Manécounda-Bordeaux, association bordelaise Loi 1901, est à l’origine de la construction d’une école à Manécounda, petit village de 500 habitants, au cœur de la Casamance, région au sud du Sénégal. Cette construction entre aujourd’hui dans sa dernière phase de construction.
Pour Martha Mané, franco-sénégalaise, fondatrice de l’association en 2001, l’aventure a commencé par un voyage au Sénégal offert par des amis, un désir de retrouver ses racines, d’apporter quelque chose d’elle-même au pays de son père, une rencontre avec le village qui porte le nom de sa famille.
Dans son esprit, il a toujours été évident que le village de Manécounda, enclave isolée, que l’on rejoint par des sentiers plus que par des pistes, sans qu’aucun panneau ne l’indique, pouvait avoir besoin de soutien. Mais pas n’importe lequel. Chaque action s’est progressivement affinée, adaptée à la réalité.
« Il faut arrêter de dire qu’ils n’ont rien là-bas. Ils ont peu mais ils ont ! Il faut subvenir uniquement à des besoins précis », dit-elle.
L’école de la Petite Enfance
Tout le monde à Manécounda est convaincu que les enfants, les filles comme les garçons, doivent pouvoir aller à l’école. Tous sont inscrits sur les listes.
Jusqu’à ce que l’association Manécounda n’apporte son concours, si les grands du primaire (CM1, CM2) avaient une salle, construite, les 120 enfants à l’âge de la maternelle et des classes élémentaires se retrouvaient sous des abris de palissades tressées recouverts de tôle, visités par les chèvres, emportés à chaque saison des pluies. Et l’enseignement était l’affaire de bénévoles.
Malgré ces conditions plus que précaires, bon nombre d’élèves continuent leurs études au collège de Djiredji, ou au lycée de Sedhiou à 25 kilomètres. Des négociations avec l’Inspection académique ont fini par aboutir à la nomination d’un enseignant. Fallait-il pour autant en rester là ?
A la demande de l’association, Boubacar Seck a accepté bénévolement de concevoir et d’accompagner la construction de l’école de la Petite Enfance. Architecte mais aussi vice-président du C2D de Bordeaux (Conseil du développement durable) et rédacteur en chef de 308, journal de l’Ordre des architectes d’Aquitaine, il a mené différentes réflexions et commandes architecturales en Europe et en Afrique.
Un programme simple, participatif, durable
« La simplicité de la commande a conduit à la simplicité du projet, dit-il, trois classes pour la “Case des Petits”, deux classes pour la Primaire, une bibliothèque, un jardin potager, des espaces d’accueil. Mais un programme conçu sur des principes de civisme et de développement durable, un programme intergénérationnel. »
Un ensemble de volumes indépendants sur 700 m2 est couvert par un toit parasol en légère pente pour recueillir les eaux de pluie et arroser le potager, un vide entre les volumes permet une isolation thermique et sonore. La brique de terre rouge est fabriquée sur place, par les villageois qui partagent leur temps entre travaux des champs et chantier d’édification. Les matériaux autres que ceux qui sont produits sur le lieu viennent, au plus loin, de Ziguinchor, capitale de la Casamance.
L’école doit devenir un lieu d’enseignement, bien sûr, mais aussi un lieu d’accueil pour les villageois, avec bibliothèque et espaces de rencontre, pour les plus jeunes et les plus anciens, et dans le respect des habitudes de vie.
L’école, dans sa structure, répond efficacement aux contraintes et besoins nécessaires, et dans sa justesse offre au regard un ensemble aérien, élégant, signe que l’attention portée au projet ne s’est pas résumée au strict utilitaire. Un village perdu au milieu de nulle part a droit à la beauté tout autant qu’un autre.
Apprendre l’efficacité
Dans les premier temps de l’Association Manécounda-Bordeaux, les premiers actes, comme on peut s’y attendre, ont porté sur la santé ; l’hôpital le plus proche est à 25 Kilomètres. Martha Mané, avec l’énergie de l’évidence avait commencé par recueillir des médicaments de tous ordres qu’elle faisait parvenir au dispensaire, lorsque le médecin local finit par lui dire : « N’envoyez plus de médicament ! Sans surveillance, ils peuvent faire plus de mal que de bien. »
La formule choisie a été d’ouvrir un compte, sur place, à la pharmacie centrale de l’hôpital, pour les problèmes qui résistent aux médecines traditionnelles. Toutes les actions qui ont suivi l’ont été sur la base de la concertation, en accord avec les demandes exprimées, en relation avec les instances concernées.
Bicyclettes, pompe à eau, moulin à mil, ont certes été les bienvenus pour que le quotidien soit assuré dans l’autonomie. « Maintenant, on n’envoie plus rien, on n’apporte plus rien, on fait fonctionner l’économie locale », déclare la présidente de l’association. Là, comme en bien d’autres endroits peu visibles, il s’agit de lutter contre l’exode rural qui n’a pas toujours de brillantes conséquences.
« Sans travail, les hommes partent à Dakar grossir les troupes de manœuvres ou de vendeurs à la sauvette. Les filles qui n’ont pas “fait les bancs”, autrement dit qui ne sont pas allées à l’école, ne trouvent rien de mieux que des places de “bonniches” », ajoute Martha Mané.
Comment financer ?
Le budget gobal est de 80 000 euros. Heureusement, les adhérents de l’association ont compris que l’utilité alliée à la beauté est sans réserve. Des actions diverses sont menées, concerts, expositions, séances de cinéma, pour récolter des fonds.
A leur apport s’ajoutent les aides ponctuelles, comme celle allouée par le Lyons club de Pessac pendant trois ans, la participation des apprentis des Arts et Métiers de Bordeaux et du CFAI d’Aquitaine. Cependant le village de Manécounda n’a pas attendu sans bouger la manne venue du ciel. Il participe au mieux de ses possibilités.
Une association Manécounda-Sénégal s’est créée sur place, en parallèle avec Manécounda-Bordeaux. Les échanges se font entre associations, par courrier ou téléphone puisque le village n’a pas l’électricité ni Internet. Il va de soi que, lors des venues à Manécounda, les membres de l’association bordelaise prennent en charge personnellement leur voyage et leur vie sur place, jusqu’au moindre centime. Toute autre subvention serait évidemment souhaitable. Il manque aujourd’hui 25 000 euros pour clore le projet. Pour ceux qui accepteraient de l’accompagner, le mieux est de s’adresser à l’association.
Pour Martha Mané et Boubacar Seck, cette histoire est en passe de concrétiser un programme d’exception par un travail soutenu, une éthique jamais perdue de vue. L’école, voulue comme un « supplément d’âme » dans un village isolé, a permis à l’architecte de voir son projet sélectionné à la dernière Biennale de Venise, pour le prix des « Jeunes Architectes Africains ». Les douze projets retenus, de ce concours organisé par Architecture Studio, seront présentés à Arc en rêve, en 2015.
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