Ce n’est pas le moment de se relâcher. A moins d’une semaine de la fin de sa campagne de crowdfunding, Allez les Filles n’a atteint que 54% de son objectif – 13532 euros récoltés, sur les 25 000 euros demandés.
Comme d’autres festivals aquitains avant eux, l’association de Francis Vidal, une figure du rock à Bordeaux, a choisi le financement participatif pour compléter le budget 2016 du festival Relâche.
Créé en 2010, ce festival est devenu le rendez-vous estival incontournable de la métropole bordelaise. Avec 60 concerts, Relâche représente 2/3 de la programmation annuelle d’Allez les Filles, le tout constitué de soirées gratuites.
Cette gratuité implique un budget conséquent, qui flirte avec les 350 000€. Des chiffres pas si excessifs si l’on considère la qualité de la programmation, mais conséquents pour une association de seulement 4 salariés.
Car si Relâche occupe largement l’été, le festival n’est subventionné qu’à hauteur de 13%, principalement par la mairie et Bordeaux Métropole, à hauteur respectivement de 25 000€ et 35 000€. Un soutien évident pour Fabien Robert, adjoint à la culture de la mairie de Bordeaux :
« Allez les Filles sont des précurseurs. Avec une programmation internationale et des concerts de grande qualité, Relâche a su se faire un public, et il est normal que Bordeaux les soutiennent. »
Relâche, un festival peu subventionné
Avec plus de 150 000 personnes déclarées sur l’été, c’est l’événement phare de la métropole, avec un delta assez grand entre le public qu’il représente et le soutien qu’il reçoit :
« La gratuité a un coût. Bordeaux est une ville très visitée l’été et on l’anime, explique Francis Vidal. Nos chiffres équivalent aux entrées du Grand Théâtre. On est une association qui touche entre 150 et 180 000 personnes avec 4 employés très mal payés, sans beaucoup de soutien de la région et du département. Bon le département, ils ont autre chose à fouetter avec le RSA ! Mais les gens qui sont au RSA, ils peuvent venir à Relâche ça leur redonne le moral ! »
« Ce peu de soutien de la région et du département est inexplicable, déplore Fabien Robert. Avec une telle fréquentation tout le monde peut trouver des raisons de justifier son financement. »
Le département favorise les investissements structurels, de matériel ou de formation, et étudie l’intérêt des projets selon leur impact sur le territoire, justifie-t-on au Conseil départemental, sans s’étendre sur ces modalités d’attribution des aides. Allez les Filles est toutefois aidé pour son fonctionnement qu’à hauteur de 7000€.
Quant à la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, elle a mis en place un Fonds de soutien à l’émergence et à l’animation locale, visant un rééquilibrage en faveur des départements ruraux, ce qui exclue de facto Relâche de son champ d’intervention.
En outre, la Région considère le festival comme une manifestation locale qui doit être en premier lieu accompagnée par les collectivités de proximité, la ville de Bordeaux et Bordeaux Métropole.
Allez les Filles ne reçoit qu’une subvention régionale au titre de l’aménagement culturel du territoire. Mais on peut s’interroger sur le différentiel qui existe entre les aides dont bénéficie l’association et celles des autres structures de la métropole, avec notamment un différentiel de 1 pour 10 avec le Krakatoa, l’Antirouille, et de 1 pour 20 avec le Rocher de Palmer et le RAMA de Bègles.
« Un cadeau qu’on fait aux gens »
Aussi pour compléter le budget, le financement participatif est apparu comme une évidence :
« Le crowdfunding, c’est une forme de référendum, considère Francis. Ce Ulule, c’est pour faire comprendre aux gens ce qu’est Relâche. C’est des cadeaux que l’on fait aux gens, et les gens ne le ressentent pas comme ça. Une soirée de Relâche pour un producteur normal, ce serait 20€. On se fout pas de la gueule des gens ! »
Pour Margaux, good idea manager chez Ulule, l’aspect participatif du crowdfunding s’inscrit bien dans l’ADN de ces projets. De plus en plus de gros festivals en difficulté financière font appel au crowdfunding.
Le crowdfunding pallie parfois la baisse des subventions publiques pour les projets culturels. Mais il offre surtout un mode de financement alternatif qui permet d’engager sa communauté dans son projet via notamment le système des contreparties
En ligne depuis le 25 février sur Ulule, le projet de crowdfunding n’a pas encore trouvé tout son public. Maxime qui gère le projet n’a pas prévu de plan B dans le cas où le financement n’aboutit pas. Son objectif pour les prochaines semaines : mobiliser un maximum de soutien pour le concrétiser !
Le crowdfunding : un outil médiatique
Avant eux, le Black Bass Festival s’est risqué au financement participatif. Un choix plus poussé par l’aspect médiatique qu’économique, avec de faibles sommes demandées.
« Le crowdfunding de la première édition du Black Bass Festival représentait moins de 5% du budget, explique Thibault, son responsable. C’était intéressant pour nous d’utiliser ce biais, pour impliquer une communauté. On sait que le contributeur deviendra prescripteur, puisqu’il ne viendra pas seul au festival. Il y avait là un enjeu de communication pour nous faire connaitre. »
Après avoir reconduit l’expérience du crowdfunding pour la seconde édition, le festival ne devrait toutefois pas relancer un projet pour le troisième festival. Thibault a observé un ralentissement dans le soutien de la seconde édition, et pense que le crowdfunding est avant tout un système de mode qui s’essouffle. Il note aussi son caractère extrêmement chronophage.
Chez Ulule, Margaux note au contraire un élargissement de leur communauté :
« Le financement participatif a de l’avenir ! Loin de s’essouffler notre communauté ne cesse de s’agrandir. Nous venons de passer le cap du million d’utilisateurs, et nous sommes en train de battre des records avec plus de 1 000 projets en cours de financement actuellement.
On observe qu’il y a de vraies communautés sur Ulule qui font de la veille sur certains sujet (audiovisuel, édition musique…). »
Reste cependant que la réussite d’un tel mode de financement réside dans la capacité à mobiliser une communauté. Une tache pas si aisée.
Une pratique chronophage
OSB IV a fait l’expérience avec l’organisation du concert d’ouverture des Campulsations 2016 du travail que représentait un tel projet.
Pour compléter son budget, l’association avait lancé un crowdfunding de 8000€. Au final, l’objectif a été atteint à la dernière limite, en partie parce que l’association à du mettre la main à la poche pour valider le financement.
En effet, la plupart des plateformes pratiquent le système du « tout ou rien », qui oblige à bien calculer sa demande, au risque de ne pas l’atteindre et de voir tous les dons annulés. Pour éviter cela, la seule solution est de compléter la somme de sa poche.
Le semi échec de leur projet, OSB IV le doit au manque de relais de ses bénévoles. Lancé en plein été, le projet a eu du mal à avancer. Il demandait beaucoup trop de temps par rapport à celui que nécessitait l’organisation d’un concert.
C’est aussi une difficulté supplémentaire que de demander de contribuer à un festival gratuit, au risque d’une confusion dans les termes. Les habitués du financement participatif fonctionnent avec des contreparties qu’il faut imaginer astucieusement.
Margaux conseille dans ce cadre de jongler entre des contreparties symboliques (le nom des contributeurs sur un mur à l’entrée du festival par exemple), des contreparties matérielles (des tite-bags, des éco cups, des stickers…) et des contreparties « expérientielles » (une rencontre privilégiée avec des artistes, un dîner avec toute l’équipe du festival…).
Pas forcément facile de s’y retrouver pour les néophytes même si les « good idea managers » du site assurent l’accompagnement. Les associations préfèrent mobiliser bénévoles et adhérents sur l’organisation du festival proprement dit.
Mécénat et crowdfunding : avenir du financement ?
Il n’empêche, la baisse des soutiens à la culture ces dernières années oblige les collectivités à des arbitrages plus serrés, et les associations à considérer d’autres modes de financement que les deniers publics.
Fabien Robert soutient ce type de démarche, comme toute démarche de mécénat :
« Je crois que les fonds privés ne sont pas un gros mot, assume-t-il. À partir du moment où l’on fixe des règles claires aux partenaires, il n’y a pas de soucis. Il y a sur Bordeaux des ressources qui dorment, des mécènes prêts à consacrer de l’argent en demandant peu de contreparties, et à s’impliquer sans toucher à la liberté artistique. »
Il n’empêche, ces nouvelles méthodes de financement gardent encore un caractère maçonnique pour qui ne s’y est jamais risqué. Avec ses codes impliquant une grande disponibilité et des capacités de community management pour se démarquer dans la jungle des différents projets, la mise en place d’un projet de crowdfunding reste une aventure pour celui qui s’y engage pour la première fois. Il sort des codes classiques de la communication. Pour les différentes associations rencontrées, c’est un défi à relever.
Le projet de Relâche, dernier en date, s’est fixé un objectif est ambitieux : 25 000€ à collecter avant le 11 avril, pas une paille. La réussite de ce projet donnerait un signal fort aux collectivités. Elle démontrerait le soutien populaire dont bénéficie le festival : le référendum souhaité par Francis Vidal.
Souhaitons-leur qu’il soit un plébiscite pour que le rock rythme encore l’été bordelais !
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