« J’ose à peine y croire/Y’a plus que les fachos pour avoir de l’espoir/La révolution, c’est plus comme avant/avant t’avais le noir et le blanc/et maintenant t’as plus que du gris partout/on a pas vraiment avancé beaucoup ».
Ainsi chantaient les Frères Misère il y a 20 ans. Autant dire que les textes de Mano Solo, qu’ils parlent de politique, d’amour ou de mort, survivent à la disparition prématurée du chanteur, en 2010. Mais le souvenir du fils de Cabu tend à s’estomper dans le grand public…
« Pourtant, c’est un grand de la chanson française, mais il a été maltraité par les médias de masse, qui l’ont catalogué comme “chanteur du sida”, et donc injustement méconnu d’une grande partie de la population, estime Jojo Gallardo, l’accordéoniste des Hurlements d’Léo. Mais ce qu’il racontait dépassait allait bien au delà de sa maladie. Tout ce qu’il racontait sur l’extrême droite, la vie dans la rue, les gitans et autres parias de la société… s’est empiré depuis. »
Reprises
Depuis deux ans, avec l’appui de Fatiha, la manageuse de Mano Solo, et l’alter ego de l’artiste, Napo Romero le groupe girondin fait revivre sur scène le répertoire de Mano Solo, auquel il affirme devoir beaucoup :
« Les Hurlements sont nés en 1996 et parmi nos premières chansons, il y avait des reprises des VRP et de Mano Solo, racontait en janvier dernier à Sud-Ouest Laurent Kebous, chanteur et guitariste du groupe. Quand il est arrivé dans le paysage musical français avec son premier album “La Marmaille nue”, il nous a émus avec sa façon urgente d’écrire. Et ils nous a vraiment donné envie de donner vie à notre premier album. »
La liberté ou la mort
HDL et Mano Solo se sont même croisés à Vitrolles, en 1998, lors d’un concert de soutien au Sous-Marin, le café-concert fermé par la mairie FN. Une soirée à laquelle participait aussi Noir Désir. Bertrand Cantat est aujourd’hui au générique de l’album de reprises de Mano Solo, conçu par les Hurlements avec 17 « guest stars ». Et dont l’enregistrement a commencé le 8 janvier dernier, lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo, et de la mort de Cabu…
« Quand on est entré en studio, le premier morceau qu’on a chanté, c’est “La liberté” – “J’ai joué avec le soleil qui m’a cramé les ailes” », se souvient Jojo.
On retrouve sur le disque les compagnons de route des Hurlements, comme Les Ogres de Barback ou El Comunero, mais aussi de grandes figures de la scène française, comme Nilda Fernandez (superbe interprétation rock d’ « Allo Paris »), Francesca Solleville ou Zebda, et des p’tits jeunes.
« Les Zebda ne connaissaient pas plus que ça Mano Solo, poursuit Jojo Gallardo. Mais lorsque la copine d’Hakim leur a fait écouter “Les habitants du feu rouge” ils ont dit n’avoir jamais entendu parler comme ça des SDF. Une fois en studio, on a tout de suite voulu la jouer en reggae. »
« 100% sans Enfoiré »
Ce disque magnifique enchaîne ainsi les rencontres entre un auteur et des artistes qui, sans chercher à imiter Mano, parviennent à incarner sa poésie, en y insufflant leur propre personnalité, du rap-salsa de La Cafetera Roja sur « Barbès-Clichy » à la ballade « Quand tu dors » par Gab’J, en passant « La Rouille », dont l’interprétation à fleur de peau par Melissmell (« la Tina Turner française », assure Jojo) fiche la chair de poule.
A l’arrivée, c’est un disque « 100% sans Enfoiré, à l’opposé de projets hyper commerciaux de maisons de disque style “La bande à Renaud”, un projet du cœur fait par des gens qui savent qu’ils ne gagneront pas d’argent avec », poursuit Jojo Gallardo.
Lesquels accompagneront les Hurlements le 6 novembre sur la scène du Rocher de Palmer ? Mystère, mais qu’importe, « on s’cassera la voix à gueuler qu’on y croit, du moins qu’on y croyait, à quoi déjà ? On s’en souvient pas, on s’en souvient plus, on l’a jamais su ».
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