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Emploi : à Bordeaux Métropole, vivre fait travailler au pays

Services à la personne, santé, immobilier… Plusieurs études, ainsi que le palmarès des entreprises qui embauchent réalisé par « La Tribune Bordeaux », relèvent le poids de l’économie « présentielle » de la métropole, plus importante que la sphère productive. Faut-il s’en soucier ?

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Emploi : à Bordeaux Métropole, vivre fait travailler au pays

Les Bassons à flot, symbole d'une économie industrielle devenue "présentielle" (Fabienne félix/flickr/CC)
Les Bassins à flot, symbole d’une économie industrielle devenue « présentielle » (Fabienne Félix/flickr/CC)

Savez vous quelle entreprise va le plus embaucher en 2016 dans la métropole bordelaise ? Thalès ? Dassault ? CDiscount ? Perdu : le CHU. Déjà premier employeur de l’agglomération avec 14000 salariés, le centre hospitalier de Pellegrin table sur 900 recrutements cette année, dont une bonne moitié d’infirmièr-e-s, d’aides soignant-e-s et agents de services hospitaliers.

Cela a valu au CHU le « Prix spécial » du palmarès des entreprises qui recrutent, établi par La Tribune Bordeaux. Le Premier prix délivré par le quotidien économique revient à O2 Home Services, une société de services à la personne qui prévoit 300 embauches, dont 60% de gardes d’enfants.

Avec 200 recrutements envisagés, l’entreprise locale Pichet décroche le deuxième prix. La croissance de 25% (au 1er semestre 2015) du promoteur immobilier, qui construit 2500 logements par an et emploie 1000 personnes, illustre le regain de forme du secteur.

Le troisième prix revient ex æquo à Kéolis (l’exploitant des trams, bus, BatCub et VCub), et Sopra Steria, une société de services informatiques basée à Mérignac, qui envisagent chacun 150 embauches dans l’agglo, dont une centaine de conducteurs de trams et de bus, et nombre d’informaticiens.

4379 emplois créés en 2015

Au total, ce sont 3000 prévisions de recrutements que La Tribune Bordeaux a recensé dans 163 entreprises différentes (sur 4000 interrogées). A titre de comparaison, l’année 2015 a connu, selon des chiffres provisoires arrêtés en septembre, 4379 créations nettes d’emploi (5160 moins 781 emplois détruits).

C’est déjà « 200 de plus qu’en 2014 », se félicite Virginie Calmels, maire adjointe de Bordeaux en charge de l’économie :

« Si les chiffres de décembre confirment cette tendance, cette forte hausse des créations d’emplois est très encourageante. D’autant plus qu’aux niveaux national et régional, ce solde est négatif. »

La bonne santé de la métropole rayonne sur toute la Gironde, selon Benoît Meyer, directeur départemental de Pôle Emploi, qui a enregistré une hausse de 6% des déclarations d’embauche en 2015. Soit 90000 recrutements, contre 80000 l’année précédente.

Merci pour votre présence

Dans quelles branches ? Les nouveaux marchés des services à la personne et aux entreprises, l’hôtellerie, la restauration et l’industrie… Le top 10 des métiers les plus recherchés comprend ainsi des agents de nettoyage, des cuisiniers, des aides-soignant-e-s, des commerciaux ou encore des informaticiens.

Ainsi, les tendances du palmarès établi par la Tribune Bordeaux et celles de Pôle Emploi confirment une caractéristique essentielle de l’économie locale : sa vitalité est davantage due aux besoins de ses habitants, en nombre croissants (environ 10000 de plus chaque année) et de ses touristes (désormais 6 millions par an), qu’à l’exportation de ses produits.

« Environ 95% des créations d’emplois à Bordeaux Métropole sont le fruit de la croissance de la sphère “présentielle”, alimentée par les populations qui résident ici ou sont de passage, analyse Emmanuelle Gaillard, chargée d’études économiques à l’a’urba, l’agence d’urbanisme de l’agglomération bordelaise. C’est un chiffre hallucinant : à Montpellier par exemple, où on dit souvent que toute l’activité est présentielle, cette proportion est seulement d’un tiers ! »

La halle Debat-Ponsan, quai de Paludate, sera partiellement reconvertie en commerces et bureaux (SB/Rue89 Bordeaux)
La halle Debat-Ponsan, quai de Paludate, sera partiellement reconvertie en commerces et bureaux (SB/Rue89 Bordeaux)

11 mondial

Pourquoi ? Historiquement, l’industrie est moins développée à Bordeaux qu’à Toulouse, par exemple, et n’a pas de locomotive comme Airbus. Conséquence : comme l’ont à la fois relevé les travaux de la mission attractivité de Bordeaux Métropole (1) et une étude récente du cabinet PricewaterhouseCoopers sur « les métropoles de demain », Bordeaux est dans le gruppetto concernant le nombre de cadres métropolitains.

« Avec 52000 salariés dans cette catégorie, soit 10% des emplois, la métropole bordelaise est 11ème sur 11 (les grandes villes de France, sauf Paris), relève Emmanuelle Gaillard. Or ces métiers se retrouvent dans ces secteurs d’activité clé pour la compétitivité des métropoles, comme la conception-recherche, les bureaux d’études, ou le commerce interentreprises. Ce sont des services de pointe dédiés aux industries, et que l’agglomération, sous-spécialisée dans ce secteur, n’a pas eu besoin de les développer. »

C’est d’ailleurs Toulouse qui, dans le sillage d’Airbus, truste les classements de l’économie de la connaissance et de l’innovation (première pour le nombre de cadres des fonctions métropolitaines, de salariés privés « créatifs » et dans la haute technologie).

Qualité de vie

Bordeaux accuserait ainsi un sérieux retard sur le high tech, concentré sur le seul secteur aéronautique spatial défense (9700 emplois à Bordeaux Métropole). Et c’est grave, docteur ? Pas tant que ça, estime Virginie Calmels, vice-présidente de la métropole en charge des sites majeur d’attractivité économique

« Nous connaissons bien cette importance de la sphère “présentielle”, et c’est très important de soutenir l’industrie. Mais nous pouvons aussi nous réjouir de ne pas être aussi dépendants que ça d’un secteur où se détruit plus d’emplois qu’il ne s’en créent. »

Emmanuelle Gaillard abonde dans ce sens :

« Certains stratèges économiques locaux jugent que notre dépendance à la sphère présentielle n’est pas soutenable, parce que les rémunérations versées, dans le secteur des services à la personne, par exemple, sont 30% inférieures à celles observées dans l’industrie. Mais nous voyons aussi que les territoires qui s’en sortent le mieux en terme de croissance sont ceux qui ont l’attractivité démographique la plus importante. Les moteurs principaux sur lesquels communique la ville, c’est le projet urbain (nouveaux quartiers comme les Bassins à flot, Euratlantique…) et la qualité de vie, qui attirent les cadres. L’accueil de nouvelles populations ne se traduit pas uniquement par des Ehpad pour les retraités, mais aussi par la création de boîtes innovantes par des jeunes motivés. »

D’ailleurs, toujours selon les chiffres de la mission attractivité (1), dont fait partie l’a’urba, Bordeaux Métropole est celle (en dehors de Paris) qui a le plus fort taux annuel de créations d’entreprises, et la quatrième de France en terme de création d’emploi.

« Business friendly »

Mais elle doit faire mieux, en particulier des jeunes diplômés, qui s’orientent de façon privilégiée vers la région parisienne, poursuit Virginie Calmels :

« Les étudiants peuvent s’en aller car, un peu comme les conjoint-e-s de salariés s’installant à Bordeaux, ils ne trouvent pas les emplois sur place. Notre rôle de puissance publique, c’est d’attirer des écoles et des métiers demandés par les recruteurs, notamment dans l’informatique et le numérique. Plus généralement, nous travaillons au marketing territorial pour faire à Bordeaux ce qu’Only Lyon a réussi par le passé : vendre la ville partout à l’international, notamment auprès d’acteurs économiques. Notre job consiste à leur montrer que Bordeaux est “business friendly”, dispose de pépinières d’entreprises, et de toute la structure nécessaire pour les accueillir – les liaisons aéroportuaire, la LGV l’année prochaine, et les constructions de nouveaux quartiers. »

Future présidente d’Euratlantique – elle va prochainement succéder à Josy Rieffers, qui représentait la métropole à la tête de l’établissement public d’aménagement –, Virginie Calmels invoque trois sites majeurs pour l’économie locale : l’opération d’intérêt national autour de la gare, donc, mais aussi deux « opérations d’intérêt métropolitain », Créative Vallée sur le campus et Bordeaux Aéroport. 300 hectares vont être aménagés sur ces OIM pour accueillir des entreprises, et créer 100000 nouveaux emplois d’ici 2030.

« Euratlantique accueille déjà des sièges sociaux régionaux, c’est plus compliqué pour les sièges nationaux, indique l’ex patronne d’Endemol France. Pour cela, il faut encourager les réussites locales, notamment via la labellisation French Tech, et espérer que des entreprises comme Concoursmania deviennent très importantes et poursuivent leur croissance ici. »

Derrière ces orientations politique, il y a des tendances encourageantes. « Même l’industrie reprend du poil de la bête », considère ainsi Benoît Meyer, de Pôle Emploi, avec l’implantation de Thalès à Mérignac, les commandes de Rafales à Dassault, ou encore le développement du pôle de compétitivité de la Route des Lasers. Présence et défense sont les nouvelles mamelles de l’économie bordelaise.

(1) Cambo (cahiers de la métropole bordelaise) N°8, novembre 2015, dossier « Economie, les défis du territoire ».


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