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Derrière la porte jaune, le monde selon Lutz Dille

En avant-première ce vendredi 15 janvier au cinéma Utopia à Bordeaux, « Behind the yellow door » de Lucas Vernier redonne vie à Lutz Dille, grand photographe de rue du XXe siècle qui a fini sa vie dans le Lot-et-Garonne. Ne vous fiez pas aux apparences, on est loin du biopic…

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Derrière la porte jaune, le monde selon Lutz Dille

(DR)
La photo de Lutz Dille envoyée à Lucas Vernier (Lutz Dille)

Lucas Vernier (DR)
Lucas Vernier (DR)

Tout commence avec une photo en noir et blanc. Celle que Lutz Dille envoie à Lucas Vernier, alors jeune adolescent. Quelque peu équivoque, elle montre deux garçons regardant des images érotiques sur la devanture d’un sex-shop. Au dos, il griffonne un message d’invitation « à franchir la porte jaune de sa maison ».

Les deux hommes se connaissent à peine, ils sont seulement voisins à Villeneuve-sur-Lot mais Lucas est intrigué par ce personnage un peu extravagant « en sandales Birkenstock en plein hiver » qui accroche ses outils à des fils pour ne pas les perdre. Malgré la curiosité, l’invitation reste lettre morte et Lutz, déjà âgé, décède.

« Et si j’étais allé le voir ? »

Le jeune Lucas a poursuivi sa vie : des études de cinéma et d’histoire entre Bordeaux et Toulouse, un master de réalisation à Bordeaux et un atelier avec le documentaire comme spécialité à la Femis. Devenu cinéaste avec « Cambodge 80 projections » et « L’harmonie du hasard », il se souvient de cette occasion ratée. Il continue de la raconter autour de lui jusqu’à ce qu’un de ses amis qui connaissait le photographe, lui montre ses innombrables clichés. Il se rend compte alors que ce vieil homme qui passait incognito dans sa petite ville du Lot-et-Garonne n’est autre qu’un grand photographe qui a parcouru le monde et dont les œuvres sont aujourd’hui exposées dans les plus grands musées (le Moma, la Tate, la BNF,…).

Commencent alors les recherches, la documentation et le sentiment que cette rencontre peut se faire à titre posthume grâce à ce film. Sans lui avoir jamais vraiment parlé, Lucas se sent proche de son sujet. Très vite, la forme classique du biopic s’évanouit pour une forme plus libre de dialogue entre deux artistes. La première partie, contemplative écrite à la première personne, laisse place à une sorte de fiction. La réalité de cette vie (et quelle vie) se conjugue à l’imaginaire relation entre les deux hommes. « Les questions qu’ils se posaient étaient les miennes. » Ce film sonne alors comme un défi : « et si j’étais allé le voir ? »

L’incroyable destin de Lutz Dille

S’il était allé le voir ? Il aurait découvert le destin incroyable de Lutz, né en 1922 et qui n’a jamais couru après le succès, l’enfance en Allemagne, l’entrée en classe d’arts appliqués à 14 ans, les Jeunesses hitlériennes, puis l’armée sur le front russe et enfin une vie de bohème à Hamburg, puis Toronto où il obtiendra la nationalité canadienne et New York.

Mais loin du constat clinique, Lucas retrace le fil intime de ses découvertes biographiques. Ce n’est plus Lucas qui raconte la vie de Lutz mais Lutz la sienne grâce à l’imagination fondée de Lucas. Des faits donc mais aussi des états d’âme, des réflexions personnelles, un pan d’intimité dévoilée sous la gouaille revigorante de l’acteur Lou Castel.

Une rencontre initiatique

D’après les nombreuses anecdotes et carnets, les photos et extraits de films personnels, le portrait devient vivant, incarné.

« Les proches de Lutz ont eu le sentiment de le faire revivre à travers ce film. Ce qui m’intéressait ce n’est pas d’être dans la ressemblance physique, le mimétisme mais plutôt de rendre compte de son esprit d’artiste, sa sensibilité. D’ailleurs, le choix de Lou Castel pour interpréter la voix appuie ce parti-pris, même si elles ne se ressemblent pas forcément, que Lou n’est pas Allemand mais Suédois, il y a quelque chose d’un peu rugueux et nasillard dans ce ton qui collait bien au personnage. Et puis leurs personnalités sont assez similaires : cette indépendance qui a pu les amener jusqu’à la marginalité, leur liberté dans le travail, le côté provocateur aussi. »

Inspiré par le maître, l’élève se met aussi en scène en prolongeant son approche. Après la théorie, la pratique. Lucas prend à son tour sa caméra pour montrer des scènes de rue, dans son village déjà puis au Canada comme pour réparer un regret du photographe :

« Je n’ai longtemps pas eu le choix de ce que je voulais photographier du monde. »

Ces instants filmés sont le résultat concret d’une rencontre initiatique qui n’a plus grand chose d’imaginaire !

« Behind the yellow door » sort en avant-première française au cinéma Utopia à Bordeaux le vendredi 15 janvier à 20h30, en présence du réalisateur. Le film, qui a reçu la Mention spéciale Premier Film à Miradas Doc, est co-produit par l’Atelier documentaire à Bordeaux et soutenu par la région Aquitaine.


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