Katiha Chaffour-Annab est présidente de l’association « Les escarpins de chantier », qu’elle a fondé en décembre 2013 et qui compte aujourd’hui une trentaine de membres. Le but : valoriser les métiers du BTP (bâtiment et travaux publics) auprès des femmes.
« Il y a trop peu de femmes dans le bâtiment. Elles ont le même talent que les hommes. Je voulais prouver que les femmes ont leur place et leur dire d’oser le bâtiment et les travaux publics », raconte-t-elle.
Katiha dirige « Sousa Façade », une entreprise spécialisée dans le BTP (bâtiment et travaux publics). Elle baigne dans cet univers depuis toute petite. Son père était maçon, son oncle plombier. D’abord employée chez un constructeur de maison individuelle, elle découvre le chantier dans les années 80. Elle s’y sent tout de suite légitime, « même en tant que femme ».
« C’est vrai qu’on a parfois des bottes, un casque sur la tête. Ce n’est pas très glamour mais c’est passionnant », raconte-t-elle en rigolant.
Bien que cet univers soit majoritairement masculin, il est pourtant possible de se faire respecter en tant que femme. Pour cela, être compétente est indispensable. Et une femme possède bien des atouts applicables au quotidien sur les chantiers.
« Nous les femmes, on aime bien ménager la chèvre et le chou, arrondir les angles. Et puis nous sommes peut-être plus méticuleuses et rigides dans l’organisation », conclut Katiha.
Du côté des femmes architectes
« Ce n’est pas évident d’être une femme dans ce milieu. Il faut être technique et rigoureuse pour être écoutée. Et connaître tous les métiers du bâtiment, du maçon à l’électricien », témoigne Marie Berger, architecte depuis une dizaine d’années et gérante de sa propre société.
Certains hommes lui ont déjà adressé des propos déplacés, d’autres lui parlent avec respect. C’est selon elle finalement une question de personnalité.
Pour Elisabeth Manguin, âgée de 32 ans, l’univers du bâtiment n’est pas un milieu plus macho qu’un autre. Quelques vannes sont parfois lancées sur les chantiers mais restent des cas particuliers.
« Quand je travaille, il y a autant d’écoute que si j’étais un homme », relate-t-elle.
Le sexisme, elle dit l’avoir rencontré seulement à deux reprises, en six ans. Une fois, un client a fait appel à elle pour rénover sa cuisine… Mais pas pour travailler sur l’ensemble de la maison ! Face à ces clichés, sa technique est simple : elle refuse tout bonnement de travailler avec ces personnes.
Paule Rouquette est architecte depuis plus de trente ans et n’a jamais essuyé de remarques désobligeantes. Les conflits, quand ils interviennent, sont plus souvent liés à des désaccords techniques ou financiers, plutôt qu’au rapport entre hommes et femmes.
De la fermeté, un savoir-faire et un peu de douceur seraient donc les maître-mots pour exercer sa profession en toute tranquillité dans l’univers du BTP.
Une féminisation de la profession
« A l’époque, quand je suis arrivée à l’école d’archi, le directeur s’est adressé à nous, les filles : si vous êtes venues ici pour chercher un mari, vous pouvez sortir de la salle. Il y a 40 ans, notre présence n’était pas vraiment désirée », témoigne Sophie Molines, du conseil régional de l’Ordre des architectes.
Aujourd’hui, la réalité est toute autre. A l’échelle régionale, sur 1 754 architectes inscrits à l’Ordre en 2016, 558 sont des femmes, soit 32%, contre 26% en 2010 (342 femmes sur 1 295 architectes).
A l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage (ENSAP) de Bordeaux, les chiffres sont aussi évocateurs. Pour 1092 étudiants, 636 sont des femmes, soit 58,24% – chiffres au 2 juin 2016, toutes disciplines et promotions confondues. Il y a plus de femmes que d’hommes. Les mentalités évoluent ainsi en même temps que la société.
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