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Cruelty to animals fait tiquer certains amis des bêtes

Avant même la parution, repoussée au 22 octobre, de « Cruelty to animals, a handbook » (« Cruauté envers les animaux, un manuel »), son éditeur bordelais, Les Requins Marteaux, a été harcelé par des militants de la cause animale. Les réponses à ces attaques de l’auteur, Vivien Le Jeune Durhin, pour Rue89 Bordeaux.

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Cruelty to animals fait tiquer certains amis des bêtes

Cruauté envers les animaux : comment cisailler un flamant rose (DR)
Cruauté envers les animaux : comment cisailler un flamant rose (DR)

Comment taguer un rhinocéros, crucifier un albatros ou tondre un hérisson ? Fort simple, nous explique dans ce manuel de « Cruauté envers les animaux », Vivien Le Jeune Durhin, croquis et consignes (en six langues !) à l’appui. On est ici bien sûr dans l’absurde, entre la notice Ikea et les conseils de Monsieur Cyclopède, en phase avec les parutions précédentes des Requins Marteaux, l’éditeur basé à la Fabrique Pola, à Bègles.

« Je dessine beaucoup d’animaux depuis longtemps, raconte l’auteur, dont c’est le premier ouvrage. J’ai commencé ce projet quand j’étais aux beaux-arts de Rennes en 2006. Un jour j’ai fait un dessin d’un personnage donnant un coup de genou dans le menton d’un cerf et j’ai trouvé ça intéressant à développer. C’était à la fois drôle et dérangeant. À l’époque j’en ai fait un petit livre, puis j’ai repris ce projet quand j’avais un peu de temps libre entre mes commandes de graphiste. J’ai pratiqué le judo de niveau compétition, et j’ai souvent eu sous les yeux des manuels didactiques qui expliquaient les techniques de judo, avec des schémas, des explications détaillées, des flèches. J’ai toujours trouvé ça beau, cette précision du geste. »

Si ils trouvent une corde à leur goût…

Le dessinateur a tenté d’appliquer ce principe aux bestioles, en partant de leurs caractéristiques propres – comme des doigts palmés (suivre les pointilles pour découper d’une patte d’ornithorynque), ou la puanteur dégagée par une moufette pour se défendre (enfermez-la dans un aquarium et épouvantez-la).

« Un manuel, c’est fait habituellement pour faire les choses bien, de façon autoritaire, et là il s’agit de faire mal les choses. C’est une idée toute simple mais je pense qu’au final, ça déroute les gens, ils ne sont pas habitués à ça, et c’est ça qui m’intéresse ».

En effet : bien qu’elle n’ait pas encore pu consulter le livre, qui sort le 22 octobre prochain, l’auteure d’un site vegan s’en est indignée après avoir lu une chronique sur un blog de BD. Comparant Vivien Le Jeune Durhin à Dieudonné, elle a mis en ligne les adresses mails du personnel des Requins Marteaux, en appelant ses lecteurs à les harceler.

Cela a entraîné sur les réseaux sociaux une avalanche de réactions ordurières, voire carrément menaçantes, de gens qui n’ont pas non plus lu le bouquin, sorti ce mardi. Un groupe Facebook s’est même constitué contre l’ouvrage, rassemblant 110 personnes !

(Capture d'écran)
(Capture d’écran)
(capture d'écran)
(capture d’écran)

« Ces gens postent des messages avec en photo de profil ALF (animal liberation front) Bordeaux, un mouvement écoterroriste, mais s’ils sont reliés à des associations ils agissent pour l’instant en leur nom propre, veut croire Jean-Gabriel Farris, des Requins Marteaux. En plus, ils font du hit and run : si on essaye d’ouvrir le débat et de discuter avec des arguments valables, personne n’ose engager le débat ».

Le serpent qui se mord la queue

La maison d’édition n’a pas pour l’instant envisagé de porter plainte.

« Au départ, on a été vraiment inquiets, car cela a mis du temps avant que nos lecteurs soient au courant de ces menaces, poursuit Jean-Gabriel Farris. C’est alors devenu un terrain de jeu formidable pour eux, qui se régalent de répondre n’importe quoi avec le plus de fautes d’orthographe possible ! En plus, ça nous fait de la publicité, donc plutôt plus de bien que de mal. Ce qui est con, c’est que les défenseurs des animaux nuisent à leur propre image en passant pour des fachos. Ils arrivent très bien à marier deux concepts très différents, vouloir sauver des bébés phoques et brûler des livres ».

D’autant que le livre part bien sûr d’une critique sur le comportement par rapport aux animaux : les trois quarts des tortures qui y sont expliquées ont effectivement lieu, du gavage des oies au découpage des ailerons de requins, en passant par les masques sur les yeux des faucons, ou même le citron sur les huîtres.

« Je suis devenu vraiment sensible à la cause animal en réalisant ce livre, en me documentant sur certaines pratiques existantes à travers le monde, parfois populaires ou traditionnelles comme la corrida, ou manger de la cervelle de singe en Chine, etc, confirme Vivien Le Jeune Durhin. On peut se poser la question de la législation relative aux droits des animaux, à la protection de certaines espèces. Il y a des animaux qui ont davantage de droits que d’autres, c’est presque du favoritisme : un chaton n’a pas le même statut qu’un poulet, qui n’a lui-même pas le même statut qu’un cafard. Or il me semble bien qu’ils devraient tous être traités de la même façon, si on voulait être juste. (…) Un artiste doit questionner certains sujets, aussi sensibles soient-ils, il a le droit d’aller à l’encontre de la morale. Hara Kiri et leurs fausses pub le faisait très bien… »

Ces questions vertigineuses, les détracteurs du manuel vont désormais pouvoir se les poser. En plus de dénicher dans le livre, pour chaque animal, des expressions toutes faites comme le serpent qui se mord la queue, saute mouton, etc.


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