Il y a ici quelque chose qui se passe avec le public. On ne s’inscrit pas dans un lieu pareil depuis 10 ans sans y écrire une histoire forte.
Ce travail peut-il être remis en question par le nouveau découpage territorial des communautés de communes ? En effet, avec la loi NOTRe, dernier volet de la réforme territoriale, la Communauté de Communes (CDC) du Vallon d’Artolie va éclater à partir du 1er janvier.
Une symbiose réussie
C’est une symbiose réussie entre la CDC du Vallon d’Artolie, l’association Musaraigne et Via la Rue qui assure la direction artistique du festival.
« Un projet comme celui là sur un territoire est fédérateur, indique Pier Guilhou de Via la Rue. Le projet est construit avec la CDC, pour enclencher une dynamique territoriale. C’est un engagement fort de la CDC et un très bon levier des questions qui tournent autour du territoire.
C’est assez rare de pouvoir ainsi agréger bénévoles et gens du village. Cela créé une symbiose, et des affinités, qui ne se limitent pas au festival. »
Depuis 10 ans le festival a bien évolué. Les moyens au début étaient ridicules, avec peu de possibilités. Le succès croissant a donné plus de marge de manœuvre, convaincant peu à peu les collectivités.
La refonte de la CDC apporte aux organisateurs de Rue & Vous des inquiétudes. Celles de voir s’arrêter un travail territorial de longue haleine, celle de devoir à nouveau convaincre, et expliquer le bien fondé du festival.
« C’est un peu cruel pour nous. Ça fait 15 ans que l’on travaille sur ce territoire et sur son identité, ajoute Pier Guilhou. Rue & Vous s’inscrit dans une dynamique territoriale toute l’année, notamment avec des spectacles en amont, et un programme d’animation de l’espace naturel sensible de l’île Raymond. Notre travail ne se fait pas uniquement avec le festival. »
Un avenir en question ?
La situation n’est pas anodine. Au lieu de fusionner, la CDC du vallon d’Artolie est une des rares qui vont être découpées . Et dans ce cadre, les nouvelles CDC n’ont pas obligation de récupérer les projets en cours, ni d’accepter d’endosser des compétences culturelles.
Christophe Azema, le responsable de la communication de la CDC du Vallon d’Artolie qui suit le festival, ne sait pas encore où il sera rattaché, dans la CDC de Cadillac, de Podensac, ou une autre. Il n’a pas non plus la certitude de continuer sa mission culturelle, mais prépare tout de même les dossiers de la prochaine édition.
En effet, si le changement sera effectif en janvier, la préparation de la prochaine édition commence maintenant, et la programmation se décide à partir de septembre. Dès cette semaine, sept à huit spectacles doivent être bloqués pour l’an prochain. La communauté de commune de Podensac prend acte de la volonté des organisateurs de continuer le festival, mais ne garantit pas la tenue de la prochaine édition.
De son coté, le maire de Rions, élu depuis les dernières élections municipales, a annoncé qu’il ferait tout pour que le festival continue. Rue & Vous peut également s’appuyer sur le Conseil Général de Gironde qui « soutient la continuité ».
Le calendrier des discussions à venir entre les différentes CDC, autour de l’attribution des compétences et du suivi des projets en cours, se met en place pour débuter en septembre, afin que des décisions soient arrêtées en octobre-novembre. Mais le problème majeur demeure ce temps de latence avant la recomposition, qui laisse les organisateurs dans l’expectative.
Un festival qui habite Rions
Rue & Vous investit réellement le village. Le cadre est exceptionnel. Avec ses atours médiévaux, ses halles, son enceinte et ses portes, Rions est chargé d’histoire.
Le festival ne fait pas qu’utiliser les lieux. Il les habite, il les habille. Au-delà des spectacles, c’est toute une scénographie qui est faite dans les rues du village, des kilomètres de câble qui sont tirés pour éclairer et mettre en valeur ce lieu unique. Pour les 10 ans, fêtés ces 7, 8 et 9 juillet, si le budget n’était pas vraiment supérieur à l’ordinaire, les organisateurs ont voulu marquer les lieux, par toute une série de signes : mots sur les murs, loterie mobile, photos des éditions précédentes, encollages.
Des clés avec des ailes de papillon guident les spectateurs de scènes en scènes, où ils peuvent trouver fauteuils et canapés pour s’installer. On peut même, en s’arrêtant sous les halles, repartir avec une coiffure extravagante, réalisée par les mains expertes de Vincent Portal, le coiffeur nomade.
Une programmation équilibrée
Anniversaire oblige, des surprises étaient prévues, comme une procession avec tambours et feu d’artifice. Et bien sur « l’after » entre bénévoles, moment fort qui soude l’équipe. Pour le reste, les choix de programmation sont pointus et variés, avec 23 compagnies, pour séduire à la fois les férus de spectacles et les personnes venant profiter des lieux. L’idée est de proposer une programmation équilibrée, sans qu’une tête d’affiche ne phagocyte les autres.
Pour cette édition, on a retrouvé notamment la Cie Trois points de Suspension, et « La Grande saga de la Françafrique », où 60 ans d’histoire de la France en Afrique sont revisités en 80 minutes, par un personnage exubérant. Tour à tour, il singe De Gaulle, Foccart, Mitterrand, ressuscitant dans l’espace scénique ces personnages historiques et leur attitude trouble vis à vis de l’Afrique.
Proposer de tels spectacles, c’est beaucoup de travail en amont pour les programmateurs, qui vont « faire leur marché » à « Chalon dans la rue », le plus grand festival des arts de rue français. Et pour certaines compagnies, c’est plusieurs années de contact pour les convaincre de venir à Rions. Les incertitudes sur l’avenir mettent leur travail dans une position inconfortable, que tous les amateurs d’arts de rue espèrent temporaire.
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