, la tête de liste d’ « Unis pour la Gironde » se distingue comme son homologue socialiste par son manque d’assiduité à Paris – depuis Soulac, ce ne doit pas être pratique : 15 semaines d’activité, 21 présences en commission (dont 8 interventions), pas de proposition de loi écrite, et une seule participation à la réalisation d’un rapport, dans sa commission de la Défense. Parmi ses 9 questions écrites pendant l’année, citons celle sur le financement du logement social, ou celle en faveur de la publicité pour le vin sur Internet (on n’est pas Médocain pour rien).
Agriculteur de métier, maire de Rauzan, dans l’Entre-Deux-Mers, Gérard César est en revanche dans le vert pour tous les critères du baromètre de Nossenateurs.fr : 28 semaines d’activités, 81 interventions en commission, 75 interventions longues dans l’Hémicycle. Chevaux de bataille du vice-président de la commission des affaires économiques : l’agriculture, bien sûr, et en particulier la viticulture, la forêt, l’agroalimentaire.
Enfin, Marie-Hélène des Esgaulx est également plutôt impliquée au Palais du Luxembourg, toujours selon le site de l’ONG Regards Citoyens. La maire de Gujan-Mestras, avocate de profession (comme Alain Anziani) a réalisé par exemple durant l’année écoulée 73 interventions en commission des finances. Elle a aussi réalisé un rapport instructif sur les conséquences de l’abandon de l’écotaxe poids-lourds pour les projets d’infrastructures de transport.
Comment ont-ils dépensé la réserve parlementaire ?
Bercy a dévoilé cette semaine des montants reversés par les sénateurs au titre de la réserve parlementaire, qui sert essentiellement à financer des projets dans des petites communes. Suite à la diffusion de ces chiffres, François Carton a été « distinguée » par Le Parisien pour le niveau élevé de sa réserve parlementaire (524 523 euros, soit la 15e du Sénat). Elle s’en est expliquée sur son blog ainsi qu’à Rue89 Bordeaux :
« Je suis faussement destinataire de cette somme, et bénéficie en réalité de 140000 à 170000 euros, comme la plupart des sénateurs. Mais à la commission culture, nous centralisons les dossiers de ses 10 membres, et je les renvoie à mon nom. Ce qui fait que je finance par exemple la consolidation de l’église d’Aléas, dans l’Aude ! Chaque sénateur applique la règle de répartition qu’il souhaite, moi je privilégie les projets liés au patrimoine, à la culture et à l’éducation. Et nous dissuadons les collègues de poser des dossiers pour des communes dont ils sont maire. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde… Charité bien ordonnée commence souvent par soi-même. »
L’élue socialiste cafte notamment Gérard César, dont les 196 734 euros sont allées pour moitié environ à sa commune de Rauzan – 70000 euros pour la seule rénovation des voiries. Sollicité à plusieurs reprise par Rue89 Bordeaux, le sénateur-maire n’a pas répondu à nos demandes d’entretien afin d’expliquer ses choix. Pas plus que ses collègues d’ « Unis pour la Gironde », qui ont « ventilé » davantage les crédits sur les communes du département. L’un des principaux projets financés par Marie-Hélène des Esgaulx est néanmoins la réfection du sentier du littoral entre les ports de Meyran et de Gujan-Mestras, pour 25000 euros.
La réserve parlementaire d’Alain Anziani ne s’élevait quant à elle qu’à 12000 euros. Celle de Philippe Madrelle n’a pas été communiquée.
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