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Après Fukushima, la sécurité cher payée au Blayais

Quatre ans après la catastrophe de Fukushima, au Japon, le renforcement des mesures de sécurité est un chantier loin d’être achevé dans les centrales nucléaires françaises. Au Blayais, la facture devrait s’élever à plusieurs centaines de millions d’euros.

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Après Fukushima, la sécurité cher payée au Blayais

La centrale nucléaire du Blayais, près de Braud Saint Louis (SB/Rue89 Bordeaux)
La centrale nucléaire du Blayais, près de Braud Saint Louis (SB/Rue89 Bordeaux)

Ce mercredi à 18h30 devant le Grand Théâtre à Bordeaux, Greenpeace appelle à un rassemblement en mémoire de la catastrophe de Fukushima, survenue le 11 mars 2011, et dont les effets se font encore sentir. Au Japon, d’abord, où la contamination s’étend jusqu’à plus de 100 kilomètres de la centrale. Mais aussi en France : depuis l’accident dans la centrale nippone, notre pays, le plus nucléarisé au monde, tente d’en tirer des leçons pour la sécurité de ses 55 réacteurs.

« Le retour d’expérience de Fukushima est encore en cours, et on est loin du compte », prévient Bertrand Fremaux, adjoint au directeur de la division de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de Bordeaux.

Ce dernier estime que les exigences de l’institution, gendarme du nucléaire, ne seront remplies qu’à l’horizon 2025. En juin 2012, elle faisait près d’un millier de prescriptions aux exploitants de sites (EDF, Areva, CEA), sur la base de « stress tests » évaluant leur capacité de résistance à des évènements extrêmes (séisme, inondations, tempêtes…). Le 21 janvier 2014, l’ASN, jugeant insuffisants les efforts d’EDF, ajoutait « 19 exigences complémentaires ». Elle a récemment fait un état des lieux de l’avancée de ce plan d’action.

« A la centrale du Blayais, les mesures d’urgence de la première phase ont été intégralement mis en œuvre, poursuit Bertrand Fremaux : les moyens de communication avec l’extérieur en cas d’accident ont notamment été renforcés, et des groupes électrogènes diesel ont été ajoutés. Il y en a deux pour chaque réacteur, afin de pouvoir, en cas de panne électrique, continuer à pomper de l’eau de la Gironde pour refroidir le combustible, ce qui n’a pas été le cas à Fukushima. »

Des investissements très lourds

Autres dispositifs mis en place ou en passe de l’être : la Force d’action rapide du nucléaire (FARN), dont l’unité régionale en charge du Blayais est basée à Civaux, et qui doit être capable d’intervenir dans les 24h en cas d’accident, est en service depuis l’an dernier. Après l’inondation de 1999 à la centrale girondine, les digues ont été rehaussées pour tenir compte des effets des vagues ; d’ici la fin 2015, c’est le poste transformateur de Braud qui devra être protégé par une digue d’une éventuelle montée des eaux, comme l’a exigé l’an dernier l’ASN.

« La deuxième phase va impliquer des investissement très lourds sur le noyau dur », estimés à plusieurs centaines de millions d’euros, affirme Bertrand Fremaux.

Ce concept de « noyau dur » vise à disposer de structures et équipements résistant à des évènements extrêmes et assurant les fonctions vitales pour la sûreté du réacteur. Objectif : prévenir un accident grave affectant le cœur du réacteur ou la piscine d’entreposage du combustible irradié ; et limiter les conséquences d’un accident, en préservant l’intégrité de l’enceinte de confinement.

Concrètement, il s’agit de créer un centre de crise local (CCL) capable de résister à des agressions de types séisme ou inondation bien au delà du référentiel actuel, et d’installer un diesel d’ultime secours sur l’ensemble des 58 réacteurs avant 2018.

« Pour l’instant, on est encore dans la phase de conception et de validation des dossiers, indique le directeur adjoint de l’ASN à Bordeaux. Nous nous sommes mis d’accord avec EDF sur les principes, on attend des propositions, notamment afin d’avoir un accès permanent à une source froide pour refroidir les cuves et les piscines de désactivation, si on ne peut plus accéder à l’eau de la Gironde. D’ici 2022, la centrale du Blayais devra avoir mis  en œuvre ces dispositions, qui vont renforcer la sécurité du site. »

Économiquement pas acceptable ?

Mais d’autres points font encore débat entre EDF et l’ASN. Celle-ci a demandé une étude de faisabilité en vue de la mise en place d’une enceinte géotechnique : il s’agirait d’une barrière physique, constituée par exemple de matériaux isolants dans le sol, afin d’éviter qu’en cas d’accident grave, des liquides radioactifs soient massivement rejetés dans les eaux souterraines, l’estuaire, et l’océan, comme c’est le cas à Fukushima suite au percement de la cuve par le corium (magma constitué d’éléments fondus du cœur du réacteur).

Or selon le suivi du plan d’action de l’ASN, « EDF a conclu à l’infaisabilité d’un dispositif géotechnique à un coût économiquement acceptable ». Ce dossier est en cours d’instruction par l’ASN, qui juge que les critères économiques ne peuvent être retenus. Il sera examiné de manière conjointe à d’autres dispositions en cours d’étude, notamment celles visant à prévenir le percement du radier.

Le renforcement de ces dalles en béton sous les réacteurs est l’un des gros chantiers post Fukushima, notamment à Fessenheim. Les investissements nécessaires font débat alors qu’une ou plusieurs centrales devraient fermer leurs portes si la loi sur la transition énergétique entérine la promesse de François Hollande de réduire à 50% la part du nucléaire dans le mix français.

Centrale vieillissante

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« L’ASN a renforcé ses exigences, avec des échéances, ce qui montre bien que la sûreté de la centrale n’est pas au niveau, juge Patrick Maupin, porte-parole du groupe local bordelais de l’ONG. D’autres problèmes se posent, comme le stockage à Braud Saint-Louis des 12 générateurs de vapeur usagés, qui ne sont pas considérés comme des déchets, mais sont tout de même une source radioactive. Les piscines de combustible attenantes à chacun des réacteurs ne bénéficient pas des mêmes règles de sécurité. Et dans un document sur les prélèvements et rejets d’eau dans l’estuaire, transmis à la Clin (commission locale d’information sur le nucléaire), EDF tient compte d’une possible rupture des gaines de combustible en zirconium identifiée sur Blayais 2. Cela n’entraînerait pas la fusion du cœur du réacteur, mais cela prouve le vieillissement d’un certain nombre d’éléments de la centrale et des choix techniques problématiques. »

Des choix techniques coûteux, en outre : aux centaines de millions d’euros que vont coûter les travaux post Fukushima, il faut en effet rappeler que l’arrêt de Blayais 3, causé par le retard dans le remplacement des générateurs de vapeur, coûte un million d’euros par jour à EDF. Mais quand on aime, on ne compte pas.


#Autorité de sûreté nucléaire

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