Quand restreindra-t-on, enfin, l’usage de la vidéo ? Les premiers matches de la coupe du monde de rugby ont illustré, une fois de plus, la pathétique soumission de l’arbitrage à l’image. Les arbitres de touche ne sont plus que des fantômes ; ils n’ont pour unique occupation que de faire des va-et-vient le long de la ligne de touche. Jamais, ou si rarement, ils n’assument leurs responsabilités. L’image pousse à une démission de l’humain.
Un mot sur TF1. Quelle plaie de voir ces publicités juste avant le coup d’envoi. Comme si le marché voulait à tout prix nous rappeler ce que le rugby professionnel lui doit. L’on a droit à Bernie (Bernard Laporte) qui, décidément joue sur toutes les palettes et à l’inénarrable Thierry Lacroix, ponctuant de ses « Hé bé » la plupart de ses phrases. Madame Vallaud-Belkacem a raison de réintroduire les fondamentaux de notre langue dès le primaire.
Un début sous de bien mauvais auspices
Du match d’ouverture entre l’Angleterre et les Fidji, au-delà du succès anglais, on retiendra surtout le mépris du public de la nation organisatrice pour ses hôtes fidjiens.
Triste public anglais recouvrant de son « Swing low, sweet charriot » le Cibi fidjien (voir vidéo ci-dessous) ; un manque de respect, une arrogance déplacée. On peut être chez soi et savoir accueillir ses invités en les laissant décliner leur identité. Lorsque l’on connaît l’origine de ce chant, on ne peut être que sévère envers une telle attitude (voir encadré).
Vendredi soir, il ne fut que mépris. Ainsi, un ancien pays colonial a-t-il utilisé un chant de libération d’esclaves noirs pour étouffer le Cibi de ses anciens « protégés ». L’histoire offre décidément de singuliers retournements ! La coupe du monde a débuté sous de bien mauvais auspices.
Les Anglais ont gagné sans convaincre avec un rugby maigrichon. Ils ne se sont vraiment libérés qu’à la fin. Ils ont glané un point de bonus offensif. Pas notre respect. Quant aux fidjiens, où est passée leur insolence ? Si avoir une meilleure mêlée justifie que l’on perde son âme ! Toutes choses que l’équipe de France mériterait de méditer.
Les première surprises
Puis vint la divine surprise, la victoire du Japon sur l’Afrique du Sud. Un jeu vif et inspiré a eu raison de la force. La leçon est venue de là où on ne l’attendait pas. Plaisir de voir les hommes du soleil levant gratifier le public de leur salut traditionnel.
Auparavant les Géorgiens avaient damné le pion aux Tongiens avec un demi-de-mêlée de 18 ans. Une autre surprise. Peut-être moins inattendue lorsque l’on sait la valeur des avants de ce pays du Caucase. Pour la petite histoire, signalons que l’emblème de la Géorgie est le lelo. C’est un ancien jeu de polo, féroce et brutal. En Géorgie, on ne dit pas rugby mais lelo.
Les victoire de l’Irlande contre le Canada, des Gallois contre l’Uruguay, des Samoans contre les Etats-Unis ne souffraient pas de contestation.
Des essais de piliers pour faire chanter le coq
Quant au Quinze de France, il a réussi une entame sérieuse sous la baguette de Monsieur Joubert qui fut moins aveugle que lors de la finale de 2011. On vit peu nos trois-quarts, toujours aussi inhibés. La palme revenant, sans conteste, à Alexandre Dumoulin, dont on se demande encore ce qu’il vient faire ici. L’avenir, on l’espère, nous démentira.
Les Avants firent la besogne. Et c’est par deux essais de pilier que le coq assomma une pâle Italie. Celui de Slimani devant beaucoup à une inspiration géniale de Frédéric Michalak. La blessure de Huget nous fit mal au cœur quant la prestation de Picamoles nous le réchauffait.
Les Bleus ont déjà un pied en quart de finale. L’issue de la rencontre contre les Irlandais, dans un mois, décidera de leur adversaire : les Blacks ou l’Argentine. A moins que les Canadiens ou les Roumains ne nous fassent un sale tour. Mais n’est pas le Japon qui veut.
Des Blacks à la peine
Dimanche, lors du choc entre les Pumas et les Blacks, on a vu longtemps les Blacks bafouiller leur rugby sous la pression d’une équipe d’Argentine jouant juste et bien, défendant becs et ongles son territoire. Elle ne céda que dans les vingt dernières minutes. Loué soit Mister Barnes d’avoir sanctionné d’un carton jaune, l’avant le plus tricheur de ses quinze dernières années, je veux parler, bien sûr, de Richie Mac Caw. Un peu de justice, à défaut de renverser l’ordre établi, le ramène à de plus justes proportions.
Se dresse devant nous un aguichant Australie-Fidji et un non moins appétissant Ecosse-Japon. Du mouvement, encore du mouvement. On ne nous en voudra pas de croire naïvement à un exploit des hommes des îles contre les Wallabies. Le Cibi a peu de chances, cette fois-ci, d’être recouvert par ce « Swing low, swing charriot » qui, désormais, grince à nos oreilles.
Il y a comme un parfum de surprise dans cette coupe du monde. L’on veut croire qu’il ne se démentira pas. L’ancien seconde ligne de L’Isle-sur-la-Sorgue, René Char, écrivait justement : « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience. »
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