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Michèle Delaunay prise à partie par les twittos anti-pesticides

Une polémique a éclaté ce week-end sur Twitter avec pour principaux mots-clés « pesticides », « vin » et « cancérigènes ». Cible des attaques : la députée de la deuxième circonscription de Gironde, Michèle Delaunay, accusée de minimiser le problème et dont les tweets ont, d’après elle, été mal interprétés.

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Michèle Delaunay prise à partie par les twittos anti-pesticides

Michèle Delaunay, cancérologue, mène une lutte anti-tabac aussi bien sur Twitter qu'à l'Assemblée nationale.
La députée de Gironde, Michèle Delaunay, cancérologue, mène une lutte anti-tabac aussi bien sur Twitter qu’à l’Assemblée nationale (photo Yves Foubert).

Si Twitter oblige à faire preuve d’esprit de synthèse avec ses messages limités à 140 caractères, le réseau social engendre malheureusement aussi beaucoup de quiproquos. La députée Michèle Delaunay en a-t-elle fait les frais, ce week-end ? Accusée par un blog sur Rue89 de nier le « caractère cancérigène des pesticides » – déni « d’autant plus surprenant(e) que l’ex-ministre et députée de la Gironde est cancérologue de formation » –, la députée a expliqué à Rue89 Bordeaux le contexte de l’échange à l’origine de cette incrimination.

Tout commence vendredi 19 décembre, quand Michèle Delaunay retweete un collaborateur parlementaire socialiste, Théo J.K., sur la question du tabagisme « associé à 93% des décès par cancer » du poumon. Dans le fil de commentaires qui s’ensuivent, la députée de Gironde est apostrophée par une certaine Marie-Lys Bibeyran qui lui demande :

« Et qqn qui ne fume pas, ne boit pas et travaille ds la vigne, son cancer est dû à quoi ? #pesticides #vin »

Ce à quoi Michèle Delaunay répond :

« Au soleil s’il ne se protège pas. Les produits de la culture de la vigne ne st plus cancérigènes. »

Marie-Lys Bibeyran s’offusque alors de la réponse – « le soleil cause d’1 cancer du foie ? Un scoop médical ! » – et les critiques se mettent à pleuvoir sur Michèle Delaunay qui aurait perdu son « intégrité intellectuelle » et sa « raison scientifique » pour des « raisons idéologiques ».

Les pesticides moins nocifs que le tabac

Ce que Michèle Delaunay ne savait pas, affirme-t-elle, c’est que Marie-Lys Bibeyran est une militante anti-pesticides très active depuis la mort de son frère d’un cancer des voies biliaires intra-hépatiques en 2009. Un décès qu’elle attribue à plus de 20 ans de travail dans les vignes du Médoc au contact de produits phytosanitaires, sans être parvenue jusqu’à présent à faire reconnaître ce lien de causalité devant les tribunaux. La question que cette militante, elle-même ouvrière viticole, a posée à Michèle Delaunay faisait par conséquent référence à ce combat (qu’elle relaie notamment sur son site et sa page Facebook), ce que la députée, montée sur son cheval de bataille anti-tabac, n’a semble-t-il pas vu venir.

« Je lui ai répondu que le soleil était le facteur de cancer le plus fréquent chez les agriculteurs car c’est le cas, ils présentent plus de risque que le reste de la population de développer un cancer cutané qui peut, éventuellement, être reconnu comme maladie professionnelle. Je n’avais pas compris que Marie-Lys Bibeyran faisait référence au cas particulier de son frère. Je lui ai dit que j’allais me renseigner sur ce cas mais, a priori, il a été victime d’un cancer rare qui n’a pas de lien direct avec sa profession. »

Pour autant, était-il raisonnable de déclarer comme elle l’a fait que « les produits de culture de la vigne » (elle précise ensuite, « produits de traitement de la vigne ») ne sont « plus cancérigènes » ?

« Il faut noter que le mot “pesticides” est devenu un vrai fourre-tout. Je n’aurais peut-être pas dû dire qu’ils ne sont plus cancérigènes, mais que ce sont des cancérigènes faibles et incertains, depuis que l’arsenic a été interdit en 2001. Ce qui m’agace, c’est que les écolos montent en mayonnaise la question des pesticides mais ne disent rien sur le tabac dont il est prouvé qu’il est le facteur n°1 de risque de cancer évitable, devant l’alimentation, l’alcool et le soleil, et loin, très loin devant les facteurs environnementaux qui incluent pollution et pesticides. Le tabac cause 44 000 décès par an et son coût social est estimé à 47 milliards d’euros par an : c’est trois fois le déficit de la sécurité sociale ! »

La députée en remet d’ailleurs une couche sur son blog aujourd’hui dans un billet intitulé « Herbe à nigauds, herbe à Nicot, on a tout faux ».

[mise à jour 23 décembre 2014]

Une étude française dénommée AGRICAN (agriculture et cancer) est menée depuis 2005 par une équipe de chercheurs sur une cohorte de plus de 180 000 agriculteurs répartis sur une douzaine de départements, dont la Gironde. L’étude se penche notamment sur le lien entre les pesticides et le cancer. Ses résultats complets ne seront connus qu’à partir de 2017, mais ses premières conclusions faisaient état, en 2011, d’une meilleure longévité et d’un risque plus faible de décéder d’un cancer chez les agriculteurs que dans le reste de la population.

D’après Pierre Lebailly, le coordinateur de l’étude, cité par le magazine Sciences et Avenir, « le tabagisme est l’élément clef qui explique cette différence », la consommation de tabac étant moins importante chez les exploitants agricoles (mais pas chez les salariés agricoles) que dans la population générale.

Pesticides suspects, études en cours

Plus récemment, de nouveaux résultats issus de l’étude indiquent que « les agriculteurs risquent des types de cancers différents selon leur secteur d’activités, ce qui pourrait être lié à l’utilisation de produits phytosanitaires » (source AFP).

Le risque de cancer du poumon est ainsi deux fois plus élevé chez les agriculteurs spécialisés dans la culture des pois fourragers, la taille des arbres fruitiers ou la culture des légumes, tandis que ce risque est réduit chez les éleveurs de bétail ou de chevaux. Pour le cancer de la prostate, ce sont les producteurs de bovins et les agriculteurs spécialisés dans le tournesol, le tabac, les fruits et les pommes de terre qui sont les plus exposés.

En attendant les résultats complets d’AGRICAN, dont on peut espérer qu’ils dévoileront plus clairement les liens entre cancers et utilisation de produits chimiques, on peut se référer à l’Inserm qui dit « suspecter » l’environnement dans l’augmentation des cancers du sein, du poumon, de la thyroïde, du testicule, dans les hémopathies malignes, le mésothéliome, les tumeurs cérébrales et les cancers de l’enfant.

Différents facteurs difficiles à démêler

Quant aux pesticides en particulier, l’Inserm affirme que « des études en populations agricoles suggèrent leur implication dans les tumeurs cérébrales et dans les cancers hormono-dépendants (cancers de la prostate, du sein, des testicules, de l’ovaire). »

Des données plus précises sont accessibles dans une expertise collective de l’Inserm parue en 2013 dont on peut télécharger une synthèse en suivant ce lien.

À l’échelle mondiale et selon l’OMS, 19 % de tous les cancers peuvent être attribués à l’environnement – entendu au sens large, pesticides inclus, mais le tabagisme passif est également un facteur – et sont à l’origine de 1,3 million de décès chaque année.

Le tabac est quant à lui tenu responsable de 6 millions de morts par an, dont 3,6 millions des suites d’un cancer.


#Cancer

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