Observer des grues cendrées, un oiseau migrateur, sur l’étang de Cousseau, une réserve naturelle à Carcans, près de Lacanau. Se balader dans le marais de Parempuyre ou les Prés salés d’Arès et de la Teste-de-Buch. Comprendre les impacts des routes et des voies ferrées sur les zones humides de la vallée du Ciron. Voici quelques unes des sorties et débats proposés jusqu’au 29 février, autour de la Journée mondiale des zones humides (tout le programme ici).
Objectif : sensibiliser le grand public à la préservation de ces « territoires qui rendent service », selon Benoît Biteau, agriculteur à Sablonceaux (Charente-Maritime) et élu (PRG) au conseil régional d’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes.
« Une zone humide, c’est une zone de crue, un réceptacle pour les éviter que des zones anthropisées puissent être inondées en cas de fortes pluies, c’est une zone d’épuration de l’eau, et une zone de forte biodiversité, sauvage ou domestique. C’est un terreau très favorable à l’élevage de races locales capables de les entretenir. Enfin ce sont des zones de séquestration du carbone remarquables. »
Effet papillon
Riche de nombreux territoires remarquables – l’estuaire de la Gironde, le bassin d’Arcachon, les lacs du Médoc et des Landes… –, la Gironde, avec plus de 60000 hectares de zones humides, et plus largement la grande région ALPC, sont en première ligne dans ces journées mondiales (150 manifestations, le tiers de toutes celles organisées en France). Officiellement, la volonté politique est clairement affichée de sauver ces espaces, menacées par les projets d’urbanisation ou d’infrastructures.
« La priorité de mon mandat est que pas un m2 de zone humide continue à disparaître dans cette région », a par exemple martelé Nicolas Thierry, vice-président du conseil régional ALPC en charge de l’environnement et de la biodiversité, lors de la présentation des manifestations de la journée mondiale, lundi dernier à Bordeaux.
Il y a du pain sur la planche. Car avec la forte pression démographique sur les régions littorales, et sur la Gironde en particulier, ainsi que l’objectif du million d’habitants pour la métropole bordelaise, le bétonnage de ces zones, pourtant protégées par la loi sur l’eau, ne s’arrête pas.
« Nous avons l’impression que le leitmotiv, c’est de résorber le chômage à tout prix, et l’environnement devient la 5e roue de la charrette », glisse Philippe Barbedienne, directeur de la Sepanso Gironde (société pour l’étude et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest).
L’association écologiste combat ainsi plusieurs projets, comme la déviation routière du Taillan-Médoc, qui détruirait 11,5 hectares de zones humides (sur les 56 hectares qui seraient bitumés). 78 espèces protégées y sont répertoriées, dont l’Azuré de la sanguisorbe, un papillon que l’on ne retrouve qu’à cet endroit en Gironde. En juillet dernier, le tribunal administratif a donné raison à la Sepanso, estimant d’une part que le projet de route risque de nuire au lépidoptère, d’autre part qu’il n’est pas conforme à la loi sur l’eau.
Compenser, la plaie
Pourtant, l’Etat et le conseil départemental de Gironde ont fait appel de ces décisions, « sans craindre la contradiction, deux mois avant la COP 21 sur le changement climatique », selon Philippe Barbedienne.
« Alors que des zones très intéressantes vont être détruites, le projet prévoit pour se conformer à la loi sur l’eau, de compenser leur perte par des acquisitions de landes qui sont déjà des zones humides… De même, la construction sur une zone humide de l’usine Thalès à Mérignac a été compensée par l’acquisition par Bordeaux Métropole d’autres zones humides, déjà fonctionnelles, des prairies autour des marais de Bruges. Ce n’est pas sans intérêt, car cela permet à la collectivité de mettre ces zones à l’abri. Mais à l’arrivée, c’est une perte sèche, alors qu’on aurait pu par exemple racheter et « renaturer » d’anciennes zones drainées pour faire du maïs. »
Aujourd’hui, la loi impose aux aménageurs « d’éviter et de réduire leurs impacts sur l’environnement », et en dernier recours, « si possible », de les « compenser ». Le projet de loi sur la biodiversité, récemment voté par le Sénat, tente de mieux définir le régime juridique de la compensation, vivement critiqué, comme dans le cas de la LGV Bordeaux-Tours, et très loin d’être systématiquement appliqué.
Promesses en l’air
Des chiffres de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de Gironde soulignent ainsi qu’entre 2007 et 2014, sur 66 projets impactant des zones humides (pour 274 hectares détruits et 596 compensés), 13 projets de compensation étaient achevés, et 12 en cours, représentant 171 hectares. Dans la majorité des projets, donc, les mesures de compensation n’avaient soit pas débuté, soit n’étaient pas renseignées… Et la tendance est similaire pour la région Aquitaine, indique Gilbert Miossec, durecteur du Forum des Marais Atlantiques :
« Selon la la DREAL (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), sur 27 dossiers loi sur l’eau prévoyant des compensations de destructions de zones humides, une seule action était déjà engagée… Le point positif, c’est que le services de l’Etat ont désormais à disposition des outils qui leur permettent de mesurer la totalité des fonctions des zones humides, comme le stockage d’eau et l’épuration. Cela permettra de sortir d’une approche seulement quantitative, et d’amener les opérateurs à faire des efforts pour atteindre les mêmes niveaux de services rendus. »
Pour la biodiversité, l’étang est désormais compté.
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