A l’école maternelle Joséphine, la rentrée a comme un fort goût d’improvisation. Pour faire face à la vingtaine de nouveaux enfants inscrits, la mairie a fait installer dans la cour, en catastrophe, le 31 août, un Algeco de 130 m2. Objectif : pallier le remaniement général de l’école consécutif au sur-effectif et accueillir la classe de grande section et la bibliothèque. De son côté, l’académie a décidé d’ouvrir une classe supplémentaire… la veille de la rentrée, à 19h. Une classe dévolue aux petites sections.
« La première semaine, c’est un instituteur remplaçant qui a assuré la rentrée, l’enseignant titulaire n’a commencé que le 9 septembre, témoigne une mère d’élève, qui préfère garder l’anonymat, pour des petits, comme première rentrée, c’est compliqué ! »
Elle avoue s’inquiéter en outre du manque de places à la cantine de l’école :
« La salle de restauration ne peut accueillir que 48 enfants, or ils sont une soixantaine si l’on compte les trois petites sections : comment on fait s’ils mangent tous ? »
Pour l’instant, comme elle le raconte, les parents s’organisent pour éviter de laisser leur enfant à la cantine…
Préfabriqué
Quant à l’Algeco (à la mairie, l’adjointe à l’éducation, Emmanuelle Cuny, préfère employer le terme de « modulaire », qui sonne moins « cabane de chantier »), bien qu’installé le 31 août, il n’a été vraiment opérationnel que le 3 septembre : les enfants de la grande section ont donc passé leurs deux premiers jours d’école dans la salle de motricité. Et une fois le « modulaire » prêt à les accueillir, ils ont du se satisfaire des 16 degrés observés le matin dans la classe.
Depuis la mairie a fait installé un chauffage qu’un agent de service allume dès 7h30 pour assurer une température convenable à 8h30. Reste à régler les problèmes de climatisation en prévision des périodes de forte chaleur et la question de l’isolation phonique. Dans un préfabriqué, la pluie se fait bien entendre… Enfin, la structure devra être sécurisée : surélevée, des enfants pourraient se coincer dessous.
Du provisoire qui risque de durer
Quelques mètres plus loin, l’école élémentaire Dupaty connaît également remous et ajustements de dernière minute. Là aussi, un poste a dû être ouvert pour faire face aux effectifs en hausse. Mais l’enseignant est arrivé après la rentrée. En l’attendant, les élèves ont été dispatchés dans d’autres classes. Et il ne s’agit que d’un instituteur remplaçant : l’enseignant titulaire, quant à lui, devait arriver d’ici cette fin de semaine.
Pourtant, dès le mois de mai dernier, les parents d’élèves et les personnels enseignants tiraient la sonnette d’alarme.
« Ce quartier connaît une urbanisation intense (avec la construction de nombreux logements autour des Bassins à flots, NDLR) mais chacun peut constater que les infrastructures ne suivent pas, explique une mère d’élève. D’autant que le projet d’école initialement prévue par la mairie pour faire face à l’afflux de nouveaux enfants rue de la Faïencerie est au point mort pour cause de pollution des sols : rien d’étonnant à ce que les écoles ne parviennent plus à accueillir tous les enfants. Pour l’instant, on ne nous répond que par des solutions provisoires. Mais j’ai bien peur que ce ne soit du provisoire qui dure ».
Une des représentantes des parents d’élèves ajoute :
« On a rencontré la mairie et le rectorat dès mai, mais ils ont refusé de se prononcer sur une ouverture de classe en juin. Ils nous ont mené en bateau en nous conviant à plusieurs réunions qui n’ont abouti à rien. »
Pourtant, du côté de la mairie comme du rectorat, on parle de concertation et on réfute tout manque d’anticipation : « Pas d’inquiétude, tout va bien », assure Emmanuelle Cuny, l’adjointe à l’éducation.
« La rentrée a été sereine, la préparation anticipée, soutient de son côté François Coux, le directeur des services départementaux de l’Éducation nationale. On a trouvé un équilibre entre le besoin des territoires et ce qu’il était possible de faire. Si on anticipe trop, le risque est qu’il n’y ait en fait pas assez d’élèves : il faut dépasser le côté consommateur. »
12000 nouveaux habitants attendus
D’ici 2030, ce sont ainsi 12 000 nouveaux habitants qui sont attendus dans ce quartier des Bassins à flot. Selon Corinne Guillemot, présidente du conseil local FCPE (la principale l’association de parents d’élèves), par ailleurs élue PS au conseil départemental, 5000 nouveaux foyers seraient déjà installés.
S’il est, bien sûr, impossible de déterminer combien de nouveaux enfants en âge d’être scolarisés viendront s’installer dans ces nouveaux logements, il est certain que les groupes scolaires (cinq écoles maternelles et quatre élémentaires) dont disposent aujourd’hui le quartier ne suffiront pas.
D’autant que dans le quartier de Bacalan, de l’autre côté des Bassins à flot, où là aussi les logements sortent de terre les uns après les autres, les directeurs des groupes scolaires avouent être « au taquet ».
« Les écoles des quartiers de Bordeaux-Nord et des Bassins à flot sont en situation d’urgence scolaire, lâche Vincent Maurin, directeur du groupe scolaire Charles-Martin (école maternelle et élémentaire) et délégué du syndicat SNUIPP-FSU. Fin juin, il y a eu une réunion entre les 30 enseignants des écoles de Bordeaux-Nord et les parents d’élèves ; la mairie et la DSDEN (Direction des services départementaux de l’Éducation nationale de la Gironde) ont été alertées : on leur a dit que la rentrée serait compliquée, notamment en raison du report des projets d’écoles sur le quartier. La DSDEN a alors organisé une nouvelle réunion avec les enseignants, les parents d’élèves et la mairie et annoncé l’arrivée de 4 enseignants surnuméraires sur les écoles du quartier. »
50 postes demandés en urgence
Malgré cela, la rentrée est très tendue en termes d’effectifs .
« Les écoles Achard et Charles-Martin sont quasiment à effectifs complets, à 5-6 élèves près, poursuit Vincent Maurin. À Charles-Martin, nous avons cette année 122 élèves, pour une capacité d’accueil maximale de 125 en maternelle. En élémentaire, on atteint 172 élèves pour 175 places. On atteint les 25 élèves par classes, alors que nous sommes classés en REP+ (ex-ZEP, zone d’éducation prioritaire, NDLR) : nos effectifs sont supérieurs à certaines écoles du centre-ville ! Ce qui fait que la marge pour accueillir de nouveaux élèves est aujourd’hui très étroite. En vérité, les élèves dont les parents vont venir, dans les prochaines semaines ou les prochains mois, habiter dans les nouveaux logements des Bassins à flot ou de la rue Lucien Faure ne pourront être scolarisés dans les écoles de Bacalan. Les écoles sont saturées. »
Selon le syndicat SNUIPP-FSU du département, les questions se posent depuis un moment, étant donné l’extension du secteur des Bassins à flot :
« On alerte depuis juin sur la nécessité d’ouvrir des classes. Mais il n’y a pas eu d’anticipation. De toute façon en Gironde, on est en dessous du taux national pour le nombre de profs par élèves depuis plusieurs années : pour cette rentrée 2015, il manque une quinzaine d’instits dans le département. On demande 50 postes en urgence. En vain ! »
Nouvelle école
A la mairie, on annonce l’installation d’une école modulaire (3 à 5 classes) dans le quartier de Bordeaux-Nord, pour la rentrée 2016. Mais la localisation précise n’est pas connue. Et toujours rien de prévu en matière de « vraie école »… Ce qui ne rassure ni les parents d’élèves, ni le corps enseignant.
« Si de nouveaux élèves arrivent, la mairie, en accord avec l’inspection académique, pourrait nous contraindre à en accueillir plus de 25 par classes. Or nous sommes en REP+ », s’inquiète Yves Jouanard, directeur du groupe scolaire Achard et syndiqué SNUIPP-FSU.
Déjà, son école censée accueillir les enfants dès 3 ans (c’est une des missions des REP+, NDLR) ne peut le faire faute de place. Un flux tendu que l’arrivée de 5000 nouveaux foyers aux Bassins à flots ne devrait pas améliorer.
« Il va bien falloir s’occuper tôt ou tard des nouveaux arrivants : où seront envoyés ces nouveaux élèves ? Les écoles de Bordeaux-Nord ont atteint leur limite et ça risque de nous péter à la figure », prévient Corinne Guillemot, de la FCPE.
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