« Habitant du quartier pendant 6 ans, j’ai d’abord eu un coup de cœur pour ce bâtiment magnifique et totalement désaffecté. C’est comme ça que je me suis rapproché de l’association la Halle des Douves, créée en 2008 pour réhabiliter le marché », raconte François Poujardieu, de la compagnie de théâtre Prologue.
Celle-ci est l’une des 70 associations (dont l’Epicerie Solidaire, les Amis de Bordeaux Sud, Promo-Femmes…) fédérées par la Halle pour donner une deuxième vie à la bâtisse d’inspiration Baltard, ouverte en 1886, et situé à deux pas du marché des Capucins.
Sous leur impulsion, la Ville, propriétaire du marché, a lancé fin 2012 des travaux de rénovation, confiés à l’architecte bordelais Julien Jouglet, et d’un montant de 4,5 millions d’euros.
Le chantier est aujourd’hui quasiment achevé. Tandis que des menuisiers peaufinent les derniers détail et commencent à installer le mobilier, Kirten Lecoq, coordinatrice de l’association la Halle des Douves, nous fait visiter.
Plus d’effet cathédrale
Les portes en fer forgé franchies, une « boite dans la boite », toute de verre et de bois, se dresse entre les colonnes du marché. Ce parti pris n’avait pas fait l’unanimité – certains auraient préféré laisser libre le vaste espace sous plafond.
« Fallait il garder l’effet cathédrale pour la scène et aménager les bureaux autour des coursives ? Finalement on s’est rendu compte que pour vivre ensemble, cela risquait d’être difficile, les petites associations de théâtre n’auraient par exemple pas envie de répéter au milieu de tous les autres. On pense que l’option choisi permettra plus de cohabitation et d’échange », assure Kirten Lecoq.
On accède donc au cube depuis les coursives baignées de lumière. Le rez de chaussée abritera un espace multimédia et un café associatif. Le premier étage, des bureaux et des salles de réunion mis à la disposition des associations du quartier – même si la Halle des Douves sera a priori la seule domiciliée sur place -, dans un coin de Bordeaux où celles-ci sont très nombreuses et manquent de tels espaces.
Le deuxième étage, sous le toit du marché, sera un espace scénique de 200 places, avec vue sur les remparts du XVe siècle et la flèche de Saint-Michel. A défaut de cathédrale, c’est aérien…
« La halle a été réhabilitée de manière intéressante, dans le respect de son architecture, tout en offrant suffisamment de lieux différents pour être la plus polyvalente possible, et le plus ouvert aux associations et aux habitants », estime François Poujardieu.
Ouverture en septembre
L’homme de théâtre planche depuis longtemps sur des récits de vie des habitants de ce quartier très multiculturel, et dont beaucoup sont passés par le maraîchage. « Pour que ce marché soit aussi un commerce d’histoires, et d’échanges. On mettra en scène ces témoignages, mais il faut que le lieu soit ouvert pour que ces choses s’épanouissent ».
Après un concert de l’Institut tibétain des arts du spectacle le 24 juillet, le Marché des Douves devraient être ouvert mi septembre au public (les jours et les heures ne sont pas encore arrêtées). Deux agents municipaux seront affectés à l’accueil, la sécurité et l’entretien du lieu.
L’animation devrait en revanche être du ressort de l’association La Halle des Douves, associée aux décisions au sein d’un conseil de maison bipartite – Ville et association. Une convention d’objectifs et de moyens a été adoptée ce mercredi en conseil municipal, assortie d’une subvention de 27000 euros pour la Halle des Douves, en complément des 23000 déjà versés.
Moindre mal
« La mairie aura une voix prépondérante, et le dernier mot lui revient, mais c’est un moindre mal, considère Kirten Lecocq. Nous proposions au départ une gouvernance partagée du Marché, par exemple au travers d’une scic (société coopérative d’intérêt collectif). Si la Ville n’a jamais accepté l’idée d’une cogestion, elle était plutôt ouverte à l’innovation. Mais elle nous a proposé en mai dernier un projet de convention qui n’avait rien à voir avec ce sur quoi nous travaillions : les Douves devenait une salle municipale comme l’Athénée, et nous n’avions plus qu’un rôle consultatif. Lors d’un entretien avec le maire il y a quelques semaines, Alain Juppé a toutefois dit rester ouvert à un schéma de gouvernance innovant. Ce n’est pas encore vraiment le cas, mais cela va toutefois nous permettre de mettre en place notre système d’échange local. »
Un SEL, des Capus
La Halle des Douves espère en effet voir fleurir des projets mutualisés grâce notamment à un guichet d’échange de services fondé sur une monnaie locale, le Capu.
« Ce sera un outil pour favoriser le faire ensemble, explique Kirten Lecoq. On s’est en effet rendu compte que les associations pouvaient être assez individualistes dans leur fonctionnement, et qu’il faut insuffler la rencontre et l’échange. Le bâtiment va nous servir de levier : si l’accès aux salles sera gratuit pour les associations du quartier, les autres devront s’affranchir d’un Capu, c’est à dire d’une heure de leur temps pour partager leurs compétences ou créditer un projet collectif. »
L’expérience est sans équivalent en France. La Halle des Douves espère qu’elle sera fructueuse, histoire de ne pas perdre de crédit du côté du Palais Rohan, ou risquer de finir aux oubliettes.
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