Derrière les panneaux, il y a des hommes
Joseph Incardona
Éditions Finitude. 288 pages. 22 €
Inclassable, le dernier roman de Joseph Incardona est une œuvre d’une puissance rare. Empruntant aux codes du polar, du roman noir comme de la tragédie et de la critique sociale, l’auteur suisse compose un huis-clos déroutant.
Sur une aire d’autoroute, un homme campe dans sa voiture : Pierre était médecin légiste mais depuis que sa fille s’est volatilisée, près de la station-service, il attend. Quand survient une nouvelle disparition d’enfant…
De cette histoire d’enlèvement, de traque et de tueur, Joseph Incardona parvient à tresser un récit oppressant et sans concession, où des personnages sans fard, d’une sombre et triste profondeur, évoluent dans un décor de bitume aussi déshumanisé que leur souffrance est humaine. Porté par une plume affûtée, visuelle et rythmique, « Derrière les panneaux, il y a des hommes », est un roman résolument contemporain, aussi beau que cinglant. A découvrir chez l’excellente maison bordelaise Finitude.
Aline Chambras
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Au pays du cerf blanc
Chen Zongshi, Li Zhiwu
Editions de la Cerise. Deux tomes de 400 et 424 pages. 29 € chacun
De la chute de l’Empire mandchou en 1911, à la victoire de Mao en 1949, la Chine connaît une période de troubles et de réformes ébranlant la société traditionnelle. « Au pays du Cerf blanc » conte l’histoire de deux familles d’un village du Shaanxi, dont les membres doivent choisir leur camps – nationaliste, communiste, brigands… –, et composer entre attraits de la liberté – en finir avec les mariages forcés… – et respect des ancêtres.
Roman foisonnant de Chen Zhongshi paru en 1993 (20 ans plus tard en France), sa magistrale adaptation graphique par Li Zhiwu renouvelle le genre des lianhuanhua. Cette sorte de BD chinoise, composée d’une image et d’un court texte par page, a été popularisée après la révolution comme outil de divertissement, de propagande et d’apprentissage de la lecture. Les dessins à l’encre, tableaux en plans large, souvent en contre plongée, donnent plus de chair encore à la saga, qui ose parler de sexe, se moquer des potentats locaux et dénoncer les purges de tous bords. Une œuvre au long cours, un superbe objet et un nouveau pari audacieux pour les éditions de la Cerise, petite maison bordelaise indépendante bien connue des bédéphiles.
Simon Barthélémy
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Le guide du PAF (Père Au Foyer)
Martial Maury
Editions Grancher. 158 pages. 17 €
Depuis onze ans, ce père de trois enfants, marié à une enseignante, et vivant à Saint-Cristoly–de-Blaye (33), s’occupe de leurs trois fils. Dans un guide truculent, il livre ses conseils et astuces de père au foyer en charge des travaux domestiques : repas, récupération des enfants à l’école, leur conduite à leurs activités extrascolaires, le ménage, le linge et, le soir, les devoirs et les leçons… Des activités pas toutes intellectuellement gratifiantes, mais au moins, explique-t-il avec beaucoup d’autodérision -, il aura vu ses fils grandir et réussir !
Si sa femme et ses enfants apprécient la situation, Martial a dû essuyer quelques critiques de l’entourage plus ou moins proches sur leur famille atypique. Le « PAF » raconte d’ailleurs être confronté à un double ostracisme : celui de la société du travail et celui de la société des femmes au foyer qui se révoltent qu’il soit érigé en héros.
Heureusement, cette répartition des tâches n’a pas d’incidences sur la vie sexuelle du couple Maury, confie-t-il dans un chapitre consacré au sujet. Un guide pratique pour préparer la rentrée du bon pied.
Florence Heimburger
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La Peine d’être vécue
Priscille Deborah, avec Julia Pavlowitch-Beck
Editions Les Arènes. 288 pages. 17 €
Mère d’une petite Zoé, mariée à un homme attentionné et assistante de production cinématographique à Paris, Priscille Deborah a tout pour être heureuse. Mais, meurtrie à l’âge de 12 ans par le décès de son frère âgé de 9 ans, atteint de mucoviscidose, elle sombre dans la dépression. Elle se rend compte que le lien avec sa fille ne s’est pas créé, qu’elle était loin de ses rêves initiaux : devenir peintre, métier que son père a toujours refusé qu’elle exerce… Priscille tente de mettre fin à ses jours en 2006 en se jetant sous le métro.
Rescapée, elle est amputée de ses deux jambes et d’un bras. Encadrée par les soignants et grâce à l’art de la peinture, elle a repris goût à la vie. Elle s’est mise à la natation en club. En participant aux Championnats de France de natation Handisport, en 2010, elle rencontre Fred, paraplégique. Il devient son nouveau compagnon, ils emménagent près de l’océan et ont un enfant ensemble. Et depuis 2007, elle expose ses toiles en France et à l’étranger. Aujourd’hui, Priscille a décidé de raconter son histoire dans un poignant témoignage pour transmettre ce message : oui, la vie vaut la peine d’être vécue !
F.H.
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