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Bordeaux : ils mettent les prunes à l’amende

Les pruniculteurs français sortent de quatre années de crise. Échaudés, ils se méfient toujours de la « concurrence déloyale » de pruneaux venant du Chili et des Etats-Unis, et l’ont fait savoir aux responsables d’une grande surface bordelaise.

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Bordeaux : ils mettent les prunes à l’amende

Les pruniculteurs français dénoncent les pruneaux importés (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)
Les pruniculteurs français dénoncent les pruneaux importés (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)

« Regardez, ce kilo de pruneaux est à 3,90, quand les nôtres sont à 3,70 euros… les 500 grammes. » Penché dans un rayon de Carrefour à Lormont, Jean-Paul Ayres sort un paquet « Fruits secs gourmands » en promotion. A l’intérieur, des pruneaux « pas plus gros qu’une olive » qui viennent du Chili, indique l’emballage. Le massif pruniculteur est venu avec quelques collègues du Réolais. Ils dénoncent une concurrence qui serait mortifère pour la profession.

« On a passé quatre années très difficiles, raconte Emilien Dubernard, Lot-et-Garonnais aux 30 ha de vergers, on a eu 30% de pruniculteurs en moins. »

Il faut dire que la concurrence s’est montrée rude pour cet ancien directeur de porcherie industrielle, qui a repris l’exploitation de son père dans les années 1990. Depuis les années 2000, les pruneaux chiliens et californiens envahissent les magasins. Les prix dégringolent et emportent avec eux le moral des pruniculteurs français.

Massacre à la tronçonneuse

Dépité, Loic Pellerin démarre sa tronçonneuse dans son verger, installé sur la petite commune girondine de Dieulvole à la frontière avec le Lot-et-Garonne et « arrache plusieurs de [ses] arbres ».

Les pruneaux Chiliens sont deux fois moins cher que les Français. (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)
Les pruneaux chiliens sont deux fois moins cher que les français. (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)

Pourtant, le label IGP (Indication géographique protégée) les défend en partie. La mention « Pruneaux d’Agen » doit remplir un cahier des charges bien précis, par exemple les « prunes d’Ente » qui deviendront les pruneaux se doivent être des fruits parfaits, entiers et charnus. Elle doivent en plus avoir été produites et séchées dans le Lot-et-Garonne (87 % de la production) et dans les département frontaliers. Mais Emilien Dubernard se souvient :

« En 2012, à Lidl à la Réole, ils avaient fait des copies conformes qui venaient du Chili et ils jouaient sur les mots en les appelant « pruneaux, dattes d’Agen ». Des choses comme ça donnent de l’urticaire. C’est une concurrence déloyale sur les prix, sur le social et sur les conditions d’hygiène. »

Plus récemment, début juin, ils dénonçaient aussi des pruneaux californiens trouvés à l’Intermarché de Bergerac en Dordogne.

La prime à la prune

La Politique Agricole Commune a aussi perturbé l’économie des producteurs, expliquent-ils. Le passage d’une prime au kilo à une prime à l’hectare a fini par décourager même les plus vaillants, selon Emilien Dubernard :

« Ceux qui ne cultivaient pas gagnaient presque autant que celui qui travaillaient bien son verger. Dans le même temps, le prix de vente était devenu inférieur au prix de revient. C’est pour ça que les gens ont arrêté de travailler et ont juste pris la prime. »

Les pruneaux Chiliens "gros comme des olives" (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)
Les pruneaux chiliens « pas plus gros qu’une olive » (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)

Désormais, les affaires repartent. La concurrence s’est affaiblie. En Californie, 8000 hectares ont été arrachés à cause notamment des sécheresses. Au Chili, la main d’œuvre lassée de gagner des prunes a déserté les vergers pour les mines.

« Pas question de revoir du pruneau d’import »

En France, les prix sont repartis à la hausse passant de 1,18 euros le kilo en 2013 à 1,80 euros en 2014. Cette année, le kilo pourrait valoir 2 euros.

« Ce n’est pas de l’or noir mais c’est rentable, se rassure le Lot-et-Garonnais, mais il n’est pas question de revoir du pruneau d’import ! »

Lui, comme ses collègues, a recourt à la polyculture pour vivre. L’élevage, les céréales et les vergers se combinent dans un équilibre qui reste toujours fragile.

Ce mardi, les producteurs ont rencontré la direction du Carrefour Lormont :

« Ils ont été compréhensifs et à l’écoute, raconte Jean-Paul Ayres. Ils nous disent que ça vient d’une centrale, que c’est à l’occasion du ramadan. Ils vont faire remonter l’info. »

Les pruniculteurs sont repartis, mais Emilien Dubernard prévient : « Si jeudi les pruneaux sont toujours là, on reviendra faire une action, toujours pacifique… Un parking ça se bloque facilement… »


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