Il n’a pas les pieds sur terre Octave de Gaulle et il le revendique. Ce jeune designer diplômé en 2013 rêve d’Espace et décide, dès ses études à l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI), d’ « explorer ce rapport de fascination ». Son mémoire de fin d’études, « On a marché sur la tête », lui vaut un diplôme avec les félicitations du jury en 2013.
A cette occasion, il est repéré par une membre du jury, Constance Rubini, qui n’est autre que la directrice du musée des arts décoratifs et de design de Bordeaux (MADD). En 2014, le musée décide de soutenir Octave de Gaulle dans le développement de son projet et l’aide à intégrer le programme de résidence artistique du Centre national d’études spatiales (CNES). Pour couronner le tout, le musée expose ses travaux du 11 décembre 2015 au 10 avril 2016.
L’apesanteur comme nouveau cahier des charges
L’aventure spatiale d’Octave de Gaulle démarre avec une mise au point : « je ne suis pas dans la fiction mais dans la réalité ». Le but est de définir un autre rapport avec les objets et de « les transposer dans le cadre d’un nouveau cahier des charges », celui de l’apesanteur.
Dès lors, sa réflexion tourne autour de l’adaptation de l’objet, sa fonction et son ergonomie, dans de nouvelles conditions d’utilisation. Comment poser un objet sur une table ? Comment s’assoir autour de cette table ? Comment y prendre un verre ?
« La civilisation se créer autour d’une table, explique le designer. C’est un meuble autour duquel on vit, on discute et on échange. J’ai démarré ma réflexion à partir de son utilisation. Adapter le confort, c’est ce qui est passionnant avec le design. »
Les images des hommes qui flottent dans l’air et des bulles de liquide à gober sont déjà loin. Autour de la table d’Octave de Gaulle, on peut caler ses genoux confortablement entre de gros coussins, poser un objet qu’un système d’aspiration retient, et boire du vin avec un ustensile qui « capte » la sphère liquide :
« On peut parler d’un verre, mais ça n’a aucune importance. Nous sommes dans un environnement où les termes n’ont plus de sens. »
« Civiliser l’Espace »
Autour d’une réflexion d’apprivoisement des conditions, loin d’un environnement purement technique et austère, Octave de Gaulle veut dépasser la seule quête de survie et de l’essentiel :
« L’idée que nous avons des espaces de vie dans une fusée ou une capsule, à travers les images que nous connaissons des expéditions, se limite à des aspects ultra-militarisés. Or, une nouvelle ère civile spatiale est proche. Il faut imaginer un autre environnement que l’environnement technique. Il faut installer une nouvelle vie et une nouvelle culture. »
Il s’agit donc de « civiliser l’Espace » dans des dimensions étriquées. L’avènement du tourisme spatial, le projet d’un voyage vers Mars ou l’essor de l’aviation orbitale civile invitent à repenser les lieux et leurs occupations, les objets et leurs utilisations, en l’absence de poids et d’orientation.
A l’instar des industries navales, automobiles ou aéronautiques, l’industrie spatiale est ainsi appelée à muter et envisager une transition vers une exploitation civile. Les travaux d’Octave de Gaulle constituent une proposition qui démontre combien le designer a sa place dans l’aventure aux côtés des ingénieurs et des scientifiques.
Entre références et inventions
Située dans l’aile des communs du MADD, l’exposition se déploie sur deux niveaux. Le rez-de-chaussée propose au public les sources d’inspiration : l’histoire des premiers missiles allemands V2 côtoie le vol imaginaire de la bande-dessinée « Tintin, On a marché sur la Lune » ; trois dessins originaux du designer industriel Raymond Loewy effectués en 1968 dans le cadre d’une étude pour la NASA, montrent des toutes premières réflexions sur le confort des voyageurs cosmiques ; des croquis du concepteur de l’astronautique russe, Konstantin Tsiolkovski, illustrent la préparation du film « Voyage Cosmique », réalisé en 1936 par Vassili Zouravlev et présenté dans l’exposition.
Une maquette de module spatial à l’échelle réelle, Essor 2, présente près de 20 m² aménagés pour l’apesanteur et permet de dimensionner les différents éléments de l’habitacle et les solutions proposées.
Le premier étage de l’exposition est consacré aux différentes étapes d’élaboration des prototypes, ainsi qu’aux conditions utilisées pour les expérimenter. Une bouteille et un verre destinés à boire du vin ont pu être testés avec la collaboration de Novespace, une société basée à Mérignac pour des missions d’observation en apesanteur, ainsi que par l’astronaute français Jean-François Clervoy.
Avec une mise en scène chargée mais fonctionnelle, Octave de Gaulle surprend avec l’ingéniosité de conception et d’expérimentation. Il réussit à embraquer le spectateur dans sa conquête de l’Espace.
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