A partir du 1er octobre, l’inscription à la Bibliothèque municipale de Bordeaux sera totalement gratuite. La Ville espère augmenter ainsi la fréquentation et poursuivre le rapprochement avec les bibliothèques de la métropole. En attendant la création de nouveaux établissement, et peut-être l’élargissement des horaires.
Si les 10 bibliothèques bordelaises s’attirent chaque année 700000 visites, seulement 35000 personnes y sont inscrites, dont la moitié qui payent leur abonnement. Les moins de 18 ans, les chômeurs et les bénéficiaires de minimas sociaux, bénéficient de la gratuité de l’inscription, qui permet d’emporter chez soi livres, disques ou DVD. A partir du 1er octobre 2015, la gratuité s’étendra à tous les usagers, quel que soient leur situation, leur âge et leur lieu de résidence. Ainsi en a décidé le conseil municipal ce lundi, en adoptant une délibération de Fabien Robert.
« Trois arguments nous ont convaincu, explique l’adjoint au maire en charge de la culture. D’abord, à 12,50 euros l’inscription pour les Bordelais de 12 à 65 ans (et 38 euros pour les non résidents), la barrière tarifaire restait trop importante pour attirer davantage de public. On observe d’ailleurs une augmentation de 15 à 30% du nombre d’inscrits dans les villes qui l’ont fait, comme Le Bouscat et Pessac. Ensuite, après avoir déployé le portail des médiathèques de la métropole, nous ne perdons pas de vue l’objectif politique de faire circuler les livres entre nos communes. Or les différences de tarifs constituent un obstacle majeur. Enfin, la recette collectée est modeste au regard des sommes nécessaires. »
La gratuité coûte 40000 euros
Les abonnements ont en effet rapporté 120000 euros en 2014, pour un coût de collecte des droits d’inscription estimé de 80000 euros, « essentiellement en temps humain ». In fine, le prix de la gratuité totale n’est donc que de 40000 euros.
Ce lundi au Palais Rohan, les groupes socialiste et écologiste ont approuvé cette décision. L’élu PS Matthieu Rouveyre a toutefois souligné « qu’on pourrait appliquer cet argument [de la barrière tarifaire] aux musées, et imaginer que leur entrée devenue payante est aussi un obstacle à leur fréquentation ».
Un argument démenti par les chiffres, lui a répondu Fabien Robert, qui souligne que malgré la fin de la gratuité des musées à l’été 2014, les établissements bordelais on « battu tous les records » de fréquentation l’an dernier, avec une tendance toujours positive en 2015, selon lui.
« Même dans les expositions permanentes, la création artistique a un prix qu’il est légitime de faire payer, justifie l’adjoint d’Alain Juppé à Rue89 Bordeaux. La lecture, c’est différent, on est plus dans le registre de la diffusion. »
« Lieux de vie et de convivialité »
La Ville a par ailleurs fait adopter un « schéma directeur de la lecture publique et de la politique du livre 2015-2020 », qui comprend 29 engagements. Côté bibliothèques, ceux-ci prévoient la densification du réseau, avec l’ouverture en 2018 de celle de Caudéran (1300 m2, ce sera la plus grande de la Ville après celle de Mériadeck), la multiplication des bibliothèques éphémères, et l’agrandissement à venir des établissements de Bacalan et du Jardin Public.
Et pour « donner envie de lecture à tous », la municipalité veut faire des bibliothèques des « lieux de vie, de rencontre de convivialité », à l’image de la cafétéria de Mériadeck ouverte récemment, et accessible depuis l’intérieur et l’extérieur. Elle compte aussi enrichir la bibliothèque virtuelle avec la mise en ligne de richesses patrimoniales, dont « l’exemplaire de Bordeaux » des « Essais » de Montaigne.
Enfin, la Ville annonce le lancement prochain d’une étude en vue d’un élargissement des horaires de certains de ces établissements, par exemple les dimanches. Aujourd’hui, la bibliothèque de Mériadeck est celle qui a les plages les plus importantes, en étant ouverte 47 heures dans la semaine. Loin par exemple des 62 heures de la Bibliothèque publique d’information (BPI) du Centre Georges Pompidou, à Paris, qui ferme à 22 heures le soir, offrant un espace de travail aux étudiants.
"Monsieur le Maire, chers collègues,
Nous nous félicitons du caractère très volontariste de votre adjoint à la culture, qui cherche (enfin, après moultes années de vaches maigres !) à mettre un peu d’ordre et à structurer un minimum la politique culturelle de notre ville. Avec le document d’orientation culturelle dont nous attendons avec impatience la formalisation suite au débat que nous avions eu en conseil municipal il y a déjà un an, le schéma directeur de la lecture publique concoure à cette volonté de structuration.
Ceci étant dit, nous avons plusieurs remarques de fond à apporter à ce schéma.
Concernant le maillage : que vous qualifiez de dense. Nous regrettons de ne pas avoir eu dans ce schéma la liste et un plan de l’ensemble du réseau, mais sauf erreur de notre part, nous constatons qu’il y a actuellement à Bordeaux outre la médiathèque centrale et la bibliothèque mobile, 8 bibliothèques de quartier puisque Tauzin a été transformée en point relais et que Caudéran n’ouvrira qu’en 2018. Certes nous approuvons l’idée des bibliothèques éphémères, mais nous ne pouvons acquiescer quand vous affirmez que le maillage est dense, il n’est pas plus dense qu’il y a quelques années.
Nous rappelons que pendant que Bordeaux stagne à 8 (et bientôt 9) bibliothèques de quartier, Rennes et Montpellier en comptent 11.
Concernant les horaires et les jours d’ouverture, nous rappelons que certes Bordeaux se situe au-dessus de la moyenne des équipements pour les villes de plus de 100 000 habitants (qui est 40 heures hebdomadaires), mais que cela cache une grande disparité sur les autres bibliothèques de Bordeaux. C’est ainsi qu’on compte seulement 29h30 d’ouverture moyenne pour les 8 autres bibliothèques de quartier. Ce point souligne le manque de personnel disponible pour assurer l’accueil du public et des scolaires.
Ainsi, alors que le public scolaire devrait être privilégié par la ville, dans la mesure où les enseignants sont les vecteurs tout naturels du livre auprès du jeune public, on s'aperçoit que depuis la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires et l'utilisation dans le cadre des TAP des créneaux de bibliothèque par les associations, on assiste à une réduction des plages horaires pour les élèves scolarisés, alors que les places étaient déjà chèrement distribuées. Ainsi, la régularité des visites sur les bibliothèques se voit compromise. Une classe ne peut aller à la bibliothèque centrale Mériadeck par exemple qu'une fois par trimestre, au lieu de tous les deux mois avant la réforme, ce qui n'était pas déjà terrible. Vous conviendrez que pour une ville qui veut « donner l’envie de lecture à tous » et toucher 75% des élèves bordelais (pourquoi pas 100% au demeurant ?)... il y a encore des améliorations à apporter.
Concernant la gratuité, celle-ci a un coût que vous évaluez à 40 000 € mais aura aussi un coût en terme de recrutement d’agents si le public vient à se développer. C’est un vrai débat que nous avons eu entre nous, et au vu des arguments pour et contre que nous avons trouvé, nous penchons plutôt pour, si toutefois la qualité du service ne s’en trouve pas diminuée et que les horaires d’ouverture s’élargissent, au-delà de 19h et le dimanche, comme c’est déjà le cas dans 7 des 38 bibliothèques de villes de + de 100 000 habitants étudiées par le ministère de la culture en novembre 2012.
Bien-sûr la politique du livre ne se résume pas à la lecture publique et nous sommes comme vous fiers que Bordeaux accueille près de 123 éditeurs et 173 auteurs d’après un recensement régional repris dans le magazine Télérama de cette semaine. Ou la présence de librairies indépendantes dynamiques, la raison d’être de ce vivier bordelais viendrait, d’après le journaliste, du fait que Bordeaux soit une ville « de bourgeoisie cultivée » (je cite), où il y a une offre de formation avec le pôle des métiers du livre de l’université Bordeaux-Montaigne et des institutions régionales « efficaces » qui ont « beaucoup soutenu » les maisons d’éditions, et la proximité avec Angoulême en ce qui concerne le monde de la BD. Et le journaliste de conclure « les actions de la région Aquitaine ont joué la balance et la ville les a conquis ».
Souhaitons avec ce schéma que la ville de Bordeaux continue de conquérir ce secteur culturel très vivant et qui nécessite son soutien. "