Stands de bois colorés, espaces de glisse et stands d’animation gustative de barbapapa… Une fête foraine à l’ancienne, loin des manèges high-tech des Quinconces, s’installe sous l’estacade ; cette sorte de tunnel de béton de 8m de large et 1,2 kilomètre de long, c’est la sous-face du viaduc construit rive droite pour l’arrivée à Bordeaux de la ligne à grande vitesse.
Cet espace vide et inhospitalier se transforme en Tube festif et forain le temps d’un week-end, les 19 et 20 mars. De quoi raviver les couleurs d’un « ouvrage d’art », comme l’appelle joliment le secteur du BTP, créé pour supprimer le « bouchon ferroviaire » bordelais en 2015 et qui sépare encore plus les différents quartiers du Bas-Cenon.
Aux manettes de ce Tube, la bande du Bruit du Frigo, infatigable moteur d’imagination urbaine. Fidèle à sa méthode de travail habituelle, Bruit du Frigo conçu l’événement en concertation avec les habitants du Bas-Cenon et douze associations du quartier et d’ailleurs, depuis septembre dernier.
Etape exploratoire
Après d’autres chantiers que le Bruit du Frigo a pu mener à la Bastide ou Belcier, où le dialogue n’a pas toujours donné lieu à des réalisations concrètes, cette fête foraine under the train devrait être un nouveau point de départ. « Une étape exploratoire », selon Annabelle Eyboulet, du Bruit du frigo :
« C’est un événement qui permet de révéler ce lieu très peu connu, d’y expérimenter des aménagements, d’ouvrir la concertation à un public plus large. C’est un parc d’attraction à explorer, à tester, à remodeler pour poursuivre la réflexion et écrire collectivement le futur de l’Estacade. Le Tube amorce quelque chose. »
S’il y aura donc sous les voies, des courses de vélo électrique, du skate, une soirée pull à facettes (avec port de pull obligatoire!) et des projections d’Olivier Crouzel, il s’agira aussi de se mettre au travail, dans les espaces de convivialité installés-là.
Objectif : débattre, récolter des paroles, des croquis, nourrir la matière de l’étude qui sera remise ensuite à SNCF Réseau, propriétaire des lieux, pour imaginer le futur de ce « lieu unique » dans la métropole bordelaise.
Transformer l’estacade en atout
C’est la SNCF qui est venue chercher le Bruit du Frigo pour imaginer comment une partie de cette estacade pourrait être investie, dans le cadre d’un projet plus large de valorisation de l’espace ferroviaire de Cenon.
Après les longs travaux sur les voies de la LGV, la ville de Cenon avait commandé une étude à l’A’urba en 2014 pour valoriser et transformer en atout un ouvrage plutôt vécu comme une coupure urbaine. A la clé, des propositions en tout genre pour cet espace couvert grand comme 3 Rochers de Palmer : un marché permanent, dont le bas-Cenon est dépourvu, du stationnement, des locaux associatifs et culturels, des promenades adossées à des jardins partagés, ou un site de sports et loisirs.
Seule limite à ces espaces potentiels : les contraintes de sécurité et de maintenance des voies par la SNCF , ainsi que les nuisances sonores liées aux passages fréquents des trains – 15 par heure… Les futurs équipements devront aussi être acceptés des habitants d’un quartier résidentiel, coincé entre voies ferrées et coteaux.
Pour l’heure, le Bruit du Frigo n’a eu à investir qu’un morceau du tunnel : 200m sur les 1,2 km qui relient la Benauge aux bas des coteaux de la rive droite, c’est à dire de l’avenue Jean-Jaurès au boulevard de l’Entre-deux-Mers.
Faire avaler la pilule ?
L’opération pourrait-elle être comprise comme une façon de faire avaler la pilule d’un ouvrage mal vécu par les habitants ? La concertation arrive en effet à la fin des travaux, une fois que l’estacade et les voies ferrées sont terminées. « C’est une question qui s’est posée à nous, évidemment », reconnait Annabelle Eyboulet, du Bruit du frigo :
« Nous sommes conscients des contraintes pour les habitants. Nous arrivons sur un territoire douloureux. Aussi sommes-nous très vigilants dans notre discours. Mais ce lieu a un potentiel assez dingue, c’est ça qui nous a donné envie d’y aller. C’est une percée dans le quartier, mais le Bas-Cenon possède peu d’équipements publics, c’est l’occasion d’en lancer un. »
Dimanche soir, après la fête (sous le soleil, prévoient-ils) et les échanges, l’équipe aimerait bien prolonger un peu. « On se dit que c’est dommage d’avoir travaillé sur un espace pendant des mois et que ça ne dure qu’un week-end ». Le Bruit du frigo voudrait proposer l’ouverture deux week-end par mois, comme un parc public. Il reviendra ensuite à SNCF Réseau d’écrire la suite et de programmer les aménagements définitifs de ces espaces ferroviaires encore vierges.
Y aller
Le Tube, les 19 et 20 mars, sous l’estacade, rue Maréchal Joffre, Cenon, dès 11h du matin.
Le site internet de Bruit du frigo
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