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Expositions Anticyclone et DFI : éloges de la mémoire

Deux approches photographiques sur la mémoire et le retour aux sources sont présentées, l’une à Act’image, l’autre à Pola. « Anticyclone » et « Document Fictionnel d’Identité » explorent sans complexes l’héritage familial.

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Expositions Anticyclone et DFI : éloges de la mémoire

Le vernissage de l’exposition « Anticyclone » a lieu ce jeudi soir à la galerie Act’image. Vendredi soir, c’est au tour du vernissage de l’exposition « Document Fictionnel d’Identité » à Pola. Rien ne relie ces deux expositions si ce n’est le travail de mémoire, le premier sur l’archipel des Açores, le deuxième sur l’Algérie.

Photographies Sandra Rocha
Anticyclone, photographies Sandra Rocha

Anticyclone

Pas la peine d’en faire des mystères, l’ « Anticyclone » de Sandra Rocha est celui des Açores, les îles portugaises qui se trouvent dans l’océan Atlantique, à environ 1 500 km à l’ouest de Lisbonne. La photographe y est née et y a vécu jusqu’à l’âge de 20 ans. Aujourd’hui, Sandra Rocha a 40 ans et vit à Paris. Pendant 5 ans, entre 2009 et 2013, elle est retournée à Terceira, son île de l’archipel, pour visiter et photographier sa famille.

« La claustrophobie d’une île »

Sandra Rocha ne l’avouera pas complètement, mais ce travail enclenche un devoir de mémoire, celle de toute personne loin de la terre natale, de l’air de son enfance, et de la famille au grand complet : cousins, cousines, oncles et tantes… Elle concède volontiers une démarche « nombriliste » :

« Comme si je me regardais moi-même à travers mes cousines que je découvre à chacun de mes voyages un peu plus grandes. Je revois mon passé, je profite de mon présent et je projette mon futur. »

En effet, les photos sont des instantanés qui racontent un moment et celui d’avant et celui d’après. Des enfants à même le sol et des filles à la peau blanche les cheveux au vent. Car le vent est partout dans l’archipel et dans les photos : « L’anticyclone a une pression sur les gens. »

« La première sensation que je veux transmettre est celle du lieu, le rapport à ses éléments naturels, la claustrophobie d’une île qui ne nous quitte plus et le brouillard qui en fait un caillou magique. »

« Une clé qui n’ouvre pas toutes les portes »

« Anticyclone » est un work in progress. Il fut d’abord un livre et aujourd’hui une exposition. Il y a dans le livre des photos qui ne sont pas dans l’exposition et inversement. Mais dans les deux, « on ne sait rien de plus à la fin qu’au début ».

Sandra Rocha ne tient pas à ce que l’on reconnaisse sa famille, ni les lieux de son enfance. Ce travail est à double tranchant, il est celui offert au spectateur avec « une clé qui n’ouvre pas toutes les portes », la pudeur de l’âme portugaise sans doute, et il y a l’autre travail transmis à sa famille dispersée aux Amériques, « car l’immigration des Portugais n’est pas tournée que vers l’Europe » :

« Les Açores changent et celui qui a quitté ces îles depuis des années sans jamais y retourner ne l’imagine pas. »

Les membres de sa famille au Canada, ceux qui sont restés sur l’île, la mer sombre de la couleur du ciel, les rochers noirs des volcans, le vent et le brouillard… toute une vie écrite par une messagère en charge de sa « diaspora ».

  • Anticyclone, du 27 février au 28 mars à l’association Act’image, 190 rue Achard à Bordeaux.
    Vernissage le 26 février à 19h.
"Dans trois générations tout ira mieux", Anne-Cécile Paredes
« Dans trois générations tout ira mieux », photographie Anne-Cécile Paredes

Document Fictionnel d’Identité

« Qu’est-ce qu’on se transmet dans les familles devant le silence de l’Histoire ? Peut-on tout dire des souffrances vécues ? » Voilà les questions auxquelles tente de répondre Anne-Cécile Paredes dans « Le partage des silences ». Après le Pérou, son travail se prolonge en Algérie, en invitant notamment trois artistes plasticiens travaillant la question de l’héritage, de l’indice et de la transmission : Marie Hudelot, Camille Lavaud, Frédéric Malette.

« Entre spectacle vivant et cinéma »

Venant de Nantes, Paris et Bordeaux, les artistes sont descendants d’Algériens ou de Français ayant vécus en Algérie. Dans « Document Fictionnel d’Identité », ils proposent des micro-fictions, des représentations de ce qui leur a été transmis, pour une relecture critique et symbolique d’une histoire personnelle et collective.

« Le partage des silences – L’Algérie » rassemble les récits de personnes ayant connu les guerres d’Algérie de 1952 à 2000. Anne-Cécile Paredes réalise les photographies lors d’une mise en scène effectuée avec Ingrid Hamain. Chaque photographie est accompagnée d’une bande-son diffusée dans un casque. Le public est invité à regarder l’œuvre en écoutant l’histoire qu’elle raconte.

« Je recueille des paroles d’Algériens, de Pieds-Noirs, de fils ou petits-fils de Pieds-Noirs et d’Algériens. Chaque récit est mis en scène et joué, les photos sont faites pendant la reconstitution. C’est un travail entre spectacle vivant et cinéma. »

Une fouille minutieuse de la mémoire

Anne-Cécile Paredes est Franco-Péruvienne. Elle a commencé cette démarche autour du conflit qu’a connu le Pérou de 1980 à 2000. « Le partage des silences – Le Pérou » avait le même procédé de recomposition de tableaux scéniques et photographiques sur la base de témoignages de trois femmes. Cette approche théâtrale lui a valu le soutien du festival Chahuts.

« Il y a des générations qui se croisent et se transmettent des histoires qui écrivent l’Histoire avec un grand H, en l’absence d’une version ou d’une mémoire officielle. Avec ces paroles se pose alors la question du silence, de la disparition, de la difficulté de réconciliation, de la recomposition et de la fiction. »

C’est le lot des conflits contemporains, où les chefs de guerre sont toujours là et souvent au pouvoir. L’Histoire officielle est alors difficile à écrire et les témoignages prennent le relais pour tourner la page ou faire un deuil. La question de la mémoire en Algérie est complexe, Anne-Cécile Paredes traduit la parole d’une nouvelle génération de fils et filles d’immigrés. Un héritage qui pèse et bouleverse le destin de beaucoup d’entre eux, et que révèle une fouille minutieuse de la mémoire.

  • Document Fictionnel d’Identité, du 27 février au 10 mars à Pola, 2 rue Marc Sangnier à Bègles.
    Vernissage le 27 février à 19h.

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