Enquêtes et actualités gavé locales

Pour les 10 ans de votre média : objectif 2000 abonné⋅es

30/04/2024 date de fin
733 abonné⋅es sur 2 000
Pour ses 10 ans, Rue89 Bordeaux propose un abonnement à 10€/an et vise les 2000 abonné.es

Le combat des ex-Molex passe par Bordeaux

En lutte depuis 2008 contre la fermeture de leur usine, par sa maison-mère américaine, 190 ex salariés de Molex ont d’abord obtenu gain de cause, avec la reconnaissance de leur licenciement abusif. Mais la cour de cassation a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Bordeaux, qui a examiné le dossier ce lundi.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Le combat des ex-Molex passe par Bordeaux

Une centaine de Molex s'est retrouvée devant la Cour d'appel de Bordeaux (Rue89 Bordeaux)
Une centaine de Molex s’est retrouvée devant la Cour d’appel de Bordeaux. (Rue89 Bordeaux)

Ils sont venus avec le bleu de travail qu’il portait encore il y a dix ans. Plus de 110 anciens salariés de l’entreprise Molex à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) se sont retrouvés à la Cour d’Appel de Bordeaux ce lundi. Tous souhaitent faire reconnaitre les responsabilités de la maison-mère américaine qui a fait fermer l’entreprise en 2008, quatre ans après l’avoir rachetée, alors qu’elle était bénéficiaire.

Ils veulent notamment faire reconnaitre le licenciement abusif des 283 salariés, et parler indemnités. Guy Pavan, ancien délégué CGT de l’usine de connectique automobile, s’interroge :

« Qui va payer ? Nous voulons que ce soit le groupe Molex, la maison-mère [au lieu de la collectivité, NDLR]. Eux ne veulent pas. Pour cela, nous disons qu’ils étaient co-employeur du site de Villemur. Ils disent qu’ils ne l’étaient pas. »

Des dirigeants déjà condamnés

Depuis la fermeture en octobre 2008 jusqu’en 2014, les salariés enchainent les victoires judiciaires. Une enquête de police, pour délit d’entrave aux prérogatives du comité d’entreprise, condamne deux dirigeants à six mois de prison avec sursis et 10000 euros d’amende chacun.

Le motif économique des licenciements est contesté. Le conseil des Prud’hommes de Toulouse et la cour d’appel de Toulouse abondent en ce sens et les licenciements sont alors considérés « sans cause réelle et sérieuse » rapportait en mars 2014 Guy Pavan, 33 ans de travail à Molex. Les 190 salariés plaignants obtenaient alors 14 millions d’euros.

La direction se tourne vers la cour de cassation qui estime que l’arrêt de la cour d’appel est « insuffisamment motivé » sur le statut de co-employeur de la maison mère. La plus haute juridiction française casse la décision, le 2 juillet 2014, conduisant les salariés devant la cour d’appel de Bordeaux. Guy Pavan reprend :

« Nous avons tout un tas d’éléments pour montrer que Molex n’a pas qu’organisé la fermeture de l’usine. Molex était aussi partie prenante dans la gestion courante de l’usine pour les embauches et les investissements. C’est Molex qui décidait de tout. C’est ce qu’on va défendre. »

« Ça vaut le coup de se bagarrer pour l’emploi »

Ainsi, l’avocat des 190 plaignants, maitre Jean-Marc Denjean explique à l’Agence France Presse (AFP) qu’ « il y a toute une série d’indices, d’éléments, de faits qui ajoutés les uns aux autres, démontrent que l’on n’était pas dans des rapports normaux. »

Ces éléments présentés restent insuffisants pour l’avocat du groupe américain. Durant l’audience, maitre Laurence Dumure-Lambert a d’ailleurs nié « tout immixtion de la société-mère dans sa filiale », rapporte l’AFP.

Guy Pavan, ancien délégué CGT des Molex (Rue89 Bordeaux)
Guy Pavan, ancien délégué CGT des Molex (Rue89 Bordeaux)

En dehors de la bataille collective juridique, les salariés ont essayé chacun de retrouver une activité. Sur les 254 personnes inscrites à la cellule de reclassement, les syndicats estiment qu’un peu plus de 60 % ont retrouvé un travail en CDI, une trentaine est partie à la retraite ou en indisponible, les autres sont toujours dans la précarité.

« Dans l’ensemble, par rapport à d’autres entreprises qui ont fermé, on est pas trop mal, explique Guy Pavan. On a réussi à garder une entité à Villemur (une commune de 5700 habitants, NDLR). Il y a plus de 50 anciens salariés de Molex qui y travaillent. Ça vaut le coup de se bagarrer pour l’emploi car les indemnités de licenciement c’est une chose, mais ça ne remplace pas le boulot… »

D’autant que la majeure partie de ceux qui ont retrouvé un CDI ont dû changer de travail, s’éloigner de Villemur, voir leurs salaires drastiquement réduits.

Et Dieu dans tout ça ?

Ginette Fontes s’estime presque heureuse malgré un an et demi de chômage après 30 ans passée dans la même entreprise. Fière de mener ce combat, l’ouvrière non-syndiquée s’insurge de la politique de Molex :

« Pour eux, c’est un licenciement économique. Nous, on sait très bien qu’ils ont racheté nos brevets français pour les travailler chez eux. J’espère qu’un jour où l’autre on va gagner. »

Soutien indéfectible aux ouvriers, le curé de Villemur, Philippe Bachet, a fait le déplacement :

« Tout chrétien doit être indigné de cette manière dont on traite les personnes. Depuis Léon XIII, c’est toujours ce que l’Église a dit. Elle avait incité les ouvriers à s’organiser en association pour défendre leurs droits. Les syndicats sont là aujourd’hui pour défendre leurs droits et nous devons les accompagner. »

Délibéré le 16 décembre

Amen. Lors de la manifestation devant le palais de justice, et alors que 6 syndicalistes d’Air France ont été le matin même placé en garde à vue, la CGT en a profité pour tacler les « mesures antisociales du gouvernement ».

« On voit bien que les lois Macron et Rebsamen, les rapports Lacabarats et Combrexelle (en vrac : plafonnement des indemnités de licenciement, réforme de la prud’homie, dépénalisation du délit d’entrave, la limitation du droit de représentation des salariés, etc.) sont directement liées aux luttes qui ont fait la une de l’actualité : Conti, Good-Year , Total, Ford, Sony, Tyco, et bien sur les Molex. Le gouvernement actuel, alors dans l’opposition, soutenait tous ces salariés en lutte en disant : plus jamais ça. Aujourd’hui à la tête des affaires, c’est plus jamais de patron en prison, de procédures qui s’éternisent, d’indemnités “exorbitantes”… »

Pour les Molex, le délibéré sera rendu le mercredi 16 décembre.


#cour d'appel de Bordeaux

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options