« Rue89 vous sortez ! Vous n’êtes pas un média démocrate ».
La sentence est sans appel. Et deux sbires du service de sécurité me poussent gentiment mais fermement vers la sortie. Je n’assisterai donc pas à la conférence de l’auteur du « Suicide français ». Derrière moi, la file des refoulés est longue : les près de 500 places que compte l’Athénée municipal ne suffiront pas à accueillir tous les fans de Zemmour et la tension monte quand certains tentent de se faufiler. Nerveux, la vingtaine de jeunes hommes venus assurer le service d’ordre haussent le ton. La salle est pleine, il faut sortir.
Pourtant quelques minutes auparavant, un homme se présentant comme un des organisateurs de la soirée tentait de faire admettre au personnel responsable de l’accueil de la salle municipale qu’il faudrait laisser rentrer tout le monde : « Ils se mettront debout ». Pas question, lui rétorque le fonctionnaire municipal.
« On ne savait même pas qu’il y aurait un service de sécurité spécial, on l’a su au dernier moment », explique ce dernier, visiblement échauffé par les manières de procédé des organisateurs.
L’extrême-droite derrière Zemmour
Des organisateurs, l’association Amitiés Françaises (également titre d’un livre de l’auteur nationaliste et antisémite Maurice Barrès), on ne saura d’ailleurs pas grand chose : non content de me mettre dehors, ils refusent de répondre à mes questions.
Quant au service de sécurité assuré par une vingtaine de jeunes hommes, impossible de savoir de qui il dépend :
« On est des bénévoles, on ne travaille pour personne, on nous a contacté par texto et par bouche à oreille », explique l’un d’eux avant de se faire rappeler à l’ordre et au silence par un autre.
L’atmosphère n’est pas à la discussion. Même Eric Zemmour, rencontré un peu plus tôt au bar du Mama Shelter où il sirote un verre en compagnie notamment de Jacques Colombier, patron du Front national girondin, avant de faire son entrée dans l’Athénée, préfère ne pas rentrer dans les détails : de l’association Amitiés Royalistes qui l’a convié, il prétend ne rien savoir.
« Demandez à mon attaché de presse. »
Selon Sud Ouest, l’association bordelaise Amitiés Françaises anime le site internet d’extrême droite Infos Bordeaux. Sur celui-ci, qui s’affirme « agence de presse indépendante », on peut lire à propos de la venue de Zemmour à Bordeaux, un entretien avec Bernard Pascaud, présenté comme « un des responsables d’Amitiés Françaises ». Il est aussi président de « Restauration nationale », qui se définit comme « centre de propagande royaliste et d’Action française ».
« Où est l’esprit du 11 janvier ? »
Et le public ? Dans la file d’attente, Antoine, la soixantaine, raconte qu’il est venu « avec une bande de copains, des royalistes, adynastiques ». Pour lui, Zemmour dresse un constat sur la société française tout à fait juste, même si son livre « est chiant ».
Pierre, la soixantaine également, est venu écouter Zemmour pour ses discours différents de ceux « faux culs et hypocrites distillés par la gauche ». Côté politique, il se place « à droite, bien à droite », parfois Sarkozy, parfois Front National.
Les jeunes, nombreux à grossir les rangs sont plus prudents : « Je n’ai pas lu son bouquin, mais son point de vue m’intéresse », explique un trentenaire. Un couple BCBG, la vingtaine, disent être venus en curieux : »Et puis il a raison quand même Zemmour, vous ne trouvez pas ? » Ils ne développeront pas davantage leurs propos.
Un autre s’offusque de la manif anti-zemmour qui se tient quelques mètres plus loin, place Jean-Moulin.
« Où est l’esprit du 11 janvier ? Où est le droit à la liberté d’expression ? », critique-t-il, bien que les manifestants n’aient pas prévu d’empêcher la tenue la conférence.
Philippe Poutou, leader du NPA qui avait appelé à manifester, s’explique :
« On ne pouvait pas laisser passer inaperçue cette venue, Zemmour est un concentré d’idées réactionnaires qu’il faut dénoncer, il y a comme un glissement qui s’opère, nous sommes là pour montrer le danger « .
Il y avait toutefois plus de monde dans l’Athénée qu’à Jean-Moulin.
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