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Dans la bande dessinée, « les femmes sont encore plus en galère »

Invitée par l’association Mediactuelles ce mercredi pour une rencontre à la Machine à Lire : « Les femmes dans la BD : mauvais genre ! », la scénariste Marie Gloris Bardiaux-Vaïente évoque dans cet entretien à Rue89 Bordeaux la place de la femme dans la bande dessinée.

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Dans la bande dessinée, « les femmes sont encore plus en galère »

(DR)
Marie Gloris Bardiaux-Vaïente (Ornicar photographie)

Marie Gloris Bardiaux-Vaïente, scénariste de bande dessinée et membre du Collectif des créatrices de bandes dessinées contre le sexisme, est l’invitée de l’association Mediactuelles, avec Sandrine Revel et Eric Audebert, à la Machine à Lire pour une rencontre sur le thème : « Les femmes dans la BD : mauvais genre ! », qui aura lieu ce mercredi à 18h30.

Du tollé provoqué au dernier festival de la bande dessinée à Angoulême sur l’absence de femmes dans la liste des nominées pour le Grand Prix, en passant par la réalité professionnelle des auteures, elle évoque dans cet entretien la place de la femme dans la bande dessinée.

27% de femmes dans la bande dessinée

Rue89 Bordeaux : Avec l’absence de femmes nommées pour son Grand Prix, le Festival de la BD d’Angoulême a été accusé de sexisme. Pour sa défense, son président explique qu’il n’y avait que 12% de femmes auteures… 

Marie Gloris Bardiaux-Vaïente : Le chiffre de 12,4% est basé sur le rapport annuel de l’ACBD, dit « rapport Ratier ». Or, l’enquête sur les auteur.e.s 2016 dans les états généraux de la bande dessinée parle plutôt de 27% de femmes « soit une proportion bien plus élevée que le chiffre de 12,4% habituellement évoqué », peut-on lire.

Le rapport Ratier prend en compte les auteur.e.s qui ont signé minimum trois publications et qui possèdent un contrat en cours. Ce qui veut dire que moi, je ne compte pas, tout comme de très nombreuses collègues. Ces critères font l’impasse sur toute une nouvelle génération qui n’a pas encore une grande bibliographie mais aussi sur les auteures qui ont eu une courte carrière. Car nous avons constaté que pas mal de femmes dans la bande dessinée font ce métier pendant quelques années puis s’arrêtent, sans doutes pour des raisons sociales, maternité notamment.

Certaines choses dans le parcours d’une femme rendent sa carrière professionnelle particulièrement difficile. Le collectif des créatrices de bande dessinée doit mener son propre questionnement sur cette situation, pour en comprendre le mécanisme.

Quel est ce collectif ?

Le Collectif des créatrices de bandes dessinées contre le sexisme réunit plus de 220 femmes. Ce n’est ni un syndicat, ni une association, ni un parti politique. C’est un organe de veille. C’est ainsi que nous avons soulevé la question de l’absence de femmes dans la liste pour le Grand Prix du Festival de la BD d’Angoulême.

Sur les égalités femmes-hommes, la société régresse

Sur cette question, des auteurs vous ont rapidement apporté leur soutien. Joann Sfar et Riad Sattouf (entre autres) ont aussitôt demandé à être retirés de la liste des nommés. Vous en avez pensé quoi ?

Merci à eux ! C’est bien que des hommes se soient manifestés. Mais on peut regretter qu’il ait fallu qu’ils s’en mêlent pour que l’affaire soit médiatisée. Les luttes féministes prennent de l’ampleur quand c’est un homme qui en parle. Ce qui démontre une nouvelle fois le fonctionnement patriarcal de la société.

Qu’est ce que le Collectif a entrepris depuis cette affaire ?

Nous sommes en négociation sur un ensemble de sujets dont je ne peux pas parler. Je peux vous dire que nous sommes en train d’établir des consignes qui pourront être transmises aux acteurs du secteur.

Je peux vous donner un exemple : nous voulons supprimer la notion de collections fille/garçon. Les livres pour les filles ou pour les garçons véhiculent des stéréotypes qu’on veut bannir. Il y a trente ans, ça n’existait pas. La bibliothèque rose est destinée aux enfants de six à douze ans, pour les filles comme pour les garçons, la bibliothèque verte pour tous les ados. On ne peut que constater que la société régresse avec tous ces principes et les jouets genrés. J’ai joué au Lego et au Playmobil quand j’étais enfant sans qu’ils soient marketés « pour filles »…

Les femmes ont du mal à prendre la parole

Et au niveau professionnel ?

On demande la parité dans les jurys et les comités de sélection pour les années à venir. Au final, pour Angoulême 2016, après moult tergiversations et rebondissements, la solution de faire voter les auteur.e.s eux mêmes sur le site internet a été la solution la plus digne.

Le grand bénéfice de ce qui s’est passé à Angoulême, c’est la prise de conscience. J’ai passé quatre jours au festival et on en a beaucoup parlé. Ça progresse. Selon moi, les hommes ont tout à gagner : on ne veut rien leur prendre, on voudrait accéder à la même place, c’est plus harmonieux d’ouvrir le milieu professionnel.

Que pensent vos confrères de cette situation ?

Certains disent qu’ils ne s’en rendent pas compte, ils sont sincères ! Mais c’est une forme de sexisme intégré. Les hommes ne le conscientisent pas. Personnellement, j’ai vécu des inégalités professionnelles : on m’a proposé un tarif moins élevé que pour un collègue homme sur une intervention scolaire. J’ai dû refuser.

Certes, les conditions professionnelles sont difficiles pour tous, sauf que les femmes sont encore plus en galère.

Certaines femmes ne sont pas conscientes de ces inégalités. C’est un mécanisme sociologique. Elles subissent les règles de la société et elles ont intégré ses injustices dans des mécanismes liés à l’éducation. Culturellement, elles ont du mal à prendre la parole. Nous devons œuvrer ensemble, hommes et femmes, pour une plus grande égalité.

Infos pratiques

Mercredi 15 mars à 18h30, « Les femmes dans la BD : mauvais genre ! » à la Machine à Lire, place du Parlement à Bordeaux. Rencontre avec Marie Gloris Bardiaux Vaïente (Delcourt, Dupuis), Sandrine Revel (Prix Artemisia 2016 pour Glenn Gould, une vie à contretemps, Dargaud) et Eric Audebert (association 9-33, festival Regard 9)


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