C’est un homme d’affaires florissantes qui a choisi de changer de cap à la veille de ses 50 ans. Marco Simeoni vend une partie de son entreprise spécialisée dans l’informatique et scrute de nouveaux horizons :
« Mon projet est de développer un modèle économique pour le recyclage du plastique qui pollue les océans. »
Cet entrepreneur suisse avisé est un skipper amateur qui sillonne les mers pour le plaisir de la navigation souvent « gâchée par tous ces détritus qui flottent » :
« 80% de la pollution marine est due au plastique. Difficile de rester passif ! Nos océans nourrissent 3,5 milliards d’individus, l’équivalent de la moitié de la population mondiale. L’eau est la source de la vie, la fragiliser c’est condamner l’humanité. »
Un bateau né d’une rencontre
En 2008, la route de Marco Simeoni croise celle du navigateur Stève Ravussin, vainqueur de la route du Rhum en 1998 et de la transat Jacques-Vabre en 2001. La rencontre se passe à Lausanne, dans un bar qui appartient à l’homme d’affaires. Il n’en fallait pas plus à ce dernier pour qu’il se jette à l’eau. L’idée d’une fondation est née, mais pas que, l’idée d’une course de voiliers aussi ; elle aura pour but d’attirer l’attention sur la bonne cause.
« De la rencontre avec Stève est né le MOD70 dans les chantiers de Lorient et de Vannes. Pour moi le sport pouvait naturellement être au service de la planète. »
En 2009, les deux compères crée la société Multi One Design. Ils contactent des sponsors et rêvent d’une course autour du monde. Marco Simeoni investit dans la commande d’une quinzaine de bateaux MOD70 : la règle veut que les concurrents aient les mêmes équipements et que leur savoir-faire fasse la différence. En 2012, la crise économique a mis un coup d’arrêt au projet.
« On venait d’achever notre première course New York-Brest et une course autour du monde était prévue pour 2013. Le projet a échoué mais j’ai continué à porter la fondation. Le MOD70 est logiquement devenu notre bateau ambassadeur. »
La pollution, cauchemar des destinations de rêve
La fondation Race for Water est lancée. L’idée de la course est enterrée et l’ « Odyssey » à bord d’un MOD70 est dans les esprits. Un parcours de 44 000 milles marins est défini, « la plus grande expédition jamais envisagée sur un an » :
« Ça fait cinq ans qu’on prépare ce projet. Des scientifiques m’ont parlé de ces gyres qui, par des tourbillons marins, constituent des concentrations de déchets. J’ai voulu y aller pour comprendre la situation réelle, l’étendu du problème, recueillir les témoignages des locaux qui vivent cette pollution au quotidien », précise Marco Simeoni.
« C’est la première fois que 5 vortex vont être étudiés simultanément. Ils ont été recensés dans les océans Atlantique, Pacifique et Indien, et devraient nous livrer des informations sur l’origine de cette pollution », précise Frédéric Sciacca, le responsable scientifique de l’expédition.
Les Açores, les Bermudes, l’île de Pâques, les atolls hawaïens… font partie des onze étapes scientifiques de l’étude. Certaines destinations évoquent l’eau turquoise qui fait rêver touristes et vacanciers.
« C’est terrible, quand on montre le parcours prévu, les gens ont du mal à nous croire. Alors que ces îles sont menacées et constituent des marqueurs d’une pollution irréparable », se désole le créateur de l’expédition.
Des drones dans les cales
Frédéric Sciacca en convient, la tâche n’est pas facile. La pollution relève aussi de micro et de macro particules :
« Nous allons prélever des échantillons et les étudier selon un protocole qui sera appliqué à tous les sites. Ce protocole est établi par l’agence américaine NOAA avec qui nous allons collaborer (National Oceanic and Atmospheric Administration, en français l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique, NDLR). »
C’est cette démarche qui est innovatrice selon Marco Simeoni, les prélèvements seront essentiellement effectués sur les côtes :
« Beaucoup d’expéditions ont étudié ce qui se passe dans l’eau, on a peu d’informations sur ce qu’on trouve sur les plages et les côtes. C’est pourtant là qu’échoue l’ensemble des déchets. Une partie très importante de notre étude fera un constat avec les habitants : nombre de nettoyages, volume et quantité des ramassages, nature des déchets. Sachant qu’en moyenne un détritus met 5 à 10 ans pour arriver jusqu’à ces vortex, nous allons pouvoir comprendre la source de ces déchets. »
Autre innovation, les drones participent à l’état des lieux :
« Nous serons les premiers à utiliser cette technologie dans ce type d’expédition. Nous allons pouvoir établir une cartographie exhaustive avec des reconstitutions en 2D et 3D, » déclare Frédéric Sciacca.
Une restitution en vue de la COP 21
Le mot d’ordre est de réduire les déchets, trouver des solutions pour agir. Race For Water Odyssey prévoit de publier ses résultats scientifiques au cours de l’année 2016. Pour la Cop 21, Conférence internationale sur le climat qui aura lieu à Paris en décembre 2015, l’équipe sera tout juste de retour pour témoigner « en off » :
« On veut profiter de cet événement pour communiquer, précise Marco Simeoni. Un documentaire de 52 minutes sera présenté ainsi que des propositions pour le ramassage des déchets. »
Les études seront partagées et comparées avec d’autres études déjà abouties. Eloïse Fontaine, responsable de la communication de Tara Expédition s’en réjouit :
« Plus on est nombreux, plus on est forts, plus on est efficaces. Nous n’avons pas encore rencontré l’équipe de Race For Water mais nous serons ravis de le faire. »
Jérémy Pichon de Surfrider Foundation s’enthousiasme également pour cette nouvelle initiative :
« On ne peut pas faire l’économie d’une telle étude. Nous ne sommes pas dans une logique de concurrence. Si une démarche peut attirer les médias sur les problèmes de la planète, c’est une très bonne chose. Nous travaillons sur les déchets mais nous n’explorons pas les mêmes territoires, tout comme Tara Expédition et Expédition 7e Continent. Nous préparons pour la Cop 21 une Plateforme Océan Climat (POC) qui nous réunira tous autour des résultats de nos études et j’espère que Race For Water se joindra à nous. »
« On s’est bien trouvé avec Bordeaux »
Marco Simeoni porte à bout de bras Race For Water Odyssey et assure son financement à 90%. Ce projet dont le coût avoisine les 2,5 millions d’euros nécessite 18 personnes travaillant à temps plein pour la gestion de l’expédition et 6 personnes pour l’équipage du bateau.
En plus des étapes scientifiques, 7 étapes de sensibilisation sont prévues dans des grandes villes. A Bordeaux, seule ville européenne du parcours, des ateliers et des activités sont proposés sous une tente et sur le ponton à proximité de la Maison éco-citoyenne où l’on pourra suivre ensuite les avancées de l’expédition.
Pourquoi avoir choisi Bordeaux ?
« C’est une ville ouverte sur le monde avec un rayonnement international et une politique environnementale qui nous permettent une bonne visibilité, répond l’entrepreneur suisse. On s’est bien trouvé avec Bordeaux. »
Race For Water Odyssey larguera les amarres ce dimanche 15 mars et devra réapparaître à l’horizon 300 jours plus tard pour regagner le Port de la Lune. D’ici là, bon vent.
Pour en savoir plus
- Le site de Race For Water
- Le site de la Maison éco-citoyenne
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